L’objectif affiché par Trump de parvenir à un règlement de la guerre en Ukraine au cours des prochains mois voire des prochaines semaines suscite un vif intérêt de la part des investisseurs américains et moyen-orientaux principalement, qui attendent la levée des sanctions afin de pouvoir investir à nouveau sur les marchés russes.
- Depuis 2022 et le lancement de l’invasion par Moscou, l’imposition par les États-Unis et les Européens de sanctions sur la Russie ont rendu les marchés financiers russes intouchables pour les investisseurs occidentaux. Environ 150 milliards de dollars d’actions et d’obligations d’État russes étrangères ont été soit retirés, soit bloqués sur des comptes russes.
- Afin de contourner les sanctions, certains investisseurs ont manifesté au cours des dernières semaines un intérêt marqué pour certains produits dérivés permettant de parier sur le rouble par le biais de contrats à terme non-livrables (ou NDF), qui n’impliquent pas l’achat direct d’actifs 1.
- Depuis l’investiture de Trump le 20 janvier, le rouble s’est apprécié de 13 % face au dollar américain, ce qui en fait la monnaie étrangère la plus performante au cours de cette période.
L’investissement sur les marchés financiers russes demeure largement un sujet tabou, la plupart des banquiers et gestionnaires de fonds déconseillant cette prise de risque à leurs clients qui veulent être parmi les premiers à profiter de la réouverture des marchés russes. Dans l’attente d’une levée des sanctions, ces investisseurs se tournent vers des actifs considérés comme ayant des liens étroits avec Moscou : l’entreprise russe d’aluminium Rusal, cotée à la bourse de Hong Kong, la banque autrichienne Raiffeisen, qui dispose d’une filiale en Russie, ou encore la banque hongroise OTP 2.
- L’ouverture du pays à l’international suite à la chute de l’URSS en 1991 a conduit à des investissements massifs en Russie, qui dispose d’un important marché de consommateurs et dont une partie, très minoritaire, s’est considérablement enrichie en partie grâce au boom pétrolier au tournant du millénaire.
L’enthousiasme affiché par certains investisseurs vis-à-vis de la levée des sanctions américaines — qui marquerait l’ouverture d’une « ruée vers l’or » sur les marchés russes — pourrait toutefois faire face à plusieurs complications.
- La levée de sanctions et restrictions américaines imposées sur la Russie nécessiterait l’approbation du Congrès qui, bien qu’il soit globalement en phase avec le président et sa volonté de mettre fin à la guerre en Ukraine, est également favorable au maintien d’une pression économique vis-à-vis de Moscou.
- Un groupe bipartisan de sénateurs, mené par la démocrate du New Hampshire Jeanne Shaheen (partisane d’une ligne dure vis-à-vis de la Russie de Poutine), prépare actuellement un renforcement du Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act, une loi que Trump avait été contraint de signer en 2017 malgré son opposition initiale en raison du large soutien républicain dont elle faisait l’objet au Congrès.
- Les signes d’un potentiel soutien à cette initiative envoyés par l’influent sénateur Lindsey Graham, et son collègue républicain Thom Tillis, sont un indicateur de la volonté du Congrès à vouloir garder la main sur les outils de pression économique dans les négociations de cessez-le-feu face à Trump — qui a signalé à de nombreuses reprises depuis son retour au pouvoir vouloir se passer de la branche législative.
Les marchés et l’économie ukrainienne font eux aussi l’objet d’un intérêt prononcé par les investisseurs internationaux. En février, Kiev a accueilli pour la première fois depuis 2022 un groupe de 16 dirigeants représentant les principaux créanciers du pays (TCW Funds, Lazard Asset Management mais également Siemens) afin de discuter des besoins du pays en matière de financement et de la reconstruction à venir de ses infrastructures, dont le coût est estimé à plus de 500 milliards d’euros sur la prochaine décennie 3.
Sources
- « Global Investors Make a Risky Bet on Russia’s Return to Markets », Bloomberg, 12 mars 2025.
- Sujata Rao et Natasha Doff, « Traders Are Racing to Bet on the End to Russian Sanctions », Bloomberg, 28 février 2025.
- UKRAINE Fourth Rapid Damage and Needs Assessment (RDNA4) February 2022 – December 2024.