Dans un rapport publié jeudi 15 mai, le Centre Panrusse d’étude de l’opinion publique, VTsIOM, a dressé un portrait de la crise démographique qui menace à terme la Russie en explorant quatre scénarios qui « dépendent du degré d’implication de l’État dans la résolution du problème » 1. Le dernier scénario, qualifié « d’hiver démographique », conduirait à la division par deux de la population russe d’ici la fin du XXIe siècle.

  • Selon les auteurs du rapport, la poursuite des « tendances actuelles en matière de fécondité », les taux élevés de mortalité, la faible espérance de vie ainsi que la quasi-absence de migration rendront nécessaire la mise en place d’une retraite à 80 ans — « si l’espérance de vie le permet ».
  • Après une chute drastique durant la pandémie de coronavirus, l’espérance de vie moyenne en Russie est revenue à ses niveaux pré-pandémiques (73 ans), mais celle-ci demeure toujours largement inférieure à la moyenne européenne (81 ans) ou bien à la Chine (78 ans).
  • Les pertes massives subies par l’armée russe en Ukraine depuis le lancement de l’invasion de février 2022 — estimées par Kiev à près d’un million de soldats tués et blessés — contribuent quant à elles à la hausse de la surmortalité masculine.
  • En conséquence, la part des 65 ans et plus dans la population a presque doublé au cours des 50 dernières années, passant de 8,4 % en 1973 à 16,6 % en 2023.

Avec 141 enfants pour 100 femmes en moyenne au cours de leur vie, le taux de fertilité russe est l’un des plus faibles au monde. Ces derniers mois, Vladimir Poutine a déclaré à plusieurs reprises vouloir atteindre un taux de 2,3 d’ici 2030 afin d’éviter « l’extinction » du peuple russe 2.

  • Dans les pays développés, le « seuil de remplacement » se situe environ à 2,1 enfants par femme. En-dessous de ce niveau, le nombre de nouveau-nés ne parvient pas à compenser les décès.
  • Afin de relancer le taux de fertilité, en baisse constante depuis 2016, plusieurs mesures ont été introduites par les autorités, parmi lesquelles l’interdiction de « l’incitation à l’avortement » sous peine d’une amende, de la « propagande des relations sexuelles non-traditionnelles » (à savoir la « promotion » de l’homosexualité et de « l’idéologie LGBT »), ou encore le versement d’un « bonus » de 100 000 roubles (environ 1 100 euros) aux étudiantes déclarant une grossesse dans certains oblasts 3.

Les autorités fédérales et régionales explorent également de nombreuses politiques natalistes visant à encourager les familles russes à procréer.

  • Le député à la Douma d’État Andreï Svintsov a ainsi suggéré d’interdire la vente d’alcool le dimanche, et le sénateur de l’oblast de Magadan Anatoly Shirokov a proposé de limiter la mise sur le marché d’appartements une pièce.
  • Le ministre du Développement de l’Extrême-Orient, Alexeï Tchekounkov, a quant à lui évoqué lors d’une discussion avec Poutine l’introduction d’une obligation pour les évêques de « baptiser personnellement le quatrième enfant d’une famille » afin « d’inciter les familles croyantes à avoir beaucoup d’enfants » 4.
  • Pour la sénatrice de l’oblast de Tcheliabinsk Margarita Pavlova, la faible natalité russe est en partie provoquée par l’accès des femmes à l’enseignement supérieur. Afin de relancer la croissance démographique, Pavlova suggère de « cesser d’orienter les jeunes filles vers l’enseignement supérieur », leur « raison d’être » étant de « donner naissance et de préserver le foyer » 5.

Les extrêmes-droites aux États-Unis et en Hongrie perçoivent elles aussi le « risque d’extinction » comme constituant l’un des défis les plus importants. Durant la campagne de 2024, J.D. Vance a développé un discours nataliste vantant le caractère « patriotique » des familles nombreuses en opposition aux femmes démocrates sans enfants « qui ne s’occupent que de leurs chats » (« childless cat ladies »).