Le 15 mars dernier, Trump a expulsé 261 migrants vers le Salvador où ils ont été emprisonnés dans le « Centre de confinement du terrorisme (CECOT) », la méga–prison de Bukele située à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de la capitale.
- L’administration Trump avait assuré que les expulsés étaient tous des criminels, une information qui a été rapidement démentie par le gouvernement américain lui-même qui a affirmé dans une déclaration judiciaire que « beaucoup » d’individus parmi les expulsés n’avaient en réalité aucun casier judiciaire au moment de leur arrestation.
Parmi ces cas, celui de Kilmar Ábrego García pose particulièrement problème. Cet habitant salvadorien du Maryland, âgé 29 ans et père de famille, faisait partie des expulsés envoyés dans la méga-prison salvadorienne.
- Il y a quinze ans, Ábrego García avait fui le Salvador car il était menacé par un des gangs salvadoriens, Barrio 18 — ces mêmes gangs avec lesquels il se trouve maintenant enfermé.
- Il avait été arrêté en 2019 dans le comté du Prince George, au Maryland, avec trois autres personnes, dont une l’avait accusé de faire partie d’un gang, bien que cela n’ait jamais été prouvé.
- Depuis 2019, Ábrego García bénéficiait d’une protection contre toute expulsion en vertu du statut « interdiction de renvoi » (withholding of removal) et possédait un permis de travail aux États-Unis.
- Depuis son arrestation et son expulsion il y a un mois, une juge fédérale américaine a ordonné au gouvernement son rapatriement immédiat dans le Maryland et, à la suite d’un appel de la Maison Blanche, la Cour suprême a ordonné au gouvernement de « faciliter et assurer » son retour.
Interrogés à ce sujet lors de leur rencontre le 14 avril à la Maison-Blanche, Nayib Bukele et Donald Trump ont tous deux affirmé qu’ils ne feraient rien.
- Bukele a notamment déclaré : « Comment voulez-vous que je le renvoie aux États-Unis ? En le ramenant clandestinement ? Bien sûr que je ne vais pas faire ça. Nous n’aimons pas relâcher des terroristes dans la nature ».
- En parlant des journalistes, Trump a ajouté : « Ils adoreraient qu’on relâche un criminel dans notre pays. Ils sont malades ».
Mercredi 16 avril, le sénateur démocrate du Maryland Chris Van Hollen s’est rendu au Salvador dans l’espoir d’obtenir un rendez-vous avec Kilmar Ábrego García, mais il n’a pas pu, dans un premier instant, se rapprocher de la prison à plus d’un kilomètre et demi.
- Il a rencontré le vice-président du Salvador Félix Ulloa, qui a refusé toute visite au CECOT. En réponse aux demandes concernant l’organisation d’un appel vidéo ou d’un simple appel téléphonique avec le détenu, ce dernier a affirmé que toute demande devait être formulée via l’ambassade des États-Unis au Salvador.
- Dans une déclaration à la presse, Van Hallen a affirmé que le régime salvadorien avait emprisonné Ábrego García, car l’administration américaine paie pour ces services – la Maison Blanche avait déjà déclaré qu’elle verserait 6 millions de dollars au gouvernement salvadorien pour garder les détenus envoyés pour au moins un an.
Avec l’état d’exception qui dure depuis plus de trois ans au Salvador (instauré le 27 mars 2022), les personnes sont arrêtées puis envoyées au CECOT sans mandat et n’ont aucune possibilité de se défendre.
- Plus de 85 000 criminels supposés ont été arrêtés pour appartenance ou association à des gangs. Le gouvernement lui-même a reconnu que 90 % de ces personnes sont en prison sans avoir été condamnées.
- Des organisations de droits de l’homme estiment qu’il y aurait environ 25 000 personnes innocentes actuellement emprisonnées au Salvador. Près de 6 900 plaintes pour violations des droits humains (coups, mauvais traitements, actes de cruauté, viols) dans les prisons ont été enregistrées.
- Socorro Jurídico Humanitario affirme avoir documenté la mort de 374 personnes en détention, parmi lesquelles 25 femmes et quatre bébés 1.
- À ce jour, Human Rights Watch n’a connaissance d’aucune personne ayant été autorisée à sortir après avoir été détenue au CECOT.
Des groupes de défense des droits humains ont qualifié la détention des migrants expulsés des États-Unis vers la méga-prison de « disparition forcée ».
- Bien que l’administration Bukele ait verrouillé toute information le sénateur Van Holler a finalement réussi à voir Kilmar Ábrego García avec lequel il s’est entretenu le jeudi 17 avril en fin de journée (heure du Salvador).
- Nayib Bukele a également publié sur son compte X des photos de la rencontre et a indiqué qu’Ábrego García allait rester détenu au Salvador, sans pour autant préciser s’il retournerait ou non au CECOT.
Sources
- Marcos Alemán, « Seis crímenes en marzo, pero 8.000 inocentes fueron a prisión. El Salvador lleva 3 años en excepción », Associated Press, 27 mars 2025.