Dans des communiqués distincts — un pour les négociations avec la partie ukrainienne, l’autre pour la partie russe —, la Maison-Blanche a annoncé qu’un accord visant à assurer « la sécurité de la navigation en mer Noire » avait été trouvé entre l’Ukraine et la Russie suite un deuxième cycle de négociations en Arabie saoudite qui vient de s’achever aujourd’hui, mardi 25 mars. Les deux camps se sont également engagés à éviter l’utilisation des navires commerciaux à des fins militaires 1.

Mais si Zelensky a affirmé que l’Ukraine respecterait l’accord de cessez-le-feu partiel avec effet immédiat 2, la position de la Russie reste floue.

  • L’accord conclu entre la partie américaine et russe prévoit que les États-Unis « contribueront à rétablir l’accès de la Russie au marché mondial pour les exportations de produits agricoles et d’engrais, à réduire les coûts de l’assurance maritime et à améliorer l’accès aux ports et aux systèmes de paiement pour ces transactions ».
  • Moscou a toutefois précisé dans son communiqué que « les accords sur la mer Noire entreront en vigueur après la levée des sanctions contre la RSHB [la Banque agricole russe] et d’autres banques qui assurent le commerce dans le complexe agro-industriel ». La Russie demande également à ce que ces dernières soient reconnectées à SWIFT, le système de paiements internationaux dont les banques russes sont exclues depuis 2022.
  • L’accord sur les céréales, qui n’est pas mentionné dans les communiqués américains — qui correspond à un accord conclu en juillet 2022 sous l’égide des Nations unies permettant de laisser les navires marchands acheminant des céréales des ports ukrainiens vers le reste du monde en passant par la mer Noire — « n’entrera pas en vigueur sans la levée des restrictions sur la fourniture de machines agricoles à la Russie », a déclaré le Kremlin.
  • Moscou, qui avait quitté l’accord en 2023, fait vraisemblablement référence ici au mémorandum de trois ans conclu en juillet 2022 en vertu duquel les Nations unies acceptaient d’aider la Russie à exporter ses céréales et engrais vers les marchés étrangers. Hier, lundi 24 mars, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré qu’une « grande partie des obligations » envers la Russie dans le cadre de l’initiative sur les céréales n’avaient « pas été remplies » 3.
  • Le ministre ukrainien de la Défense a déclaré que tout déplacement de navires militaires russes en dehors de la partie orientale de la mer Noire serait considéré comme une violation de l’accord visant à garantir la sécurité de la navigation et comme une menace pour la sécurité nationale de l’Ukraine.

Les sanctions mises en place par l’Union européenne sur les importations de céréales en provenance de Russie et de Biélorussie ainsi que l’embargo sur les importations mis en place par la Turquie ont durement affecté les exportations russes de blé. De mauvaises récoltes provoquées par des conditions météorologiques difficiles, la mise en place d’un quota d’exportation sur le blé ainsi que la diminution de la dépendance mondiale au blé russe depuis 2022 pourraient conduire à une baisse du volume d’exportations de 31 % cette année par rapport à 2024.

Il n’est pas clair si et quand un accord de cessez-le-feu limité aux infrastructures énergétiques sera implémenté suite aux négociations.

  • Les communiqués distincts précisent que les deux parties « ont convenu d’élaborer des mesures pour mettre en œuvre l’accord visant à interdire les frappes contre les installations énergétiques ». 
  • Les négociateurs de Donald Trump avaient proposé le 11 mars, lors d’une première réunion à Djeddah, la mise en place d’un cessez-le-feu total qui avait été accepté par Zelensky le jour même. Poutine, qui l’avait de facto refusé, avait donné son accord mardi dernier, le 18 mars, à un cessez-le-feu limité aux infrastructures énergétiques suite à un appel avec le président américain.
  • Malgré cet accord politique, les attaques russes et ukrainiennes contre les infrastructures énergétiques continuent et les deux s’accusent mutuellement d’avoir endommagé vendredi dernier une station de pompage et de mesure de gaz près de Soudja, dans la région de Koursk.

Malgré l’optimisme affiché par l’envoyé spécial de Trump et membre de l’équipe de négociateurs américaine, Steve Witkoff, qui avait déclaré sur Fox News dimanche 23 mars « je pense qu’il [Poutine] veut la paix », l’absence d’accord clair suite à plusieurs heures de négociations avec l’Ukraine et la Russie suggère qu’un cessez-le-feu sur l’ensemble de la ligne de front demeure largement hors de portée. Washington espère cependant aboutir à un cessez-le-feu d’ici le 20 avril, date qui marque cette année à la fois la Pâques orthodoxe et catholique.