Le 29 janvier, neuf jours après son retour au pouvoir, Donald Trump signait un décret présidentiel ordonnant à son administration de « prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre l’antisémitisme » aux États-Unis. S’appuyant sur un précédent décret signé lors de son premier mandat, en 2019, le président américain s’engageait à cibler en particulier les étudiants internationaux ayant pris part à des manifestations pro-palestiniennes sur les campus américains.

  • Dans un document publié dès le lendemain précisant la portée des actions envisagées, Trump déclarait : « À tous les étrangers résidents qui ont participé aux manifestations pro-djihadistes, nous vous mettons en garde : en 2025, nous vous trouverons et nous vous expulserons. Je vais également annuler rapidement les visas d’étudiant de tous les sympathisants du Hamas sur les campus universitaires, qui ont été infestés par le radicalisme comme jamais auparavant » 1.
  • Invoquant une disposition de l’Immigration Nationality Act de 1952, qui permet au secrétaire d’État d’expulser un ressortissant étranger si les activités activités envisagées par celui-ci sont susceptibles d’avoir « des conséquences potentiellement graves pour la politique étrangère des États-Unis », l’administration Trump a d’ores et déjà tenté d’expulser un activiste pro-palestinien étudiant à l’université Columbia, Mahmoud Khalil 2.
  • D’autres étudiants internationaux résidant légalement aux États-Unis ou dont l’autorisation de séjourner sur le territoire américain a expiré ont depuis été ciblés par les autorités américaines en raison de leur implication dans les manifestations pro-palestiniennes, qui sont régulièrement organisées sur les campus américains depuis octobre 2023. 

Ces arrestations, conduites au motif de l’intention affichée par l’administration Trump de « lutter contre l’antisémitisme » dans les milieux universitaires, sont dénoncées par des activistes et groupes d’intérêt comme constituant une violation du premier amendement, qui garantit le droit à la liberté d’expression. Cette loi de 1952 invoquée par le département d’État n’a été utilisée qu’une seule fois à cette fin auparavant, en 1995, pour justifier la détention de Mario Ruiz Massieu. La juge en charge de l’affaire, Maryanne Trump Barry, la sœur aînée du président, avait à l’époque jugé que cette utilisation de la loi était inconstitutionnelle, avant que sa décision ne soit annulée en appel pour des raisons techniques 3.

Les actions de l’administration Trump s’appuient sur un document stratégique publié par la Heritage Foundation en octobre 2024 qui s’intitule le « Projet Esther » — du nom d’un personnage biblique célébré dans la tradition juive lors de la fête de Pourim.

  • Afin de « lutter contre l’antisémitisme aux États-Unis et d’assurer la sécurité et la prospérité de tous les Américains », la Heritage considère que la plupart des associations pro-palestiniennes qui organisent des manifestations aux États-Unis feraient partie d’une « Organisation de soutien au Hamas » (HSO). Ces dernières, en luttant contre Israël et sa guerre à Gaza, seraient fondamentalement « anti-américaines » et devraient ainsi être « démantelées » 4.
  • Pour ce faire, le think-tank à l’origine du Projet 2025 — dont 35 % des objectifs listés ont été mis en œuvre à ce jour par l’administration Trump — recommande d’utiliser plusieurs outils à disposition du pouvoir exécutif initialement pensés pour lutter contre le crime organisé ou le terrorisme, à l’image du RICO Act, une loi ratifiée en 1970 par Nixon visant à poursuivre les membres de la mafia.
  • La porté idéologique de cette lutte contre le mouvement pro-palestinien a conduit certaines voix d’opposition à comparer le Projet Esther à une « troisième Red Scare », en lien avec les campagnes menées dans les années 1910 puis 1950 contre les partisans d’idéaux communistes et anarchistes aux États-Unis 5.

La Heritage Foundation suggère également de licencier publiquement les professeurs et universitaires ayant soutenu les mouvements étudiants. La semaine dernière, l’administration Trump a exigé de l’université Columbia que ses départements d’études du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud et de l’Afrique ainsi que le Centre d’études palestiniennes soient placés sous la responsabilité d’un superviseur externe à l’université pour une période d’au moins cinq ans. L’université a accepté cette condition ainsi que d’autres demandes formulées par la Maison-Blanche vendredi 21 mars à la suite de la suspension de 400 millions de dollars d’aides et contrats fédéraux 6.