La décision des États-Unis d’interférer dans les élections fédérales allemandes a créé la stupéfaction. Elle s’est d’abord limitée à des éloges d’Elon Musk pour l’AfD, soulevant des questions sur sa capacité à influencer les résultats des élections via sa plateforme X. Cette crainte s’est aggravée lorsqu’elle est devenue une politique officielle du gouvernement américain, sanctionnée par un discours historique du vice-président Vance à la Conférence sur la sécurité de Munich. Cette forte poussée de l’administration américaine en faveur de l’AfD, ainsi que la remise en cause du cordon sanitaire dressé par l’establishment politique allemand autour de l’extrême droite, ont constitué un choc profond qui a ébranlé la classe politique allemande jusque dans ses fondements.

Les craintes concernant les conséquences de la résurgence de l’extrême droite sur l’État de droit ont donné lieu à un activisme important et à une préparation juridique pour en contenir les effets, d’abord au niveau des Länder, puis au niveau fédéral.

Max Steinbeis, le fondateur du Verfassungsblog, a joué un rôle de premier plan. Son dernier livre Die verwundbare Demokratie présente un plan de défense de l’État de droit et de la démocratie lorsqu’ils sont attaqués. Il s’agit d’une lecture fondamentale avant une élection qui s’annonce décisive.

Dans votre dernier livre, Die verwundbare Demokratie (« La démocratie vulnérable »), vous affirmez qu’il existe un risque réel de recul démocratique en Allemagne et que des mesures importantes doivent être prises pour l’éviter. Comment êtes-vous parvenu à cette conclusion ?

Depuis 2010, avec le Verfassungsblog, nous suivons de près la montée de la stratégie autoritaire-populiste dans un certain nombre de pays, en particulier en Hongrie.

Nous avons pu étudier le fonctionnement de ce système, qui repose sur l’abus stratégique et juridique de deux institutions : la démocratie et l’État de droit. Le but est de transformer ces institutions en outils pour asseoir le pouvoir du parti au pouvoir et l’immuniser contre la concurrence démocratique, le contrôle juridique et la contestation publique. 

Cette stratégie a été perfectionnée en Hongrie, mais elle a été déployée dans d’autres pays, comme la Pologne ou les États-Unis. 

Cela nous a amenés à nous demander à quoi ressemblerait la mise en œuvre de cette stratégie dans le contexte juridique et constitutionnel allemand. Dans un article publié en 2019, « Un chancelier du peuple » 1, j’ai tenté de comprendre ce qui se passerait si une majorité populiste autoritaire élisait son propre chancelier au sein du Bundestag. Mon objectif était de déterminer les actions potentielles de ce chancelier au sein des institutions allemandes — et il pourrait en effet faire beaucoup de choses en seulement un mandat législatif. 

Faites-vous une différence entre le niveau fédéral et le niveau régional ? 

Au niveau fédéral, dans un tel cas, le chancelier pourrait faire vaciller l’ordre démocratique sans même modifier ou porter atteinte à la Constitution, en mettant la Cour constitutionnelle fédérale sous son contrôle, puis en introduisant une série de changements législatifs. Cette éventualité a été l’un des éléments déclencheurs du travail de fond lancé en 2024 pour adopter un amendement constitutionnel visant à renforcer la résilience de la Cour constitutionnelle fédérale 2.

Je suis sceptique quant à la confiance d’une grande partie du public et de la sphère politique allemands dans la capacité des institutions publiques à nous protéger.

Maximilian Steinbeis

Lorsque nous avons vu qu’il y aurait des élections régionales en Thuringe, en Saxe et dans le Brandebourg en 2024, et que l’AfD pourrait obtenir une minorité de blocage au parlement régional, nous avons décidé qu’il fallait agir également au niveau régional. 

Cela nous a amenés à nous pencher sur les institutions des Länder, qui sont beaucoup moins étudiées et sur lesquelles nous savons donc beaucoup moins de choses, notamment sur leurs points vulnérables. Nous avons lancé un projet de recherche sur le Land de Thuringe. Nous nous sommes intéressés au système judiciaire, au gouvernement, au parlement et à la société civile, et nous avons tenté d’élaborer des scénarios sur la manière dont une stratégie populiste autoritaire pourrait se développer. 

Pourquoi avoir choisi la Thuringe ? 

La raison principale en est que le système de partis y est extrêmement instable. Il n’y avait pas de majorité gouvernementale lors de la dernière législature 3. L’AfD y est particulièrement puissante et corrosive, avec à sa tête Björn Höcke, que plusieurs analystes considèrent comme un nazi convaincu. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi la Thuringe plutôt que la Saxe et le Brandebourg. 

Au cours de l’année dernière, nous avons mené plus de 150 entretiens avec différents responsables, nous avons organisé des ateliers et nous avons produit un document d’orientation contenant un certain nombre de recommandations politiques, dont aucune, malheureusement, n’a été mise en œuvre. 

Cela explique pourquoi les premières sessions du parlement du Land ont échoué de manière si spectaculaire après les élections de septembre 2024 — qui ont donné à l’AfD une minorité de blocage 4.

De nombreux livres sur l’Allemagne de l’Est sont actuellement publiés qui suscitent beaucoup d’attention. Citons par exemple Ungleich vereint : Ein Buch, das aus Sackgassen herausführt — und für Gesprächsstoff sorgt, de Steffen Mau, ou celui d’Ilko-Sascha Kowalczuk, Freiheitsschock : Eine andere Geschichte Ostdeutschlands von 1989 bis heute. Tous deux soulignent l’existence d’un contexte très particulier en Allemagne de l’Est, qui créerait une menace pour la démocratie. Êtes-vous d’accord ? 

Nous avons choisi la Thuringe non pas parce qu’il s’agit d’un État de l’Est, mais parce qu’il s’agit d’un exemple emblématique du fonctionnement de la stratégie populiste autoritaire, un phénomène qui n’est pas propre à l’Allemagne de l’Est. 

Cette stratégie est en train d’émerger sur tout le territoire européen, et elle trouve un terrain particulièrement fertile en Europe orientale et en Allemagne de l’Est. Mais l’Allemagne de l’Ouest ou l’Europe de l’Ouest ne sont pas immunisées contre cette stratégie de quelque manière que ce soit.

Je ne vois pas de lien entre mes recherches et les livres récents sur les spécificités de l’Allemagne de l’Est, car elles portent sur les institutions et leur vulnérabilité, des thématiques qui ne sont pas spécifiques à l’Est. Il existe des institutions similaires dans tous les Länder allemands, la seule différence étant que l’AfD est particulièrement puissante dans les Länder de l’Est et peut donc abuser de ces institutions. Des opportunités similaires n’existent pas encore à l’Ouest du pays.

On parle toujours de répression en termes abstraits. Comme lorsqu’on demande aux services de renseignement et à la police ou à l’appareil de sécurité de réprimer les extrémistes. Mais il faut aussi anticiper et nous préparer à ces scénarios, et à la manière dont chaque individu peut renforcer sa résilience au cas où ils se matérialiseraient.

Il est très problématique de charger une autorité de décider qui est un extrémiste et qui ne l’est pas. Nous avons tendance à attendre de cette instance qu’elle prenne cette décision à notre place et qu’elle rende ce jugement.

Maximilian Steinbeis

L’Allemagne se considère souvent elle-même comme disposant de plus d’outils et de ressources pour empêcher ce recul démocratique, en raison de son expérience du nazisme et de sa constitution. Récemment, l’institution chargée de protéger les droits inscrits dans la loi fondamentale, la Verfassungsschutz, a suscité des controverses. Pensez-vous que ces instruments sont utiles — ou au contraire qu’ils sont problématiques ?

Je suis sceptique quant à la confiance d’une grande partie du public et de la sphère politique allemands dans la capacité des institutions publiques à nous protéger.

C’est un point de vue très allemand. Je pense qu’il s’agit en quelque sorte d’une tentative de s’appuyer sur l’État, la police, la loi, la bureaucratie pour assurer notre sécurité, plutôt que de reconnaître que c’est une question dont l’ensemble de la société doit se sentir responsable.

Il est très problématique de charger une autorité de décider qui est un extrémiste et qui ne l’est pas. Nous avons tendance à attendre de cette instance qu’elle prenne cette décision à notre place et qu’elle rende ce jugement. Si cette autorité déclare qu’une organisation est, disons, « une organisation d’extrême droite établie », nous considérons cela comme un fait sur lequel s’appuyer. On peut alors lui refuser tous les droits et moyens d’action dont elle dispose.

C’est extrêmement problématique, car c’est le gouvernement qui prend cette décision. Il a donc un intérêt vital à maintenir les structures qu’il surveille et connaît bien, et sur lesquelles il collecte des informations. Nous l’avons vu à maintes reprises, par exemple avec le NPD 5, qui a fait l’objet de plusieurs tentatives d’interdiction. Au cours de la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale, il est apparu que le parti collaborait avec des agents des services de renseignement de l’État, et il est devenu évident que la frontière entre la surveillance de l’État et les activités du parti était floue. 

C’est typique. C’est pourquoi je n’accorderais pas une grande confiance à ces autorités. Je pense plutôt qu’il est nécessaire de renforcer les structures de la société civile qui assurent la protection de la constitution. 

À l’extérieur de l’Allemagne, on comprend qu’il existe en Allemagne ce que Habermas appelle un « patriotisme constitutionnel ». On pense souvent que ce patriotisme dépasse le cadre des institutions, qu’il ne se limite pas à la loi mais qu’il serait enraciné dans la société allemande et dans l’état d’esprit des personnes soucieuses de la Constitution et des droits et devoirs qu’elle consacre. Est-ce toujours le cas ? 

L’année 2024 marquait le 75ᵉ anniversaire de la Constitution. 

De nombreuses cérémonies ont eu lieu, avec des discours de hauts fonctionnaires de tous horizons. Cela pouvait toutefois paraître quelque peu creux, car traiter la Constitution comme une une écriture ou une révélation religieuse est une tendance très présente en Allemagne.

Il y a une crise de la démocratie libérale en Allemagne, comme partout dans le monde. C’est un fait — et il est temps d’arrêter d’essayer de l’occulter par des appels au patriotisme constitutionnel.

Maximilian Steinbeis

Cette tendance est pourtant problématique, un peu à l’image de la manière dont on traite la Constitution américaine. Cette approche ne reconnaît pas que la Constitution n’est pas quelque chose qui nous est transmis d’en haut ou qui nous est révélé comme une sagesse supérieure : c’est quelque chose qui doit être mis en œuvre et reproduit au quotidien. Or cette conscience est plutôt sous-développée en Allemagne.

Je ne suis pas un fervent partisan du patriotisme constitutionnel. Il existe un sentiment croissant de désillusion et d’insatisfaction à l’égard des institutions démocratiques en Allemagne, car elles ont de moins en moins répondu aux attentes de la population. Il y a une crise de la démocratie libérale en Allemagne, comme partout dans le monde. C’est un fait — et il est temps d’arrêter d’essayer de l’occulter par des appels au patriotisme constitutionnel.

Voyez-vous une différence significative entre la menace que représente l’AfD et celle de l’Alliance pour Sarah Wagenknecht (Bündnis Sahra Wagenknecht ou BSW) ?

L’AfD n’est plus la seule menace majeure. La BSW n’est qu’un exemple, car il y a aussi le fait que non seulement la CDU, mais aussi une grande partie de la coalition gouvernementale, qui est de fait progressiste, se sont dans une certaine mesure alignées sur l’ordre du jour établi par l’AfD. L’accent sans relâche mis sur la prétendue crise migratoire et l’appel à fermer les frontières a été repris non seulement par la CDU, mais aussi par d’autres partis, y compris, dans une certaine mesure, par les Verts.

Cela renforce et valide l’agenda des populistes autoritaires au lieu de le remettre en question : c’est une évolution regrettable de ces derniers mois. Le BSW montre également que lorsqu’on parle de populisme autoritaire, il ne suffit plus de se concentrer sur l’AfD. Ce n’est pas un problème qu’on pourrait « résoudre » en « éliminant » simplement l’AfD.

Le déclin du libéralisme au sein des partis traditionnels est également un sujet au cœur des discussions. Il semble que l’Allemagne soit devenue un point central pour beaucoup de ces questions, avec des développements exceptionnels — surtout depuis les attaques terroristes du 7 octobre en Israël. Certains critiques affirment que la Staatsräson est devenue un lieu de répression, de limitation de la liberté de réunion et de restriction de la liberté d’expression. Qu’en pensez-vous ?

Ce que je vois, c’est un débat qui tente de créer un sentiment d’identité nationale. Cette tendance est beaucoup plus ancienne et existe depuis le début de la République fédérale. Elle représente désormais une menace majeure pour les droits fondamentaux et l’égalité en Allemagne.

En allemand, la « raison d’État » (Staatsräson) suggère que la loyauté de l’État allemand envers l’État d’Israël, en raison de l’Holocauste et de la responsabilité de l’Allemagne dans le génocide, constitue la base d’une nouvelle communauté de ceux qui partagent un destin commun. Cela implique que les auteurs et les victimes se rassemblent autour du principe qu’aucun génocide ne doit plus jamais se reproduire. Ce mythe fondateur de notre nation est un moyen de distinguer qui en fait partie et qui n’en fait pas partie.

Une grande partie de la coalition gouvernementale, qui est de fait progressiste, s’est dans une certaine mesure alignée sur l’ordre du jour établi par l’AfD.

Maximilian Steinbeis

Or en ces temps de « crise migratoire », on a assisté à la montée d’un sentiment anti-musulman et anti-immigré, doublé d’une volonté de se rassembler autour d’une conception identitaire de la communauté. Ce qui est regrettable, dans ce contexte, c’est que la Staatsräson a pu être instrumentalisée de manière problématique par ceux qui agitent le spectre migratoire. 

De plus, le concept de loyauté envers l’État est très glissant, il est particulièrement propice à être récupéré politiquement. Et il reflète en soi un état d’esprit pré-démocratique. Ce concept a été utilisé par des personnalités dans les plus hautes sphères, y compris le Président, pour justifier des violations des droits fondamentaux. Il crée un espace d’exception à tout ce qui nous tient à cœur dans un ordre constitutionnel libéral. C’est pourquoi la liberté d’expression et la liberté d’association ont été traitées de manière épouvantable ces derniers mois, avec une indifférence apparente et peu de protestations de la part du public.

Beaucoup de nos concitoyens estiment que cela se justifie par notre identité nationale, culturelle et historique. Mais il faut toujours examiner ces évolutions d’un œil critique.

Quelle est la portée juridique de ces évolutions ? Peut-on s’attendre à ce que les tribunaux continuent à jouer un rôle de contrepoids dans l’avenir — ou tiendront-ils également compte de la position de l’État dans leurs futures décisions ?

Si l’on s’appuie sur la doctrine constitutionnelle, il est clair que l’État ne saurait servir de base pour déroger à la protection des droits fondamentaux. Toutefois, je ne dirais pas que nous sommes encore complètement dans ce cadre. La protection de ces droits fondamentaux dépend en fin de compte de la mise en équilibre d’intérêts contradictoires, ce qui crée une marge de manœuvre considérable pour les appels visant à concilier les intérêts des personnes exerçant leurs droits fondamentaux de réunion ou d’expression avec ceux de celles qui cherchent à se protéger contre les attaques ou la discrimination antisémites.

Je ne pense pas que les tribunaux puissent résister à l’immense pression publique et aux réactions négatives qu’ils subiraient s’ils déclaraient que la position de l’État n’a pas sa place dans cette pondération. Une grande partie de l’opinion publique serait critique et les médias allemands émettraient des signalements concernant l’antisémitisme dans le système judiciaire.

Je ne suis donc pas sûr que les tribunaux puissent finalement résister à une dimension d’ordre politique. Le 7 novembre, le Bundestag a adopté une résolution 6 — avec les voix du SPD, de la CDU/CSU, des Verts, du FDP et de l’AfD — qui élève encore plus haut le statut de la Staatsräson, non pas au sens juridique, mais au sens politique. Cette position est donc censée comme reflétant la volonté du peuple ; il serait très difficile pour un juge d’aller à son encontre.

L’AfD a été fondée pour défendre la Constitution contre ce qui était perçu comme une violation des règles constitutionnelles par la politique européenne durant la crise de l’euro. Comment voyez-vous l’articulation entre l’ordre juridique national et européen, ou entre les normes démocratiques et l’État de droit ? Pensez-vous que les institutions et les tribunaux européens peuvent protéger efficacement les droits fondamentaux et l’État de droit au sein des États membres ? 

Les Cours européennes peuvent se révéler extrêmement efficaces et sont essentielles pour défendre les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit au niveau national. Mais pour cela, il faut que les institutions responsables — à savoir le Conseil et la Commission — fassent leur travail. Or tant qu’elles préfèrent l’apaisement et tentent de négocier sur ces questions plutôt que d’appliquer les décisions de justice, l’efficacité de ces institutions est fortement limitée.

Il est désormais assez bien prouvé qu’un ordre démocratique constitutionnel national ne peut rester démocratique sans un ordre juridique supranational, avec des institutions auxquelles les citoyens peuvent faire appel et qui peuvent rendre des décisions contraignantes en cas de litige. Nous l’avons vu à de nombreuses reprises. C’est, selon moi, la principale raison pour laquelle les populistes autoritaires s’opposent avec tant de véhémence au contrôle supranational : ils veulent créer une sphère de responsabilité hermétiquement fermée dans laquelle ils peuvent reproduire les conditions de leur propre domination.

Un ordre démocratique constitutionnel national ne peut rester démocratique sans un ordre juridique supranational.

Maximilian Steinbeis

Cet espace fermé crée effectivement ses propres conditions en tant que boucle de rétroaction. Viktor Orbán a très bien réussi à le créer, et le seul facteur qui irrite ou menace cette boucle est le niveau européen. Aujourd’hui, il parvient également à le neutraliser, ce qui est dramatique.

L’ensemble du système constitutionnel a été bouleversé en l’espace de quelques années. En Pologne, on voit aujourd’hui quel défi cela représente pour le gouvernement de rétablir le système dans le cadre de l’État de droit sans porter atteinte à ses principes fondamentaux. De nombreux pays d’Europe de l’Est ont été confrontés à des dilemmes similaires, et l’Allemagne a dû faire face à ses propres difficultés après la Seconde Guerre mondiale. Chaque pays y est parvenu à sa manière, souvent au prix d’efforts considérables — comment sort-on d’un moment populiste.

Ce dilemme auquel sont confrontés les Polonais est inévitable. La transition d’un régime autoritaire à un régime démocratique est notoirement difficile, pleine d’instabilité et semée d’embûches. Il n’existe pas de solution miracle permettant d’éviter ces obstacles. Cependant, il n’y a pas lieu pour autant de se résigner.

Le contexte polonais peut être comparé aux problèmes plus larges posés par cette transition. C’est bien la stratégie autoritaire et populiste qui consiste à abuser des institutions constitutionnelles, combinée à d’autres facteurs, qui nous a conduits là où nous sommes. C’est la cause profonde du problème.

Pendant cette transition, l’un des pièges dans lesquels un gouvernement peut tomber est de penser qu’il suffit de suivre une voie similaire pour réparer les dommages causés par cette stratégie. Cette approche consiste à manipuler les institutions ou à purger celles-ci de leurs opposants politiques, ce qui ne fait que perpétuer le cycle des abus.

Cependant, la symétrie entre les populistes autoritaires et leurs opposants est trompeuse. Si vous croyez que la lutte contre le populisme autoritaire revient à adopter des pratiques similaires, vous avez déjà perdu la bataille. Vous avez cédé du terrain aux forces qui cherchent à saper les normes démocratiques. 

C’est un piège à éviter à tout prix.

Sources
  1. “Ein Volkskanzler“, Süddeutsche Zeitung, 6 septembre 2019.
  2. À la suite de plusieurs appels lancés par des militants et diverses associations de juges, d’avocats et de professeurs de droit, le ministre de la justice a proposé une série de réformes visant à préserver l’indépendance de la Cour constitutionnelle. Ces réformes visent à modifier les conditions de nomination à la Cour constitutionnelle afin de garantir que ces nominations ne puissent pas être bloquées par une minorité de blocage, à renforcer l’indépendance des juges nommés et à faire de la Cour constitutionnelle un organe constitutionnel. La proposition est actuellement en discussion au Bundestag, mais n’a pas encore été formellement adoptée.
  3. De 2019 à 2024, la Thuringe a été gouvernée par une coalition menée par Die Linke avec le SPD et les Verts. Cette coalition était cependant un gouvernement minoritaire avec seulement 42 sièges (sur 90).
  4. Lors de la première session du parlement nouvellement élu, un représentant de l’AfD a présidé la session et a refusé d’organiser l’élection du nouveau premier ministre comme prévu. L’affaire a été portée devant la Cour constitutionnelle de Thuringe, qui a finalement rejeté la décision du membre de l’AfD.
  5. Le Parti national-démocrate d’Allemagne, appelé La Patrie (Die Heimat) depuis juin 2023, est un parti d’extrême droite allemand néonazi et ultranationaliste.
  6. Bundestag stimmt mit breiter Mehrheit für Antrag gegen Judenhass.