Dans la nuit du samedi 15 au dimanche 16 mars, un premier vol avec à son bord uniquement des supposés membres du gang criminel « Tren de Aragua » expulsés par l’administration Trump a atterri à San Salvador.

  • Il s’agirait au total de 261 personnes : 238 membres présumés du gang vénézuélien « Tren de Aragua » et 23 membres de l’un des principaux gangs salvadoriens la Mara Salvatrucha (MS-13) — dont deux leaders historiques (“cabecillas”) du gang accusés de terrorisme à New York, comme l’a confirmé le secrétaire d’État Marco Rubio 1.

Le président du Salvador Nayib Bukele a publié une vidéo sur son compte X montrant l’accueil réservé aux détenus — dans une mise en scène habituelle des forces de l’ordre dans leur lutte contre le crime organisé.

  • On y voit un déploiement de soldats de l’armée salvadorienne lourdement armés attendre sur le tarmac l’arrivée de l’avion. Les détenus sont menottés aux mains et aux pieds, forcés à avancer tête baissée par des policiers, mis dans des bus escortés, tondus et habillés en blanc lors de leur arrivée à la méga prison à sécurité maximale CECOT (Centre de confinement du terrorisme) qui peut accueillir jusqu’à 40 000 détenus.
  • Ce transfert était prévu dans le cadre de l’accord bilatéral signé entre les États-Unis et le Salvador après la tournée latino-américaine de Rubio.
  • À cette occasion, Bukele avait reçu le secrétaire d’État américain le 3 février dans sa villa personnelle au bord du lac de Coatepeque. Le président salvadorien avait communiqué sur l’amitié qui le lie à Rubio et avait lui-même proposé de mettre à disposition les prisons salvadoriennes pour y recevoir des détenus — y compris étrangers — actuellement sur le territoire américain. 

L’arrivée d’étrangers comme les membres du gang vénézuélien dans Tren de Aragua sera un test pour la prison étendard de Bukele et son modèle de sécurité. 

  • Il s’agit de la première fois que des membres d’un autre gang que ceux du Salvador se trouvent détenus dans ce lieu. 
  • La formation de ces gangs, maras, s’est produite au début des années 1990 en suivant un chemin semblable à celui qui a commencé le week-end dernier : avec l’expulsion de membres des gangs des États-Unis vers l’Amérique centrale où ils se sont reformés. 

Ce premier vol s’est fait malgré l’interdiction prononcée par le juge fédéral de Washington James E. Boasberg, qui avait ordonné samedi 15 mars en fin de journée de bloquer temporairement l’expulsion. Selon des informations obtenues par Axios, Trump a signé l’ordre exécutif invoquant l’Alien Enemies Act (une loi promulguée en 1798 et jusqu’à présent uniquement utilisée en temps de guerre) vendredi soir, mais la Maison-Blanche ne l’a rendu public que le lendemain afin de donner plus de temps aux autorités pour réaliser le trajet 2.

  • Lundi 17 mars, la porte-parole de la Maison-Blanche Karoline Leavitt a contesté la légitimité de la cour à « statuer sur la conduite des affaires étrangères par le président, sur les pouvoirs que lui confère la loi sur les ennemis étrangers et sur les pouvoirs fondamentaux que lui confère l’Article II pour expulser les terroristes étrangers du territoire américain et pour repousser une invasion déclarée » 3.
  • Le vice-président J.D. Vance avait lui aussi affirmé en février qu’il considérerait comme « illégale » une décision contestant les pouvoirs octroyés au président en déclarant sur X : « Les juges ne sont pas autorisés à contrôler le pouvoir légitime de l’exécutif » 4.
  • Cette contestation du pouvoir judiciaire a considérablement gagné en popularité ces dernières années au sein du Parti républican.
  • Reposant notamment sur une interprétation des prérogatives conférées au président via l’Article II de la Constitution, celle-ci s’inscrit dans le courant post-originaliste, mené par des juristes comme Adrian Vermeule, qui revendique interpréter la Constitution et les prérogatives de l’exécutif selon une lecture « originelle ».