Le gouvernement espagnol et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont présenté des plans visant à mobiliser des capitaux lors d’une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Luxembourg hier, lundi 7 octobre.

  • La proposition de la BEI est basée sur un plan à deux piliers. Le premier consiste en l’expansion de l’Initiative des champions de la technologie européenne (European Tech Champions), créée en 2023 pour fournir des financements aux entreprises technologiques en phase de croissance. Le second est la création d’une nouvelle « plateforme de sortie » (exit platform) pour aider à financer l’acquisition et la cotation des start-ups technologiques afin que, une fois développées, elles restent en Europe plutôt que de partir vers des zones plus compétitives telles que les États-Unis. 
  • Selon l’analyse de la BEI, les start-ups peuvent lever jusqu’à cinq fois plus de fonds aux États-Unis qu’en Europe, ce qui entraîne un phénomène de délocalisation ou de vente à un acheteur étranger plus important. Avec sa proposition, la BEI a déclaré qu’elle visait à combler le déficit d’investissement et à inverser ce processus.
  • Nadia Calviño, la présidente de la BEI, a déclaré à Luxembourg : « Les entreprises européennes nées en Europe devraient rester en Europe ».

En parallèle, le ministre espagnol de l’Économie, Carlos Cuerpo, a présenté un plan permettant à de petits groupes de pays désireux de travailler ensemble autour d’un « laboratoire d’idées ». 

  • L’idée serait de faire avancer les discussions en petits groupes, une « coalition de pays volontaires » composée d’au moins trois pays, qui pourraient avancer au lieu d’attendre des accords approuvés par l’ensemble des 27 États membres. Selon Cuerpo, une première mesure pourrait consister à établir une norme européenne commune pour les notations des PME. Il estime en effet que cela aiderait ces dernières à recevoir plus facilement des financements à l’échelle européenne.
  • Ce n’est pas la première fois qu’un État membre lance cette idée de « coalition de pays volontaires ». En février dernier, l’ancien ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire avait suggéré que ceux qui souhaitaient mettre en œuvre des mesures susceptibles de renforcer le marché européen des capitaux passent à l’action sans attendre un accord à 27. À l’époque, il avait exprimé sa frustration face à la lenteur des progrès.
  • Au mois de février, dans un non-paper, la Banque des Pays-Bas avait également proposé de recourir à une coopération renforcée dans certains domaines afin de pouvoir avancer1

Les rapports d’Enrico Letta et de Mario Draghi appellent tous deux à la mise en place d’une union des marchés de capitaux qui permettrait aux entreprises de lever des fonds et de se développer afin de stimuler la croissance, de créer des emplois et d’améliorer la compétitivité de l’Union. 

  • Bien qu’en théorie la proposition bénéficie d’un large soutien, des divisions subsistent sur des points clés tels que la question de l’européanisation des pouvoirs de surveillance et de supervision. 
  • Paschal Donohoe, président de l’Eurogroupe et ministre irlandais des Finances, a noté qu’il s’agissait de la deuxième fois en un an qu’un pays suggère de progresser au sein d’un groupe plus restreint pour sortir de l’impasse, affirmant que cela reflétait le moment politique en faveur de l’union des marchés de capitaux, mais aussi la frustration face au manque de progrès.
  • Il a toutefois mis en garde contre le risque d’éclatement du marché unique en cas d’accords à trois ou quatre : « La flexibilité pour certains signifie la fragmentation pour d’autres ». Donohoe a également déclaré que la poursuite des discussions à 27 resterait toujours sa priorité. 
  • En mars, il affirmait dans un entretien au Grand Continent : « Mon rôle est d’obtenir un accord à 27 sur le plus haut dénominateur commun possible — et c’est ce que nous avons fait. Si d’autres pays souhaitent procéder à une coopération renforcée dans un domaine particulier, ils peuvent le faire à leur guise. Toutefois, il est important de ne pas perdre de vue le tableau d’ensemble. Le concept de collaboration entre pays a toujours porté sur les avantages potentiels de la supervision. Cependant, nous sommes d’accord sur d’autres points : par exemple le potentiel de la titrisation et la facilitation de la cotation des entreprises européennes de taille moyenne. Ce sont des domaines dans lesquels nous pouvons collaborer et progresser ensemble, à 27. Il est crucial de ne pas perdre de vue ces opportunités ».