Benyamin Netanyahou a annoncé dimanche 18 mai le lancement de son opération « Chariots de Gédéon ». L’objectif de l’armée israélienne est d’occuper militairement la totalité de l’enclave, raser au fur et à mesure de sa progression tous les bâtiments restants et déplacer de force la population vers la région de Rafah, à la frontière avec l’Égypte.
L’opération suscite, pour la première fois depuis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, une opposition frontale des pays Européens.
- Dans les conclusions de sa dernière réunion dédiée au Moyen-Orient, le 20 mars, le Conseil déplorait « la rupture du cessez-le-feu à Gaza, qui a fait un grand nombre de victimes civiles lors de récentes frappes aériennes », et « le refus du Hamas de remettre les otages encore détenus » 1.
- Au cours des 19 mois qui se sont écoulés depuis l’attaque du Hamas, la position de l’Union consistait à appeler à une résolution du conflit et à la protection des populations civiles tout en identifiant le Hamas comme le principal frein à la paix.
- Cette position est en train d’évoluer, à mesure que le blocage de la livraison d’aide et de nourriture dans l’enclave par Israël augmente considérablement le risque de famine 2 — l’équivalent de 87 camions d’aide sont entrés dans la bande de Gaza depuis hier, 21 mai, les premiers depuis le 2 mars.
Mardi 20 mai, la Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, Kaja Kallas, a déclaré qu’une « large majorité » des 27 États membres (17 pays selon des sources diplomatiques 3) soutenait désormais le réexamen de l’accord d’association Union-Israël en vertu de son article 2, qui précise que « les relations entre les parties sont fondées sur le respect des droits de l’homme ».
Ce réexamen est demandé depuis plusieurs mois par l’Espagne et l’Irlande notamment — les deux seuls pays d’Europe occidentale reconnaissant l’État de Palestine. Celui-ci faisait jusqu’à présent face à une opposition de la majorité des membres de l’Union.
- Or, les Pays-Bas notamment ont changé de position depuis l’imposition du blocus humanitaire. Début mai, le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Caspar Veldkamp, a adressé une lettre à Kallas critiquant les opérations militaires israéliennes à Gaza et en Syrie et demandant le réexamen de l’accord d’association 4.
- Lundi 19 mai, le Canada, le Royaume-Uni et la France ont publié une déclaration commune appelant le gouvernement israélien à « arrêter ses opérations militaires à Gaza et autoriser immédiatement l’entrée de l’aide humanitaire ». Le Hamas est quant à lui sommé de « libérer immédiatement les derniers otages qu’il retient si cruellement depuis le 7 octobre 2023 » 5.
- Paris, Londres et Ottawa ont menacé d’imposer des sanctions sur Israël si Netanyahou ne mettait pas fin aux colonies en Cisjordanie « qui sont illégales et compromettent la viabilité d’un État palestinien ainsi que la sécurité des Israéliens et des Palestiniens ».
Le ministère des Affaires étrangères israélien a dénoncé les propos de Kallas et la décision des États membres de réexaminer l’accord d’association, accusant les Européens de « durcir la position du Hamas et de l’encourager à camper sur ses positions » 6. Quelques heures après la publication de cette déclaration, l’armée israélienne a tiré des coups de semonce à balles réelles en direction d’une délégation de diplomates européens et arabes en visite au camp de Jenin, en Cisjordanie occupée 7.
- La délégation comportait des diplomates issus d’une vingtaine de pays dont la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Irlande et le Canada.
- Paris a annoncé qu’il allait convoquer l’ambassadeur israélien « pour s’expliquer », tandis que Londres a exigé qu’une enquête soit lancée.
Hier, mercredi 21 mai, deux membres du personnel de l’ambassade israélienne ont été tués par des tirs près du Capital Jewish Museum à Washington par un homme qui a scandé « Libérez la Palestine ». Israël a lié cette attaque meurtrière aux récentes critiques internationales sur la conduite de la guerre à Gaza, et a accusé des pays européens d’« incitation à la haine ».
- Selon le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, « Il existe un lien direct entre l’incitation à la haine antisémite et anti-israélienne, et ce meurtre.
- Il ajoute : « Cette incitation est également le fait de dirigeants et de responsables de nombreux pays et organisations internationales, particulièrement en Europe ».
Du 17 au 20 juin, la France et l’Arabie saoudite présideront une conférence à New York qui vise à « faire avancer » la solution à deux États. À cette occasion, plusieurs pays européens, dont la France, pourraient annoncer reconnaître l’État palestinien.
Sources
- Conclusions du Conseil européen, 20 mars 2025.
- IPC Acute Food Insecurity and Acute Malnutrition Special Snapshot, 12 mai 2025.
- « EU to review agreement with Israel over Gaza concerns, Kallas says », Reuters, 21 mai 2025.
- Nicholas Vinocur, « EU-Israel deal must be reviewed over Gaza aid dispute, urges Dutch minister », Politico, 7 mai 2025.
- Déclaration conjointe des dirigeants de la France, du Royaume-Uni et du Canada sur la situation à Gaza et en Cisjordanie, Élysée, 19 mai 2025.
- Déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien sur X, 20 mai 2025.
- « Israeli troops fire warning shots as international diplomats visit West Bank », Associated Press, 21 mai 2025.