Lire à l’échelle pertinente. Que ce soit avec nos sélections mensuelles d’essais ou notre Prix Grand Continent, les dernières parutions sont au cœur de la revue, dans les principales langues du débat européen. Pour ne rien rater, abonnez-vous
Thomas Kaufmann, Der Bauernkrieg. Ein Medienereignis, Herder, 2024
« La guerre des paysans constitue, avec la Réforme, le seuil de l’ère moderne. Mais contrairement aux réformateurs, ses protagonistes ne parviennent pas à imposer leurs revendications, qui peuvent parfois sembler modernes.
Le soulèvement des paysans est réprimé dans le sang. La guerre des paysans a toujours été interprétée de manière idéologique — déjà à l’époque, elle était, selon Thomas Kaufmann, surtout un événement médiatique.
Grâce à une étude approfondie des sources, Thomas Kaufmann démasque ces distorsions idéologiques et présente une réinterprétation de cet événement majeur. Il ouvre aux lecteurs un tout nouveau regard sur la guerre des paysans. »
Paru le 12 août
Luke Stegemann, Madrid : A New Biography, Yale University Press, 2024
« Pendant des siècles, Madrid a été une petite ville insignifiante sur le plateau central ibérique. Sous les souverains musulmans, la ville a été fortifiée et agrandie, mais même après la Reconquista, elle est restée secondaire par rapport à sa voisine Tolède. Le destin de Madrid a basculé au XVIe siècle, lorsqu’elle est devenue le centre d’un vaste empire mondial.
Luke Stegemann raconte l’histoire surprenante de l’essor de Madrid et de son influence considérable dans le monde entier. De Cervantès et Quevedo à Velázquez et Goya, la capitale espagnole a accueilli certains des artistes et penseurs les plus influents d’Europe. Elle a constitué un lien vital entre l’Europe et les Amériques et est devenue un foyer de dissensions politiques, notamment pendant la guerre civile espagnole, lorsque la ville était en première ligne dans la lutte contre le fascisme.
Luke Stegemann replace Madrid et ses habitants dans un contexte mondial, montrant comment la ville, qui a rapidement dépassé Barcelone en tant que centre de la finance internationale et du tourisme culturel, devenant un creuset au cœur de l’Europe et du monde hispanique. »
Paru le 13 août
Pierre Charbonnier, Vers l’écologie de guerre. Une histoire environnementale de la paix, La Découverte, 2024
« L’étrange hypothèse qui structure ce livre est que la seule chose plus dangereuse que la guerre pour la nature et le climat, c’est la paix. Nous sommes en effet les héritiers d’une histoire intellectuelle et politique qui a constamment répété l’axiome selon lequel créer les conditions de la paix entre les hommes nécessitait d’exploiter la nature, d’échanger des ressources et de fournir à tous et toutes la prospérité suffisante. Dans cette logique, pour que jalousie, conflit et désir de guerre s’effacent, il fallait d’abord lutter contre la rareté des ressources naturelles. Il fallait aussi un langage universel à l’humanité, qui sera celui des sciences, des techniques, du développement.
Ces idées, que l’on peut faire remonter au XVIIIe siècle, ont trouvé au milieu du XXe une concrétisation tout à fait frappante. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le développement des infrastructures fossiles a été jumelé à un discours pacifiste et universaliste qui entendait saper les causes de la guerre en libérant la productivité. Ainsi, la paix, ou l’équilibre des grandes puissances mis en place par les États-Unis, est en large partie un don des fossiles, notamment du pétrole.
Au XXIe siècle, ce paradigme est devenu obsolète puisque nous devons à la fois garantir la paix et la sécurité et intégrer les limites planétaires : soit apprendre à faire la paix sans détruire la planète. C’est dans ce contexte qu’émerge la possibilité de l’écologie de guerre, selon laquelle soutenabilité et sécurité doivent désormais s’aligner pour aiguiller vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce livre est un appel lancé aux écologistes pour qu’ils apprennent à parler le langage de la géopolitique. »
Paru le 29 août
Angelo Panebianco, Principati e repubbliche. Azioni individuali e forme di governo, Il Mulino, 2024
« Est-il possible d’étudier les formes de gouvernement qui se sont succédé dans l’histoire de l’humanité sans se limiter à une description érudite des règles et des institutions et sans supposer que seuls les princes, les rois, les empereurs, les dirigeants, les chefs de parti comptent et donnent vie à ces formes de gouvernement ? Qu’est-ce qui relie les actions des gens ordinaires à l’apparition et à l’évolution d’innombrables formes de gouvernement au cours de l’histoire ?
À partir de sources archéologiques, anthropologiques et historiographiques relues à la lumière d’un schéma interprétatif qui considère les formes de gouvernement comme le produit d’une pluralité d’actions humaines, le livre traite des États, empires et républiques anciens (antiques, médiévaux et de la Renaissance) ainsi que de leurs descendants directs, les despotismes et les démocraties contemporaines. L’étude des formes de gouvernement montre combien est grande la capacité des êtres humains à donner naissance à des modes complexes et différenciés d’organisation de la vie sociale. Elle montre aussi que si les élites, et parfois certains dirigeants dotés de qualités particulières, ont un pouvoir conditionnant dans la formation et l’évolution des États et des régimes politiques, ceux qui ne font pas partie des élites ne sont jamais de simples figurants de cette histoire. »
Paru le 30 août
Serhii Plokhy, Chernobyl Roulette : War in the Nuclear Disaster Zone, Norton, 2024
« Le 24 février 2022, premier jour de l’attaque totale de la Russie contre l’Ukraine, des véhicules blindés s’approchent de la centrale nucléaire de Tchernobyl, dans le nord de l’Ukraine. L’occupation russe de la centrale, qui durera trente-cinq jours, a commencé. Seuls le dévouement et la détermination du personnel ukrainien, pris en otage et travaillant par roulement pendant des semaines, ont permis d’éviter au monde un nouvel accident à Tchernobyl. Ils ont dû prendre des décisions de vie ou de mort en matière de coopération ou de résistance, en mettant en balance leur loyauté envers leurs familles, leur patrie et les civils innocents d’Ukraine et d’ailleurs qui subiraient les conséquences d’un accident nucléaire s’il se produisait. Les choix qu’ils ont faits ont permis de sauver le monde d’une nouvelle catastrophe de Tchernobyl.
Pendant ce temps, une situation bien plus dangereuse s’est développée à la centrale nucléaire de Zaporizhia, dans le sud de l’Ukraine, la plus grande installation de ce type en Europe. À la suite d’une attaque en mars 2022, l’armée russe en garde le contrôle et les services de renseignement ukrainiens mettent en garde contre le risque de terrorisme nucléaire. Nous devons faire face à une nouvelle réalité : deux sites nucléaires ont déjà fait l’objet d’une guerre et d’autres sont vulnérables.
Il existe aujourd’hui 440 sites de ce type dans le monde, et l’agression de la Russie contre l’Ukraine ne sera pas la dernière guerre de l’histoire de l’humanité. L’histoire des hommes et des femmes de Tchernobyl est plus qu’une histoire récente : c’est aussi un aperçu d’un avenir pas si lointain. »
Parution le 3 septembre
Francesco Filippi, Cinquecento anni di rabbia : Rivolte e mezzi di comunicazione da Gutenberg a Capitol Hill, Bollati Boringhieri, 2024
« Au XVIe siècle, l’invention de Gutenberg — l’imprimerie à caractères mobiles — a été le moteur involontaire d’une révolution. La diffusion à grande échelle de feuilles imprimées grâce à la nouvelle technologie à bas prix a permis à ceux qui n’avaient jamais eu accès au pouvoir de prendre conscience pour la première fois de revendications communes. La colère sociale qui en résulte prend une forme nouvelle et organisée, qui débouche sur la guerre des paysans, finalement réprimée dans le sang en 1525. Dès lors, le monde n’a plus jamais été le même ; à partir de ce moment, le pouvoir a commencé à s’occuper des médias pour les maîtriser et les rendre inoffensifs.
Cinq siècles plus tard, il s’est passé quelque chose de très similaire. Nous sommes le 6 janvier 2021 lorsque le rêve de la « plus grande démocratie du monde », incroyablement, s’écroule. Une foule en colère, composée essentiellement d’hommes blancs, prend d’assaut le Congrès américain au Capitole. La colère populaire de ce jour-là est canalisée et organisée par les réseaux sociaux.
Dans les deux cas, un nouveau média, échappant aux filtres du pouvoir, fait remonter à la surface la colère de ceux qui se sentent exclus du récit dominant. Dans Cinquecento anni di rabbia, Francesco Filippi évoque une thèse fascinante : il existe une relation étroite entre les soulèvements et les médias du XVIe siècle à nos jours, et il ne fait aucun doute que ce à quoi nous assistons ces dernières années est une révolution dont nous sommes les protagonistes. Jamais auparavant nous n’avons eu besoin de faire bon usage de l’histoire pour comprendre plus en profondeur le monde dans lequel nous vivons. »
Parution le 3 septembre
David Lay Williams, The Greatest of All Plagues : How Economic Inequality Shaped Political Thought from Plato to Marx, Princeton University Press, 2024
« L’inégalité économique est l’un des défis les plus redoutables de notre époque. Le débat public porte souvent sur la question de savoir s’il s’agit d’une conséquence inévitable des systèmes économiques et, le cas échéant, sur ce qu’il est possible de faire pour y remédier. Mais pourquoi, exactement, l’inégalité devrait-elle nous inquiéter ? The Greatest of All Plagues démontre que cette question a été au cœur des préoccupations de certains des plus éminents penseurs politiques de la tradition intellectuelle occidentale.
David Lay Williams présente de nouvelles perspectives audacieuses sur les écrits et les idées de Platon, Jésus, Thomas Hobbes, Jean-Jacques Rousseau, Adam Smith, John Stuart Mill et Karl Marx. Il montre comment ils décrivent l’inégalité économique comme une source d’instabilité politique et un corrupteur du caractère et de l’âme, et comment ils considèrent l’inégalité non maîtrisée comme une menace pour leurs valeurs les plus chères, telles que la justice, la foi, l’harmonie civique, la paix, la démocratie et la liberté. David Lay Williams apporte un éclairage sur les problèmes sociétaux engendrés par ce que Platon appelait « le plus grand de tous les fléaux » et examine les solutions mises en œuvre au fil des siècles pour y remédier. Ce faisant, il révèle comment l’inégalité économique a été un problème primordial tout au long de l’histoire de la pensée politique. »
Parution le 3 septembre
Sabino Cassese, Varcare le frontiere. Un’autobiografia intellettuale, Mondadori, 2024
« Interroger la mémoire est un exercice difficile, un défi, parfois un pari. C’est certainement l’occasion de tirer des enseignements précieux, comme le montrent ces pages où Sabino Cassese, l’un des juristes les plus connus d’Italie, retrace sa longue carrière d’érudit. Il ne s’agit pas d’une « recherche du temps perdu », mais plutôt d’une autobiographie intellectuelle, d’un retour « sur soi », pour renouer les fils du passé et recomposer la fresque des idées, des débats et des protagonistes qui ont animé non seulement les sciences juridiques, mais aussi la vie académique, culturelle et politique du pays.
On peut y lire les expériences d’une vie passée avec humilité et curiosité. De sa jeunesse sous le fascisme à ses souvenirs familiaux, de ses études à l’École normale supérieure de Pise à ses années au bureau d’études Enrico Mattei, de ses missions dans les plus prestigieuses universités italiennes et étrangères à ses engagements dans le secteur bancaire et judiciaire, Cassese peint un tableau fait d’intérêts et de passions, de voyages et de rencontres — avant tout avec les grands auteurs du passé, grâce à ses livres les plus aimés, étudiés et médités —, de réflexions et d’analyses. Et puis la politique au sommet des institutions, la recherche internationale, la collaboration avec des journaux, des revues et des maisons d’édition comme forme d’engagement civil, l’éthique du travail, la participation informée et responsable au débat public en tant qu’observateur attentif des faits sociaux. Il en ressort un examen perspicace de l’Italie d’aujourd’hui et un jugement sur l’état de sa République. »
Parution le 3 septembre
Allen James Fromherz, The Center of the World : A Global History of the Persian Gulf from the Stone Age to the Present, University of California Press, 2024
« L’histoire du monde a commencé dans le golfe Persique. Les anciennes villes portuaires qui jalonnaient ses côtes ont créé la première façade maritime mondiale, un lieu à partir duquel les religions et les cultures venues de larges horizons ont pris la mer et sont entrées en contact. Pendant plus de quatre mille ans, le Golfe — parfois qualifié de Persique, parfois d’Arabe — a été un carrefour mondial tout en réussissant à éviter de tomber sous la coupe des plus grands empires du monde. L’histoire du Golfe est celle d’un univers en mutation rapide, de centres commerciaux fluctuants, d’une dépendance à l’égard de marchés mondiaux incertains et de rencontres interculturelles intenses qui sont le reflet du monde contemporain. En consacrant chaque chapitre à un port différent du Golfe, The Center of the World montre comment les habitants du Golfe se sont adaptés aux grands changements de l’histoire mondiale, en créant un système de libre-échange, de domination marchande et de commerce qui continue à définir la région aujourd’hui. »
Parution le 3 septembre
Violaine Sebillote-Cuchet (dir.), Histoire de l’Europe. Volume 1 : Origines et héritages (de la préhistoire au Ve siècle), Passés composés, 2024
« Quand naît l’idée d’Europe ? À quelle période apparaissent les valeurs et les structures considérées aujourd’hui comme ses fondements politiques, économiques, culturels et religieux ? L’Antiquité, le Moyen Âge ou l’époque moderne nous ont-ils légué le libéralisme, la démocratie, l’égalité entre les peuples et les individus ? Pour répondre à ces questions, cette série d’ouvrages se penche sur l’émergence, la construction et l’évolution de l’Europe vue aujourd’hui comme un ensemble homogène, voire intangible et uniforme. Elle offre une lecture originale et pertinente de la manière dont cet espace a été perçu par les peuples qui l’ont occupé au travers des âges et sur lequel ils ont projeté progressivement un substrat religieux, politique, et parfois civilisationnel.
Ce premier volume s’ouvre sur la préhistoire pour se conclure à la fin de la période antique, au Ve siècle. L’Europe des institutions étatiques et du droit, de la science et des techniques, de l’alphabet et du plurilinguisme, de la psychanalyse et de la philosophie, des fêtes et des plaisirs, et de tant d’autres choses encore, doit en effet beaucoup à l’Antiquité. Les parois peintes de Lascaux, les mégalithes de Stonehenge, l’Acropole d’Athènes et le Colisée de Rome, Spartacus et Astérix font bien partie intégrante de l’imaginaire des Européens du XXIe siècle, et plus encore, de tous ceux qui s’affirment comme des Occidentaux. C’est pourquoi les auteurs, à travers un récit d’une richesse exceptionnelle, interrogent la géographie même de l’Europe, racontent les grandes évolutions humaines et politiques depuis les temps les plus anciens et explorent la richesse culturelle et sociale du legs antique. »
Parution le 4 septembre
William Dalrymple, The Golden Road : How Ancient India Transformed the World, Bloomsbury, 2024
« L’Inde est le cœur oublié du monde antique. Pendant un millénaire et demi, elle a exporté sa civilisation diversifiée, créant autour d’elle un vaste empire d’idées : l’art, les religions, la technologie, l’astronomie, la musique, la danse, la littérature, les mathématiques et la mythologie de l’Inde ont tracé une voie à travers le monde, le long d’une « route dorée » qui s’étendait de la mer Rouge au Pacifique.
William Dalrymple met en lumière la position souvent oubliée de l’Inde en tant que cœur de l’Eurasie ancienne et donne un nom à cette diffusion des idées indiennes qui a transformé le monde. Du plus grand temple hindou du monde à Angkor Vat au bouddhisme chinois, du commerce qui a contribué à financer l’Empire romain à la création des chiffres que nous utilisons aujourd’hui (y compris le zéro), l’Inde a transformé la culture et la technologie mondiales. »
Parution le 5 septembre
Catherine Mayeur-Jaouen, Le culte des saints musulmans. Des débuts de l’islam à nos jours, Gallimard, 2024
« Souvent considéré comme marginal, le culte des saints musulmans est aujourd’hui un sujet brûlant, au cœur de l’histoire de l’islam, de sa culture et de son imaginaire. Raconter ce « creux le plus douloureux » des sociétés musulmanes revient à écrire l’histoire religieuse de l’islam sous un nouvel angle.
Né dans le riche terreau de l’Antiquité tardive, lié au culte des morts et au processus d’islamisation, le culte des saints musulmans puise dans la mémoire des prophètes antéislamiques, du djihad et de la vénération du Prophète et de ses descendants. Tout un ensemble de croyances et de pratiques adressées aux saints et à des lieux sacrés apparaît en pleine lumière au IXe siècle. Il unit les dévots aux saints toujours présents dans une mystérieuse absence, à travers l’espace et le temps. Visites pieuses, pèlerinages aux sanctuaires et fêtes patronales réclament une intercession ici-bas et dans l’au-delà, aux hommes de Dieu et à de rares femmes. Du Maroc à l’Indonésie, le culte des saints s’ancre aussi dans celui des ancêtres et dans la fréquentation de lieux sacrés anonymes. En rattachant un paysage à l’islam, il affirme une identité désormais musulmane et participe à la compétition entre chiisme et sunnisme. Le phénomène, légitimé par des écrits hagiographiques et encouragé par les dynasties successives, devient massif aux XIIe et XIIIe siècles, avec l’essor des confréries soufies, le culte du Prophète, et de nouvelles vagues d’islamisation. Le culte des saints domine le paysage dévotionnel musulman jusqu’aux attaques du wahhabisme au XVIIIe siècle, puis jusqu’à celles du réformisme et enfin du salafisme actuel.
Au XXe siècle, les États indépendants privent confréries et descendants des saints de leur pouvoir, et tentent de déplacer le culte vers celui des héros et des martyrs. D’impressionnants renouveaux s’affirment pourtant à la fin du XXe siècle, avant de nouvelles ruptures au XXIe siècle, imposées par l’urbanisation et les migrations, par Internet et le règne de l’image, par la mondialisation et la sécularisation. »
Parution le 5 septembre
Luigino Bruni, Il campo dei miracoli Viaggio economico nei capolavori della letteratura, Marsilio, 2024
Quel est le rapport entre Verga et le « fétichisme de la marchandise » de Marx ? Pourquoi le personnage de Geppetto préfigure-t-il les « travailleurs pauvres » d’aujourd’hui ? Comment le droit de Pinocchio à être nourri et soigné reflète-t-il les théories d’Amartya Sen et le Sisyphe de Camus sur l’aliénation du travailleur ? Alors que l’économie n’est certainement pas ce que l’on associerait immédiatement à la littérature, l’économiste hétérodoxe Luigino Bruno nous guide à travers les pages de certains des plus grands chefs-d’œuvre de tous les temps, jetant ainsi les bases d’une petite histoire littéraire de l’économie. Dans un dialogue fructueux avec les textes, Luigino Bruni retrace les phénomènes et les concepts qui révèlent l’évolution de notre rapport à l’argent et au travail.
Il décrit les débuts du nouveau cours européen à travers le regard de Dante, critique sévère de la rente issue du pouvoir et non du travail, tandis que quelques décennies plus tard, Boccace, fils de marchands, racontera la comédie humaine du capital. Il relit Shakespeare, « prophète » du système naissant qui, dans le Londres de la fin du XVIe siècle, substitue le profit aux passions. Il interprète les miracles économiques et sociaux du XXe siècle italien comme le résultat de l’action de tant de Mazzarò, précurseurs de ce capitalisme qui aujourd’hui « emporte dans sa tombe les mers, les fleuves et les glaciers, parce qu’il ne voit rien de valable à laisser aux jeunes ».
En montrant le visage humain de ce que l’on a appelé « la triste science » dans un récit vivant et passionnant, Bruni nous invite à réfléchir sur la délicate transition de l’âge du travail à l’âge de la consommation, et nous place ainsi devant un choix, car — écrit-il — « chaque génération doit décider quelles sont les vertus d’hier qu’elle veut conserver et quelles sont celles qu’elle veut oublier ».
Parution le 6 septembre
Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt, Paris-Moscou. Un siècle d’extrême droite, Le Seuil, 2024
« Les liens entre l’extrême droite française et la Russie font désormais souvent la Une, mais cet ouvrage est le premier à les mettre en perspective sur un siècle. Entre 1917 et 1945, la France a été une base arrière essentielle des Russes antisoviétiques, qui se sont greffés aux soubresauts de l’extrême droite hexagonale. Relier Paris, Berlin et Moscou est devenu une utopie mais aussi une pratique. Avec la Guerre froide, l’anticommunisme a redéfini les positionnements, mais certaines extrêmes droites ont vu Moscou comme un rempart contre Washington et sa société du melting-pot. La chute de l’Union soviétique et l’ère Poutine ont dessiné un nouvel arc : la Russie devient un modèle politique, et exerce une influence directe sur les formations françaises. Toutes les dynamiques mises en place pendant un siècle convergent lors de l’invasion de l’Ukraine. L’enjeu dépasse ainsi la question des forces partisanes : il s’agit de définir les zones entre guerre et paix. Observer les relations nationalistes entre France et Russie, c’est comprendre comment la diffusion patiente de discours permet de façonner les politiques étrangères et les rivalités géopolitiques. »
Parution le 6 septembre
Sebastian Moll, Das Würfelhaus. Mein Vater und die Architektur der Verdrängung, Insel, 2024
« Lorsque le père de Sebastian Moll a construit une maison pour sa famille dans les années 1960, il avait un espoir : oublier le passé. En effet, il avait subi l’endoctrinement nazi, le traumatisme de la guerre ainsi que les mutilations psychologiques du culte fasciste de la virilité. En construisant une maison mitoyenne de banlieue dans le sud de Francfort, il a accompli ce nouveau départ sur le plan architectural.
De plus, en tant qu’urbaniste d’une société de construction de logements de Francfort, il a marqué la reconstruction de sa patrie et a ainsi fait avancer une architecture de refoulement qui marque encore aujourd’hui les villes allemandes. Mais dans la vie privée comme dans la vie urbaine, le refoulé a fait son retour.
Das Würfelhaus est une mise à nu architecturale de l’Allemagne d’après-guerre. Sebastian Moll raconte, à travers l’histoire de sa famille, la tentative difficile et douloureuse de sa génération et, avec elle, de l’Allemagne contemporaine, d’effacer l’héritage du national-socialisme. »
Parution le 9 septembre
Sean McMeekin, To Overthrow the World : The Rise and Fall and Rise of Communism, Hurst, 2024
« Trois décennies après l’effondrement de l’Union soviétique, qui a incité Francis Fukuyama à proclamer la « fin de l’histoire », les choses semblent avoir changé. La Russie n’est peut-être plus communiste, mais Staline y est plus admiré que jamais depuis sa mort en 1953. Les États-Unis ont perdu leur pouvoir et leur prestige, parallèlement à la montée en puissance économique et à l’influence mondiale de la Chine, notamment aux États-Unis eux-mêmes. Le capitalisme démocratique libéral semble moribond, tandis que le communisme chinois assimile le monde. Comment et pourquoi cela s’est-il produit ?
Dans cette vaste histoire, Sean McMeekin étudie l’évolution du communisme, de l’idéal séduisant d’une société sans classes à la doctrine dominante des régimes tyranniques. Des écrits de Marx à la résurgence mondiale du communisme au XXIe siècle, McMeekin affirme que, malgré l’endurance de ce système politique, il reste profondément impopulaire. Là où il est apparu, il l’a toujours fait par la force. »
Parution le 10 septembre
Aaron Reeves et Sam Friedman, Born to Rule ; The Making and Remaking of the British Elite, Harvard University Press, 2024
« Quand on pense à l’élite britannique, des caricatures familières viennent à l’esprit. Aaron Reeves et Sam Friedman ont passé au peigne fin une multitude de données en examinant minutieusement les profils, les intérêts et les carrières de plus de 125 000 membres de l’élite britannique, de la fin des années 1890 à aujourd’hui. La base de données historique du Who’s Who est au cœur de cette étude méticuleuse, mais Reeves et Friedman ont également exploité des registres généalogiques, examiné des données d’homologation et interrogé plus de 200 personnalités issues d’un large éventail de milieux et de professions afin de découvrir qui dirige la Grande-Bretagne, comment ils pensent et ce qu’ils veulent. Ce qu’ils ont découvert, c’est qu’il y a moins de mouvement au sommet qu’on ne le pense. Certes, des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l’intégration des femmes et des Britanniques noirs et asiatiques, mais les personnes nées dans le 1 % supérieur ont autant de chances d’accéder à l’élite aujourd’hui qu’il y a 125 ans. Ce qui a changé, c’est la manière dont les élites se présentent. Les élites d’aujourd’hui travaillent dur pour nous convaincre qu’elles sont parfaitement ordinaires. »
Parution le 10 septembre
Emmanuel de Waresquiel, Il nous fallait des mythes ! La Révolution et ses imaginaires de 1789 à nos jours, Tallandier, 2024
« Emmanuel de Waresquiel se penche sur les mémoires et les héritages de la Révolution française. Il en explique les raisons, les continuités, les déformations jusqu’à nos jours, à travers deux siècles de notre histoire. Il a choisi quelques moments « fondateurs » de 1789 et de la Terreur. On a glorifié le serment du Jeu de paume alors qu’il avait été prêté sous l’emprise de la peur. On a fait de la prise de la Bastille la première grande victoire du peuple quand la Bastille s’est rendue aux insurgés, on a célébré Valmy et Valmy était à peine une bataille. On a chanté la liberté et la fraternité sur tous les tons et on les a un peu oubliées, on a sanctifié la guillotine avant d’en mesurer toute l’horreur. Que nous dit la Révolution d’elle et de nous-mêmes, dans l’épaisseur de ses mémoires ? Les événements, les lieux, les symboles qu’elle a retenus à la construction d’un monde nouveau, leur célébration — ou leur diabolisation — par les régimes qui ont suivi n’ont souvent pas grand-chose à voir avec la perception que les révolutionnaires en avaient sur le moment. »
Parution le 12 septembre
Jérémie Foa, Survivre. Une histoire des guerres de religion, Le Seuil, 2024
« Dans le monde incertain des guerres de Religion (1562-1598), survivre est tout un art. Comment mentir, se déguiser, s’échapper, simuler ou dissimuler sa confession religieuse ? Comment se faufiler, tromper ou surprendre son adversaire ? Quelles sont, en somme, les tactiques pour tenir dans un monde soudain hostile, dans lequel le voisin peut dénoncer, le boucher empoisonner, votre accent vous trahir, le fils égorger, le mari mentir et la rue naguère familière devenir guet-apens ? « Car en matière de guerres intestines, écrit Montaigne, votre valet peut être du parti que vous craignez. Et lorsque la religion sert de prétexte, les parentés mêmes deviennent peu fiables ».
En s’appuyant sur des chroniques contemporaines et sur un matériau archivistique exceptionnel, cette enquête entend rendre sensible ce que fut l’expérience concrète des « tristes hommes d’après 1560 ». Parce que la guerre civile rend incertain ce qui semblait le mieux établi — l’identité des êtres et des choses, le statut des lieux, le langage lui-même —, Survivre entreprend de mettre en lumière les savoir-faire et les savoir-vivre avec le trouble. Mais ce livre n’entend pas seulement restituer au plus près des documents ce que fut l’épreuve de la guerre intestine. Il propose une relecture ambitieuse de l’ensemble des guerres de Religion, laboratoire de notre modernité, désormais envisagées au prisme de la condition d’incertitude. »
Parution le 13 septembre
Terrence G. Peterson, Revolutionary Warfare : How the Algerian War Made Modern Counterinsurgency, Cornell University Press, 2024
Revolutionary Warfare montre comment les efforts déployés pour contrer une révolution peuvent également s’avérer révolutionnaires. La guerre d’Algérie a fracturé l’Empire français, détruit la légitimité de la domination coloniale et contribué à lancer le mouvement tiers-mondiste pour la libération du Sud. En retraçant la manière dont les généraux, les officiers et les fonctionnaires français ont cherché à contrer l’indépendance algérienne par leur propre projet de transformation sociale radicale, Terrence G. Peterson révèle que le conflit a également contribué à transformer la nature de la guerre moderne.
L’effort de guerre français n’a jamais été défini uniquement par la répression. Comme l’explique Peterson, il a également cherché à mettre au point de nouvelles formes de surveillance et de contrôle social susceptibles de capter la loyauté des Algériens et de transformer la société algérienne. Les efforts en matière d’hygiène et d’aide médicale, les programmes sportifs et éducatifs pour la jeunesse et les campagnes de guerre psychologique ont tous tenté de remodeler les structures sociales algériennes et de les lier plus étroitement à l’État français. En retraçant l’émergence de ces programmes, Terence G. Peterson recadre l’effort de guerre français comme un projet de réforme sociale armée qui cherchait non pas à préserver le pouvoir colonial inchangé, mais à le révolutionner afin de le faire perdurer face aux défis mondiaux de la décolonisation.
Revolutionary Warfare démontre comment les efforts des officiers français pour transformer la guerre en un exercice d’ingénierie sociale ont non seulement façonné le déroulement de la guerre d’Algérie dès ses premiers mois, mais ont également contribué à forger un paradigme de guerre qui a dominé la pensée stratégique pendant la guerre froide et après : la contre-insurrection. »
Parution le 15 septembre
Reyes Mate, Tierra de Babel. Más allá del nacionalismo, Trotta, 2024
« Le nationalisme a fait couler beaucoup d’encre : favorablement de la part de ceux qui aspirent à avoir leur propre État, défavorablement à l’encontre de ceux qui en ont déjà un. Ce livre traite du nationalisme, mais dans un sens différent, car il remet en question toutes les formes d’appartenance, qu’il s’agisse de l’État, de la patrie ou de la nation.
Il commence par une étude de la Tour de Babel. Ces gens voulaient construire une ville monolithique, mais ils ont échoué parce qu’ils ne pouvaient pas empêcher les gens de parler et de penser par eux-mêmes. Deux modèles de coexistence sont évoqués : celui de la ville fermée, attachée à la terre, ou celui de la dispersion qui a suivi l’expérience ratée.
L’humanité n’a pas retenu la leçon. Elle a pensé, avec Aristote, que seuls ceux qui appartiennent à une polis sont humains et que les apatrides sont inhumains. Tierra de Babel démonte ce malentendu originel en suivant la trace de la minorité qui a su lire ce qui s’est passé, faisant de la diaspora une forme d’existence. À une époque comme la nôtre, où l’État montre des signes d’épuisement, parce qu’il y a l’émigration et parce qu’il y a eu Auschwitz, la diaspora est présentée comme l’alternative post-nationale au nationalisme. »
Parution le 16 septembre
Timothy Snyder, On Freedom, Crown, 2024
« La liberté est le grand engagement américain mais, affirme Timothy Snyder, nous avons perdu de vue ce qu’elle signifie. Nous sommes trop nombreux à considérer la liberté comme l’absence de pouvoir de l’État. Nous pensons que nous sommes libres si nous pouvons faire et dire ce que nous voulons et nous protéger contre les excès du gouvernement. Mais la véritable liberté n’est pas tant la liberté de ne pas faire que la liberté de faire — la liberté de s’épanouir, de prendre des risques pour un avenir que nous choisissons en travaillant ensemble. La liberté est la valeur qui rend toutes les autres valeurs possibles.
S’appuyant sur les travaux de philosophes et de dissidents politiques, sur des conversations avec des penseurs contemporains et sur sa propre expérience de jeune adulte à l’époque de l’exceptionnalisme américain, Timothy Snyder identifie les pratiques et les attitudes qui nous permettront de concevoir un gouvernement dans lequel nous et les générations futures pourront nous épanouir. Il nous invite à apprécier l’importance des traditions (défendues par la droite), mais aussi le rôle des institutions (du ressort de la gauche). »
Parution le 17 septembre
Camille Mahé, La Seconde Guerre mondiale des enfants. France, Allemagne, Italie, 1943-1949, Puf, 2024
« Pour Germaine M., née en 1937, les années 1939-1945 ont été « ludiques », tandis que pour Karl-Hans W., jeune Allemand né en 1930, la période fut insouciante et heureuse. Si ces témoignages surprennent — durant la Seconde Guerre mondiale, jamais les enfants européens n’avaient autant été la cible de violences de guerre et souffert de ses conséquences (séparations familiales, déplacement, faim, froid, etc.) —, ils sont loin d’être des cas isolés.
Comment l’expliquer ? Quelles furent les expériences des enfants et de quelle manière le conflit les a-t-il affectés ? C’est à ces questions que l’auteure propose de répondre, en donnant voix à la fois aux enfants et aux adultes qui les encadrent, grâce à un corpus archivistique riche et varié (dessins, journaux intimes, enquêtes scientifiques, rapports institutionnels et humanitaires, etc.). À partir d’une étude comparant trois pays du front occidental — la France, l’Allemagne et l’Italie — et en se concentrant sur la période de sortie de guerre, c’est-à-dire lorsque les armes se taisent mais que les traces du conflit sont encore visibles et que s’élabore un premier bilan, l’historienne dévoile non seulement de nombreuses expériences juvéniles inédites, mais aussi les facteurs qui ont contribué à l’élaboration de la figure contemporaine de l’enfance victime de guerre et dont la décennie 1940 constitue un moment clef. »
Parution le 18 septembre
Andreas Kaplony (ed.), Geschichte der arabischen Welt, C.H. Beck, 2024
« Le monde arabe est plus que la somme des pays où l’on parle principalement l’arabe. Depuis l’expansion de l’islam, il constitue un espace de résonance religieuse et culturelle avec des tentatives d’unité politique sans cesse renouvelées. Ce livre décrit comment ce « monde » s’est formé depuis la fin de l’Antiquité, quelles sont les particularités de chacune de ses régions et comment la culture arabe s’est diffusée bien au-delà de cet espace.
Avec la péninsule arabique, l’Egypte, la Syrie-Palestine, l’Irak et le Maghreb nord-africain, cinq grandes régions marquent le monde arabe. Dans ce livre, une quarantaine d’experts de renommée internationale décrivent l’histoire de ces régions, de l’Antiquité tardive à nos jours, en passant par l’expansion de l’islam depuis le VIIe siècle et l’occupation par les États européens au XIXe siècle. Des aperçus culturels et historiques sur les quatre périodes les plus importantes mettent en évidence les évolutions communes qui ont été déterminantes dans l’immense espace entre l’Atlantique et le golfe Persique. Ce livre fait également la part belle au rayonnement mondial de la culture arabe — en Europe latine et à Byzance, en Perse et dans l’Empire ottoman, en Afrique subsaharienne et en Amérique. »
Parution le 19 septembre
Antonio Cazorla Sánchez, Los pueblos de Franco. Mito e historia de la colonización agraria en España, 1939-1975, Galaxia Gutenberg, 2024
« La dictature franquiste a construit près de trois cents villages et districts de colonisation. La propagande du régime a tenté d’inculquer aux Espagnols que c’était la preuve que Francisco Franco était un dirigeant réformateur et bienfaisant. Ce livre, basé sur deux piliers — le travail d’archives et les souvenirs des protagonistes — réfute cette idée. Il explique de manière accessible le mythe de la colonisation et la réalité qui se cache derrière : le passé de réformes et de révolutions violemment réprimées par le régime franquiste ; la misère socio-économique du monde agraire pendant la dictature ; l’idéologie qui a soutenu la colonisation ; les véritables intérêts, souvent cachés, derrière le projet et, surtout, la réalité quotidienne des nouveaux colons et de leurs villages. »
Parution le 25 septembre
Purificació Mascarell, Como anillo al cuello. La opresión matrimonial en la literatura femenina, Ariel, 2024
« Pour des millions de femmes, le petit anneau qui orne leur annulaire et qui symbolise traditionnellement l’amour, a été plus qu’un anneau : une chaîne symbole de l’’assujettissement imposé par le mariage sous forme d’esclavage sexuel, de captivité au foyer, d’aliénation en tant que mère-épouse et de toutes sortes de violences machistes, dans l’esprit et sur la peau.
Bien que le silence ait effacé la plupart des témoignages, de nombreuses femmes écrivains ont voulu raconter l’histoire de cette oppression dans leurs romans. George Sand, Mercè Rodoreda, Louisa May Alcott, Emilia Pardo Bazán, Edith Wharton, Elena Fortún et Alice Walker ont raconté les abus de l’institution du mariage. Purificació Mascarell retrace une constellation de femmes auteurs rebelles face au pouvoir patriarcal. Dans la main de penseuses telles que Mary Wollstonecraft, Emma Goldman, Virginia Woolf, Simone de Beauvoir et Kate Millett, qui ont affirmé que l’intime est politique, Como anillo al cuello parcourt la littérature et le féminisme à la recherche de l’envers de l’amour romantique. Un sauvetage des voix féminines qui ont osé remettre en question le destin réservé aux femmes : se marier et se taire. »
Parution le 25 septembre
Gisèle Sapiro, Qu’est-ce qu’un auteur mondial ? Le champ littéraire transnational, Gallimard/ EHESS / Le Seuil, 2024
« Longtemps, la notion de classique universel fut admise comme une évidence. Ce canon de la littérature mondiale est désormais contesté, en raison de la prédominance en son sein d’hommes blancs occidentaux. Mais par quels mécanismes s’est formée la « littérature mondiale » ? Comment se fabrique la gloire internationale ?
À partir d’archives, d’entretiens, d’observations et d’études quantitatives, ce livre analyse les conditions d’accès à la consécration littéraire par-delà les frontières nationales : les facteurs qui la favorisent ou l’entravent, et les acteurs et autrices qui y contribuent. Trois moments socio-historiques sont abordés : l’entre-deux-guerres, marqué par une internationalisation des échanges, d’abord en Europe puis avec les États-Unis ; l’ouverture géoculturelle après 1945, sur fond de guerre froide, avec une lente progression de la diversité linguistique, parallèlement à la féminisation ; et enfin leur intensification à l’heure de la mondialisation. Foires et festivals de livres se multiplient, mais la domination accrue de l’anglais et les concentrations éditoriales suscitent des résistances.
Gisèle Sapiro renouvelle les récits habituels de la fabrication des notoriétés littéraires et dévoile les coulisses d’un monde fait d’intermédiaires, éditeurs, médiateurs, traducteurs ou institutions de consécration (UNESCO, Nobel). »
Parution le 27 septembre