Ce n’est qu’hier, lundi 17 mars, que le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a confirmé qu’un appel direct entre Trump et Poutine aurait bien lieu aujourd’hui, mardi 18. 

Au cours de l’appel, Trump et Poutine ont convenu de continuer à œuvrer en faveur de la normalisation des relations bilatérales, suivant une première rencontre entre une délégation américaine et une délégation russe à Djeddah, en Arabie saoudite, le 18 février.

  • Poutine a informé Trump d’un échange de 175 prisonniers ukrainiens contre 175 prisonniers russes qui devrait avoir lieu demain, mercredi 19 mars ; 23 soldats ukrainiens « gravement blessés » seront par ailleurs remis à Kiev, « en guise de geste de bonne volonté » ;
  • Les deux dirigeants ont convenu de la « mise en place de groupes d’experts sur le règlement du conflit ukrainien » et d’un cessez-le-feu de 30 jours sur les frappes visant les infrastructures énergétiques ;
  • Poutine a posé pendant l’appel « comme condition essentielle à la résolution du conflit en Ukraine l’arrêt complet de l’aide militaire à Kiev ».

Le communiqué publié par la Maison-Blanche précise qu’une des prochaines étapes consistera en l’ouverture de « négociations techniques sur la mise en œuvre d’un cessez-le-feu maritime en mer Noire, d’un cessez-le-feu total et d’une paix permanente ». Ces discussions devraient « débuter immédiatement au Moyen-Orient ». Les deux dirigeants ont par ailleurs également discuté de l’organisation future de matchs de hockey de la NHL et de la KHL en Russie.

Il s’agissait de la deuxième conversation téléphonique entre Poutine et Trump depuis son retour au pouvoir, le 20 janvier, la première ayant eu lieu le 12 février. L’échange d’aujourd’hui aurait duré environ deux heures et demie selon la Maison-Blanche et le Kremlin, contre une heure et demie lors de la précédente conversation.

La discussion entre Washington et Moscou sans présence ukrainienne ni de représentants de l’Union est un facteur d’inquiétude pour les Européens.

  • Trump s’est montré beaucoup plus proche de la Russie que de l’Ukraine ces dernières semaines. Après avoir attribué la responsabilité de l’invasion russe à Kiev, le président américain a répété à plusieurs reprises des éléments de langage de la propagande russe.
  • Vendredi 14 mars, Trump a repris sur Truth Social une nouvelle fois le narratif du Kremlin en parlant de « milliers de soldats ukrainiens complètement encerclés par l’armée russe » qui se trouveraient dans « une position très mauvaise et vulnérable ».
  • Sur Telegram, aucun de ces milblogeurs — qui ont généralement tendance à présenter l’armée ukrainienne comme faillie — pro-russes n’avait partagé d’éléments relatifs à un quelconque encerclement. Plusieurs de ces commentateurs ont par ailleurs frontalement démenti les « informations » de Poutine et de Trump.

La Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, Kaja Kallas, ainsi que le président français Emmanuel Macron ont ouvertement critiqué ces derniers jours l’absence d’une réelle volonté russe de s’asseoir à la table de négociations. Poutine entend profiter de son avantage sur le terrain pour continuer d’avancer dans l’est et le sud de l’Ukraine. Le président russe craint d’ailleurs les conséquences sur la société russe du retour à la vie civile de dizaines voire de centaines de milliers de soldats.

Avant son appel avec le président américain, Vladimir Poutine a déclaré devant l’Union des industriels et entrepreneurs de Russie que la « domination occidentale s’effritait » et que de « nouveaux centres de croissance mondiale émergeaient », ajoutant qu’il s’agissait d’« une tendance de long terme ».

  • Évoquant le G7, surnommé en russe le « Grand Sept » (format dans lequel Trump avait évoqué la possibilité de réintégrer la Russie), Poutine a ironisé : « Pourquoi grand ? Peu importe où vous regardez sur la carte, vous ne le voyez pas ».

La participation de Vladimir Poutine à cet événement semblait parfaitement calculée.

  • Le président russe s’est rendu sur place peu avant le créneau prévu pour son entretien téléphonique avec Donald Trump, fixé entre 14h et 16h (heure d’Europe centrale), selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. À 14h52, l’agence TASS annonçait son départ. Un geste qui ressemble à un signal : c’est Trump qui attendra.
  • Ce type de mise en scène n’est pas inhabituel. La semaine précédente, l’envoyé américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, arrivé à Moscou en début d’après-midi, n’avait obtenu audience qu’en toute fin de journée.
  • Depuis le retour au pouvoir du président américain le 20 janvier, c’est surtout la Maison-Blanche qui a signalé vouloir ouvrir rapidement une ligne de contact directe entre les deux présidents. Trump, convaincu qu’il est le seul dirigeant capable de traiter avec Poutine, pousse également pour l’organisation d’une rencontre en personne.

Compte-rendu de la Maison-Blanche 

Aujourd’hui, le président Trump et le président Poutine ont évoqué la nécessité de la paix et d’un cessez-le-feu dans la guerre en Ukraine. Les deux dirigeants ont convenu que ce conflit devait se terminer par une paix durable. Ils ont également souligné la nécessité d’améliorer les relations bilatérales entre les États-Unis et la Russie. Le sang et les ressources que l’Ukraine et la Russie ont dépensé dans cette guerre seraient mieux utilisés pour répondre aux besoins de leurs populations.

Ce conflit n’aurait jamais dû éclater et aurait dû être réglé depuis longtemps par des efforts de paix sincères et de bonne foi. Les dirigeants ont convenu que le mouvement vers la paix commencerait par un cessez-le-feu énergétique et infrastructurel, ainsi que par des négociations techniques sur la mise en œuvre d’un cessez-le-feu maritime en mer Noire, d’un cessez-le-feu total et d’une paix permanente. Ces négociations commenceront immédiatement au Moyen-Orient.

Les dirigeants ont largement évoqué le Moyen-Orient en tant que région de coopération potentielle pour prévenir de futurs conflits. Ils ont également discuté de la nécessité de mettre fin à la prolifération des armes stratégiques et s’engageront avec d’autres pays pour assurer l’application la plus large possible. Les deux dirigeants ont partagé l’avis que l’Iran ne devrait jamais être en mesure de détruire Israël.

Les deux dirigeants ont convenu qu’un avenir avec une amélioration des relations bilatérales entre les États-Unis et la Russie présente d’énormes avantages. Cela inclut d’énormes accords économiques et la stabilité géopolitique une fois la paix réalisée.

Compte-rendu du Kremlin 

​​Les dirigeants ont poursuivi un échange détaillé et franc de points de vue sur la situation en Ukraine. Vladimir Poutine a exprimé sa gratitude à Donald Trump pour son engagement à contribuer à l’objectif noble de mettre fin aux hostilités et aux pertes humaines.

En réaffirmant son attachement de principe à une résolution pacifique du conflit, le président russe a déclaré qu’il était prêt à travailler avec ses partenaires américains pour examiner attentivement les options de règlement. Cette approche doit être globale, stable et à long terme, et prendre en compte la nécessité absolue d’éliminer les causes profondes de la crise ainsi que les intérêts légitimes de la Russie en matière de sécurité.

Dans le contexte de l’initiative du président américain concernant un cessez-le-feu de 30 jours, la partie russe a souligné plusieurs points essentiels liés à l’instauration d’un contrôle efficace sur un éventuel arrêt des tirs le long de toute la ligne de front, à la nécessité d’arrêter la mobilisation forcée en Ukraine et le réarmement des forces armées ukrainiennes. Des risques sérieux ont également été évoqués, notamment l’incapacité du régime de Kiev à respecter les accords, ayant déjà à plusieurs reprises saboté et violé les engagements pris. L’attention a été attirée sur les crimes barbares de nature terroriste commis par des combattants ukrainiens contre la population civile de la région de Koursk.

Il a été souligné que les conditions clés pour éviter une escalade du conflit et œuvrer à sa résolution par des moyens politico-diplomatiques comprennent l’arrêt complet du soutien militaire occidental à l’Ukraine et la fin de la transmission de renseignements à Kiev.

En réponse à l’appel récent de Donald Trump pour épargner la vie de militaires ukrainiens encerclés dans la région de Koursk, Vladimir Poutine a confirmé que les autorités russes sont prêtes à envisager des mesures humanitaires, à condition que les forces armées ukrainiennes cessent tout combat et déposent leurs armes, conformément aux lois et normes du droit international.

Au cours de la conversation, Donald Trump a proposé un arrêt mutuel des frappes sur les infrastructures énergétiques pendant 30 jours. Vladimir Poutine a accueilli favorablement cette initiative et a immédiatement donné les instructions nécessaires aux forces russes.

Le président russe a également réagi de manière constructive à l’idée de Donald Trump de mettre en œuvre une initiative existante concernant la sécurité de la navigation en mer Noire. Il a été convenu de commencer des négociations pour élaborer davantage les détails concrets de cet accord.

Vladimir Poutine a informé que le 19 mars, un échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine aurait lieu, impliquant 175 prisonniers de chaque côté. De plus, en signe de bonne volonté, 23 soldats ukrainiens gravement blessés, en cours de traitement dans des établissements médicaux russes, seront remis à l’Ukraine.

Les dirigeants ont confirmé leur intention de poursuivre les efforts pour parvenir à un règlement du conflit ukrainien dans un cadre bilatéral, y compris en tenant compte des propositions du président américain. À cette fin, des groupes d’experts russes et américains seront créés.

Vladimir Poutine et Donald Trump ont également abordé d’autres questions internationales, notamment la situation au Moyen-Orient et dans la région de la mer Rouge. Des efforts conjoints seront entrepris pour stabiliser les zones de crise, améliorer la coopération en matière de non-prolifération nucléaire et assurer la sécurité mondiale. Cela devrait, entre autres, favoriser le retour du dialogue entre les forces armées russes et américaines. Un exemple positif récent a été le vote conjoint aux Nations Unies sur une résolution liée au conflit ukrainien.

Les deux parties ont exprimé leur intérêt commun pour la normalisation des relations bilatérales, compte tenu de la responsabilité particulière de la Russie et des États-Unis dans le maintien de la sécurité et de la stabilité mondiales. Dans ce contexte, un large éventail de domaines de coopération potentiels a été examiné. Plusieurs idées ont été discutées en vue du développement futur d’une collaboration mutuellement bénéfique dans les domaines de l’économie et de l’énergie.

Donald Trump a soutenu l’idée de Vladimir Poutine d’organiser des matchs de hockey entre la Russie et les États-Unis, impliquant des joueurs russes et américains évoluant en NHL et en KHL.

Les présidents ont convenu de rester en contact sur toutes les questions abordées.