Le 12 juin, la Commission européenne a annoncé aux producteurs de véhicules électriques basés en Chine les résultats de son enquête anti-subventions ouverte en octobre 2023. Des droits de douanes allant de 17,4 % à 38,1 % ont ainsi été ajoutés aux tarifs existants de 10 % à partir de début juillet, pour une durée de quatre mois.

  • Ce niveau est bien en dessous des 100 % annoncé par les États-Unis et le Canada et, selon une étude du Rhodium Group, malgré des tarifs douaniers supplémentaires de 17,4 %, BYD gagnerait toujours plus de 9 000 euros par véhicule vendu en Europe, soit 7 fois plus qu’en Chine.
  • La décision finale appartient aux États membres, qui doivent voter demain, vendredi 4 octobre. Elle peut être bloquée par une majorité qualifiée inversée — 55 % des pays membres représentant 65 % de la population.
  • Si l’Allemagne est opposée à l’imposition de tarifs depuis le début de l’enquête, craignant la perte de l’accès au marché chinois pour ses constructeurs automobiles, le revirement récent de l’Espagne est le signe d’une division plus profonde des 27.
  • Lors d’un premier vote indicatif, quatre pays ont voté contre les mesures : Chypre, la Hongrie, Malte et la Slovaquie. D’autres pourraient les rejoindre alors que Berlin intensifie ses efforts de lobbying. Madrid s’en tient à son discours qui consiste à « explorer toutes les voies possibles pour parvenir à une solution négociée afin d’éviter une guerre commerciale ». Mais, même si l’Espagne et l’Allemagne votent contre, sauf grande surprise, les droits de douane devraient être adoptés.

En parallèle, la Commission continue de négocier avec la Chine un accord de restriction volontaire des exportations.

  • La Chine propose ainsi la mise en place d’un prix plancher – et d’un volume prédéfini – pour ses exportations de voitures électriques sur le marché européen.
  • Selon plusieurs sources consultées par le Grand Continent, la Commission devrait être en mesure de continuer les négociations même après le vote, et jusqu’au 31 octobre, date à laquelle les tarifs provisoires expirent.
  • L’Union a déjà une expérience similaire avec la Chine : en 2013, à la suite d’une enquête antidumping, la Commission avait annoncé des droits de douane sur les panneaux solaires chinois. Sous la pression des États membres (Angela Merkel avait à l’époque violemment critiqué la mesure), les deux parties sont finalement parvenues à une « solution amiable », Bruxelles acceptant un engagement de prix de la part des exportateurs chinois. Cet exemple est cité comme illustratif de l’échec de la politique européenne envers Pékin : en 2023, l’Union ne produisait plus que 3 % des panneaux solaires qu’elle installait.

Dans ce contexte, le vote est vu dans plusieurs capitales, et notamment en France, comme un test à la fois sur la politique européenne envers la Chine et sur le sérieux des discours en soutien à une politique industrielle commune. Mario Draghi avait plaidé dans son rapport en faveur de plus de coordination entre les efforts nationaux et européens et souligné le dilemme européen : « la dépendance accrue à l’égard de la Chine peut constituer le moyen le moins coûteux et le plus efficace d’atteindre nos objectifs en matière de décarbonation. Mais la concurrence chinoise soutenue par l’État représente également une menace pour nos secteurs productifs des technologies propres et de l’automobile ».

  • L’Union a interdit la vente des voitures neuves thermiques à partir de 2035. 
  • Dans un contexte de ralentissement de la demande de voitures électriques, d’une concurrence accrue de la part des rivaux chinois et de besoins en investissements technologiques importants, l’industrie automobile européenne est plongée dans une crise profonde qui s’annonce longue1.
  • En août, les ventes de véhicules neufs dans l’Union avaient chuté de 18,3 %. Ce chiffre a atteint 44 % pour les véhicules électriques2.
  • Si la part de marché des marques étrangères dans les ventes de véhicules en Chine était de 64 % en 2020, elle a chuté à 37 % aujourd’hui, une tendance qui affecte en particulier les constructeurs allemands.
  • Les livraisons de Tesla au troisième trimestre sont également plus faibles qu’anticipé, avec une progression de 6,4 % par rapport à 20233.
Sources
  1. Kana Inagaki, « European carmakers brace for a deeper and longer downturn », Financial Times, 2 octobre 2024. 
  2. Greta Rosen Fondahn and Alessandro Parodi, « EU car sales at 3-year low in August, EV sales plunge 44 % », Reuters, 19 septembre 2024.
  3. Kara Carlson et Dana Hull, « Tesla’s First Quarterly Sales Gain This Year Comes Up Short », Bloomberg, 2 octobre 2024.