L’armée israélienne a confirmé hier, jeudi 17 octobre, avoir tué la veille le chef du bureau politique du Hamas, Yahya Sinwar, lors d’une rencontre fortuite entre des soldats et des « combattants non-identifiés » à Rafah, au sud de Gaza. Au-delà de ses fonctions, Sinwar était également le principal architecte derrière l’attaque du 7 octobre 2023, qui a conduit à la mort de près de 1 200 personnes en Israël et la capture de 251 otages.

La confirmation de la mort de Sinwar a fait souffler un vent d’enthousiasme dans les pays occidentaux, dont les dirigeants considèrent qu’elle pourrait permettre à Tel-Aviv de mettre fin à la guerre dans l’enclave tout en clamant victoire.

  • En route vers l’Allemagne pour une rencontre avec Zelensky, Macron, Scholz et Starmer, le président américain Joe Biden a déclaré que la mort de Sinwar constituait un « bon jour pour le monde […] Il est temps de mettre fin à cette guerre et de ramener les otages chez eux »1.
  • Dans la matinée du vendredi 18 octobre, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, partageait cette idée : « Cette mort, ce doit être un tournant, ce doit être le moment de tourner la page de la guerre à Gaza : libération des otages, cessez-le-feu inconditionnel, acheminement sans entrave et massif dans l’enclave de Gaza, ce doit être l’occasion de faire cheminer la région vers la paix »2.
  • Ces mots font écho aux propos de son homologue allemande Annalena Baerbock — « le Hamas doit maintenant libérer tous les otages et déposer ses armes, la souffrance de la population de Gaza doit enfin cesser » — ainsi qu’à ceux de Giorgia Meloni — « Je pense qu’une nouvelle phase doit maintenant commencer : il est temps que tous les otages soient libérés, qu’un cessez-le-feu immédiat soit proclamé et que la reconstruction commence à Gaza »3.

Dans la soirée du jeudi 17 octobre, Benyamin Netanyahou a reconnu que la mort de Sinwar « ouvrait la possibilité de mettre fin à l’axe dirigé par l’Iran et créait de nouvelles options pour libérer les otages » (sur les 101 restants dans l’enclave, la moitié est supposée morte). Il a également proposé une ouverture pour les membres du Hamas qui déposeraient les armes : « nous leur permettons de partir et de vivre ». Celui-ci a néanmoins terminé son allocution en avertissant les Israéliens que « la guerre n’est pas terminée […] il y a encore des jours difficiles à venir »4.

  • Sinwar mort, Netanyahou pourrait effectivement revendiquer avoir atteint son objectif de « venger » Israël en tuant l’homme responsable de l’attaque du 7 octobre. Le Hamas a également été significativement affaibli par la campagne militaire israélienne à Gaza — au prix d’un bilan humain considérable. Le fait d’avoir réussi à éliminer Sinwar à Rafah, dont l’offensive avait fait l’objet de vives contestations internationales et en Israël, pourrait par ailleurs conférer à Netanyahou un sentiment de supériorité vis-à-vis de ses homologues étrangers quant à sa connaissance du Hamas.
  • L’organisation en tant que telle n’est pas pour autant éliminée. Plus d’un an après le lancement de l’invasion de Gaza, Israël combat toujours chaque jour des groupes armés palestiniens dans l’enclave. La mort de Sinwar par un tir de char d’assaut constituait, avant qu’on ne connaisse son identité, une opération désormais devenue « routinière » à Gaza.
  • Son élimination, dans un contexte de déficit de leadership suite à l’assassinat d’autres cadres partageant la ligne dure de l’organisation (Marwan Issa, Ismaël Haniyeh, Mohammed Deif…), signifie que les combattants du Hamas pourraient de plus en plus s’engager dans une forme de « guérilla », selon le terme employé par Tsahal. Basem Naim, un haut responsable du Hamas, a évoqué la détermination du groupe terroriste à poursuivre les combats, déclarant que si la mort de Sinwar était « douloureuse » le groupe finirait par être « victorieux ».
  • Le candidat le plus probable à la succession de Yahya Sinwar est son frère, Mohammed, actuellement à la tête des Brigades Izz al-Din al-Qassam, la branche militaire du Hamas. Celui-ci est néanmoins plus perçu comme une figure de pouvoir local, et ne dispose pas du réseau ni du leadership de Yahya Sinwar.

Malgré l’enthousiasme affiché par les dirigeants occidentaux en faveur d’un cessez-le-feu, cette victoire pourrait ne pas changer fondamentalement l’équation pour Israël. Plus de 100 otages sont toujours entre les mains du Hamas, et les frappes indifférenciées de Tsahal nourrissent chaque jour un peu plus la rhétorique du groupe terroriste à l’attention de la population de Gaza.

La question de la gouvernance de l’enclave reste quant à elle toujours sans réponse, tandis que le Likoud va organiser lundi prochain un événement intitulé « Préparation à la colonisation de Gaza ». Dix députés du parti de Netanyahou à la Knesset (soit un tiers du total) ainsi que la ministre de l’Égalité sociale et de la Promotion des Femmes, May Golan, ont confirmé leur participation5.