Depuis 2022, face à l’imposition de sanctions en réponse à l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, la Russie a constitué une flotte comportant plusieurs centaines de pétroliers débarrassés de tout lien avec des services occidentaux, notamment d’assurances, et naviguant sous des pavillons de complaisance. Cette stratégie, utilisée par d’autres pays sous sanctions comme l’Iran et le Venezuela, a permis à Moscou de continuer à exporter massivement sa production de pétrole en contournant les sanctions.

Toutefois, suite à des sanctions imposées par Washington dans les derniers jours de l’administration Biden, Moscou s’est de plus en plus reposé sur des pétroliers traditionnels pour ses exportations.

  • Le 10 janvier 2025, le Trésor américain a ciblé 183 navires impliqués dans le commerce énergétique russe, dont un grand nombre font partie de la flotte fantôme.
  • Depuis l’imposition de ces sanctions, combinées à des mesures restrictives antérieures ainsi qu’à une attrition globale de la flotte, la capacité active de celle-ci s’est effondrée de 46 %.
  • Au second trimestre 2024, les navires de la flotte fantôme russe représentaient plus de 60 % des pétroliers chargés dans les terminaux russes de la Baltique. À la fin du mois de mars, ce chiffre est tombé sous la barre des 40 %.
  • Afin de combler cette perte de capacité, les entreprises énergétiques russes ont eu davantage recours à des pétroliers traditionnels, exposés aux sanctions.

Le spécialiste du secteur pétrolier russe, Craig Kennedy, estime que les pays occidentaux ont réussi à « percer le secret » permettant de réduire à grande échelle les capacités de la flotte fantôme russe 1. Le retour de la dépendance de Moscou à des pétroliers traditionnels pour ses exportations de pétrole est susceptible de renforcer la main des pays européens et des États-Unis pour contraindre Poutine à mettre fin à la guerre contre l’Ukraine. 

  • Vladimir Poutine s’est dit prêt aujourd’hui, dimanche 11 mai, à reprendre les négociations directes avec l’Ukraine (abandonnées en mai 2022) dès jeudi 15 mai, suite à l’imposition hier d’un ultimatum à Moscou par Kiev, avec le soutien des pays européens et des États-Unis 2.
  • Selon la déclaration de Zelensky à la presse à la suite de la réunion de Kiev du 10 mai, un refus de Vladimir Poutine d’observer un cessez-le-feu de 30 jours à partir du lundi 12 mai exposerait la Russie à une vague de sanctions supplémentaires visant les secteurs de l’énergie et de la finance. 
  • Jusqu’à présent, les sanctions ont permis de réduire la capacité du secteur énergétique à financer la guerre de Poutine, mais le Kremlin tire toujours d’importantes recettes de ses exportations pétrolières.
  • Cette année pourrait toutefois marquer une importante rupture : fin mars, l’IISS notait que 2025 pourrait être la première année au cours de laquelle le pétrole et le gaz ne compenseront plus l’explosion des dépenses militaires.
  • Les revenus issus du pétrole et du gaz — en baisse de 17 % en glissement annuel au mois de mars et de 12 % en avril 3 — ont représenté près de 30 % des recettes du budget fédéral russe au cours des mois de janvier et février.

De nombreux analystes considéraient initialement que l’imposition de sanctions sur un grand nombre de navires de la flotte fantôme russe serait susceptible de fortement perturber les marchés mondiaux de l’énergie en raison de la baisse soudaine des volumes d’exportation.

  • Or, cette situation ne s’est finalement pas matérialisée, ce qui a conduit le Groupe de travail international sur les sanctions contre la Russie à recommander dans son dernier rapport, publié le 6 mai, d’imposer une nouvelle salve de sanctions sur un nombre plus important de navires par rapport à la liste publiée par le Trésor américain le 10 janvier.
  • L’objectif affiché par les auteurs du rapport est de « ramener le niveau de dépendance [de la Russie] à l’égard de la flotte traditionnelle à 90 % ou plus », contre environ 60 % actuellement 4.