En pleine guerre commerciale lancée par l’administration Trump, et alors que les tarifs américains sur les biens chinois sont désormais de 145 %, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s’est entretenu avec Xi Jinping aujourd’hui, vendredi 11 avril.

  • À l’issue de la conférence de presse, Sánchez a déclaré qu’il était « nécessaire de construire une relation positive entre l’Espagne et la Chine », ajoutant : « l’Espagne et l’Union européenne défendent les mêmes principes, les mêmes valeurs et les mêmes intérêts » 1.
  • Sánchez s’était rendu à Pékin pour la dernière fois en septembre 2024, quelques semaines avant la décision finale de la Commission d’imposer des droits de douane sur les voitures électriques chinoises, et à quelques semaines après l’ouverture par la Chine d’une enquête antidumping sur le porc européen (dont l’Espagne est l’un des principaux exportateurs).
  • Depuis Kunshan, Sánchez avait alors déclaré que l’Union n’avait pas besoin d’une nouvelle guerre, « dans ce cas d’une guerre commerciale ».

La visite de cette semaine marque le 20e anniversaire de la signature d’un accord de partenariat entre l’Espagne et la Chine, mais Sánchez avait déclaré en amont que son voyage était « pertinent pour l’Europe » : « L’Union doit saisir les nombreuses opportunités qui se présentent à elle dans ce contexte international en rapide évolution pour se placer au centre et mener la défense d’un ordre international fondé sur des règles. Nous travaillons activement à tendre la main aux pays du Sud ainsi qu’à des puissances aussi importantes que la Chine ». En février dernier, le ministre des Affaires étrangères Albares déclarait que l’Europe devait définir sa politique envers la Chine indépendamment des États-Unis.

  • L’ambassadeur de Pékin à Madrid a salué « l’approche pragmatique de l’Espagne », et annoncé un investissement supplémentaire de 3 milliards d’euros dans le pays. 
  • Depuis septembre, les compagnies chinoises ont annoncé des investissements d’environ 7 milliards d’euros.

Ursula von der Leyen et Antonio Costa devraient se rendre à Pékin en juillet pour une rencontre avec Xi Jinping à l’occasion d’un sommet Union-Chine marquant le 50e anniversaire des relations diplomatiques 2. La présidente de la Commission s’est également entretenue avec le Premier ministre Li Qiang le 8 avril, soulignant « la responsabilité de l’Europe et de la Chine, deux des plus grands marchés du monde, de soutenir un système commercial réformé fort, libre, équitable et fondé sur des règles du jeu équitables » 3.

Mais les tensions entre les deux pourraient bien s’accentuer au cours des prochains mois, en raison du rôle de la Chine dans la guerre en Ukraine, mais aussi parce que les tarifs américains contre la Chine, qui ferment de facto le marché américain, pourraient entraîner un dumping massif des surcapacités chinois sur le marché européen. Des mesures d’urgence seraient déjà en cours de préparation.

  • En 2018, pour répondre aux effets de tarifs de Trump, Bruxelles avait imposé des droits de douane de « sauvegarde » de 25 % sur les importations d’acier.
  • Si les tarifs douaniers de Donald Trump sont en train d’impulser des négociations en vue de la conclusion d’accords de libre-échange avec des pays tiers, des responsables européens affirment toutefois que les problèmes structurels des échanges entre l’Union européenne et la Chine n’ont pas disparu, avec un accès limité au marché chinois pour les entreprises européennes, des surcapacités de production et des subventions de l’État.
  • Le rééquilibrage du commerce mondial devrait d’ailleurs être au centre des négociations entre l’Union et les États-Unis dans les prochains mois : selon des sources proches des discussions, la partie européenne aurait proposé à l’administration républicaine plusieurs domaines de coopération précis, dont la réduction de la dépendance aux terres rares (dont la Chine est l’un des principaux exportateurs) et la collaboration pour garantir la sécurité des chaînes d’approvisionnement des semi-conducteurs.

En amont de la visite de Sánchez, le secrétaire au Trésor américain Scott Bessent avait mis en garde l’Union et visé spécifiquement l’Espagne en décrivant un éloignement vis-à-vis des États-Unis et un rapprochement avec la Chine comme revenant à « se couper la gorge » 4. Les tarifs de Trump contre l’Union sont désormais suspendus pour 90 jours, ainsi que les contre-mesures européennes, mais des tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et aluminium, de 25 % sur les voitures et 10 % sur la majorité de biens s’appliquent toujours, touchant au total autour de 380 milliards d’euros de biens européens.