Maxar Technologies est, aux côtés de Planet Labs, l’un des principaux fournisseurs au monde d’imagerie satellite. Les images fournies par cette entreprise américaine sont utilisées par l’armée ukrainienne depuis le lancement de l’invasion russe pour suivre les mouvements des troupes, repérer des sites pour de futurs frappes de drones ou de missiles et évaluer les dégâts causés aux infrastructures.
Vendredi 7 mars, plusieurs sources ont confié au média ukrainien Militarnyi (Мілітарний) que Maxar avait coupé l’accès à ses services en Ukraine « sur demande administrative » 1.
- Cette coupure intervient quelques jours seulement après la confirmation par l’administration Trump de la suspension du partage d’informations et de renseignement avec l’armée ukrainienne.
- Les conséquences de cette coupure se feront ressentir directement par les forces armées, qui se servaient de ces informations pour identifier les menaces et attaques aériennes à venir, mais également pour la protection des civils — les sirènes d’alerte aériennes installées sur les téléphones ukrainiens étant toutes dépendantes à un certain degré des données américaines.
- La fin de l’assistance militaire dite indirecte (formation, coordination de l’aide internationale, renseignement…) est intervenue peu après la suspension des livraisons d’armes et de munitions, en début de semaine.
En Ukraine, la principale inquiétude à cette heure concerne la prochaine décision qui sera prise par l’administration Trump visant à contraindre Kiev à s’asseoir à la table des négociations malgré les frappes russes massives quotidiennes. John Brennan, ancien directeur de la CIA, a déclaré que l’approche de l’administration républicaine était une « tactique de pression et d’extorsion ». Fin février, plusieurs sources proches des négociateurs américains ont déclaré que l’administration républicaine envisageait de couper l’accès à Starlink, le principal fournisseur d’Internet par satellite utilisé par les Ukrainiens 2.
- Le remplacement des services fournis par Starlink semble plus périlleux que l’accès à des images satellites. Le consortium européen Airbus via sa division Défense et Espace ou le programme spatial Sentinel de Copernicus produisent également des images satellites potentiellement exploitables par l’armée ukrainienne.
- Starlink ne dispose pas réellement d’équivalent. Son principal compétiteur, le franco-britannique Eutelsat (qui exploite le deuxième service satellite en orbite terrestre basse après Starlink), aurait besoin d’au moins deux mois pour fournir à Kiev 40 000 terminaux afin de remplacer le service d’Elon Musk.
- Si la substitution de Starlink par Eutelsat est envisageable pour l’Ukraine, la constellation franco-britannique aurait des capacités plus faibles que sa rivale américaine, notamment en termes de bande passante. Ses terminaux sont également moins mobiles et plus onéreux que ceux de Starlink (10 000 $ contre 589) 3.
Le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumierov, a déclaré que Kiev travaillait déjà à des « alternatives » visant à pallier la fin du partage de renseignements par les États-Unis 4. Celles-ci pourraient notamment passer par une coopération accrue avec les armées européennes. Le ministre français des Armées a déjà annoncé que la France partage du renseignement militaire avec l’Ukraine.
Sources
- « Maxar відключив Україні доступ до своїх супутникових знімків », Мілітарний, 7 mars 2025.
- Andrea Shalal et Joey Roulette, « US could cut Ukraine’s access to Starlink internet services over minerals, say sources », Reuters, 23 février 2025.
- Supantha Mukherjee et Gianluca Lo Nostro, « Could Europe’s Eutelsat help to replace Starlink in Ukraine ? », Reuters, 5 mars 2025
- « Umerov on US intelligence sharing suspension : We’re already working on alternatives », Interfax, 6 mars 2025.