L’oblast de Soumy, qui partage une frontière longue de plus de 500 kilomètres avec la Russie, a fait partie des premières régions ukrainiennes visées par le lancement il y a bientôt trois ans de l’invasion russe à grande échelle. Bien que Moscou n’occupe plus de territoire dans l’oblast depuis avril 2022, celui-ci subit toujours quotidiennement des bombardements.

L’apparition lundi 9 décembre d’une zone de moins de 4 km² revendiquée par l’armée russe dans le nord-est de l’oblast a surpris un grand nombre d’analystes du conflit.

  • La frontière russo-ukrainienne n’est globalement plus une zone de conflit, mis à part dans l’oblast de Kharkiv, plus au Sud.
  • En lançant cet été une incursion dans la région russe de Koursk, l’Ukraine a ouvert un nouveau front qui visait précisément à dissuader de futures attaques en direction de Soumy, voire plus au nord dans l’oblast de Tchernihiv.
  • Sur les chaînes Telegram russes, l’annonce d’une percée en direction du village d’Oleksandria a été lue comme une mise en échec de la stratégie ukrainienne. 

L’information, reprise en début de semaine par le respecté réseau d’analystes DeepState, proche du ministère de la Défense ukrainien, a été immédiatement démentie par les autorités militaires régionales 1. La zone concernée par la supposée « brèche » russe est marécageuse, ralentissant toute progression. L’Institute for the Study of war, un centre de recherche américain qui fournit des mises à jour quotidiennes sur le front, n’a toujours « observé aucune preuve de l’existence de forces russes opérant à l’intérieur ou à proximité d’Oleksandria » 2.

Dans ce cas, que se passe-t-il à la frontière russe dans l’oblast de Soumy ?

  • Probablement pas grand chose. L’analyste militaire ukrainien Oleksii Hetman considère qu’il est probable que les commentateurs russes aient relayé des tentatives d’intrusion de certains groupes de saboteurs, par la suite reprises par DeepState 3.
  • Bien que fausse sous sa forme relayée sur les réseaux sociaux et par les médias (une tentative d’incursion russe dans une région relativement épargnée par les combats depuis avril 2022), l’information a cependant atteint le but recherché : susciter la peur au sein de la population ukrainienne et flouter davantage les lignes du conflit.
  • Malgré ses pertes colossales, l’armée russe continue de mener régulièrement des opérations psychologiques (PsyOps) dont la « brèche » à Soumy pourrait bien faire partie. Celles-ci visent aussi bien à nuire au moral de la population ukrainienne qu’à décrédibiliser la confiance que celle-ci place en son armée.

Comme le notait Anna Colin Lebedev dans nos pages : « L’armée est incontestablement une institution qui compte dans la société ukrainienne. Ceci est d’autant plus saisissant qu’il y a dix ans encore, les forces armées faisaient partie des institutions les plus décriées ». Aujourd’hui, l’armée est de loin l’institution qui bénéficie du plus de confiance en Ukraine : 96 % de la population en décembre 2023, soit bien plus que le président (62 %) ou le parlement (15 %) 4.

Sources
  1. Message Telegram de Сумська обласна військова адміністрація, 10 décembre 2024.
  2. Karolina Hird, Davit Gasparyan, Nicole Wolkov, Olivia Gibson, Nate Trotter, Grace Mappes, William Runkel et Frederick W. Kagan, Russian Offensive Campaign Assessment, December 11, 2024, Institute for the Study of War.
  3. Maria Kucheryavets, « Загрози немає. Чи був « прорив » кордону у Сумській області і що відбувається у регіоні », РБК-Україна, 10 décembre 2024.
  4. Динаміка довіри соціальним інституціям у 2021-2023 роках, Kiev International Institute of Sociology (KIIS), 18 décembre 2023.