Nous avons appliqué aux scores du Rassemblement National au premier tour les différents modes de scrutin en vigueur dans les pays européens (voir méthodologie infra).
- Cet exercice comparatiste présente une limite évidente qu’il faut signaler d’emblée : dans le scrutin français à deux tours, les stratégies de barrage ont été déterminantes à la fois d’un certain type de configuration au second tour — les désistements ayant transformé un très grand nombre de triangulaires en duels — mais aussi du comportement électoral dès le premier tour.
- De même, l’opportunité pour des candidats de se présenter en tant qu’indépendants (« divers gauche », « divers droite ») est également fortement conditionnée par le système électoral en vigueur.
- Les résultats présentés par cette simulation permettent toutefois de mettre en perspective les différences entre systèmes électoraux à l’échelle continentale.
Aux termes de cette comparaison, parmi les cinq systèmes électoraux européens étudiés, le système français est, de très loin, le plus défavorable au RN :
- Ainsi, le parti de Marine Le Pen aurait obtenu 259 sièges au Royaume-Uni, où le candidat arrivé en tête dans une circonscription est immédiatement élu. Il en aurait obtenu 247 dans le système grec, qui prévoit une prime variant de 6 % à 17 % du total des sièges pour le parti arrivé en tête.
- En utilisant la proportionnelle cantonale suisse, le RN serait également la principale force à l’Assemblée (206 sièges), mais avec un écart moindre avec Ensemble (186 sièges).
- Dans le système néerlandais de proportionnelle intégrale sans seuil minimal, il en aurait obtenu 170.
- Avec le système allemand, qui prévoit une proportionnelle nationale avec un seuil de 5 %, il aurait obtenu 199 sièges.
Nous avons ensuite calculé comment chaque système se situe par rapport à l’indice de Gallagher, qui mesure la disproportion entre suffrages exprimés et sièges attribués :
- Toujours dans l’hypothèse d’une application des scores du premier tour des élections législatives de 2024, le système français aurait un effet moindre sur l’écart que les systèmes britannique et grec mais créerait davantage de disproportion que les systèmes allemand, suisse et néerlandais.
- À titre de comparaison, au vu de la mesure de ses résultats par cet index, l’élection britannique du 4 juillet dernier est la deuxième plus disproportionnée jamais enregistrée dans toute démocratie avancée.
Il convient de souligner qu’hormis dans le système britannique, aucun bloc n’obtiendrait une majorité absolue des sièges à l’Assemblée. Les systèmes proportionnels aboutissent tous à une tripartition de la chambre, tandis que même une prime de majorité modeste (Grèce) ne suffit pas à donner la majorité à un seul camp.
Résumé des systèmes électoraux des États considérés
Royaume-Uni (UK) : first-past-the-post
Scrutin uninominal à un seul tour dans un nombre de circonscriptions égal à celui des députés à élire. Le candidat qui obtient le plus de voix à l’unique tour de scrutin est élu.
Pays-Bas (NL) : proportionnelle intégrale
Les sièges sont attribués au scrutin proportionnel dans une unique circonscription nationale. Il n’y a pas de seuil minimum à atteindre pour qu’un parti obtienne des sièges.
Allemagne (DE) : proportionnelle avec seuil de 5 % (nouvelle loi électorale 2023)
Les sièges sont attribués au scrutin proportionnel entre tous les partis ayant obtenu au moins 5 % des sièges.
Suisse (CH) : proportionnelle cantonale
Les sièges sont d’abord répartis entre les cantons (dans notre simulation, les départements et territoires d’outre-mer) au prorata de leur population légale, en s’assurant toutefois de garantir au moins un député à chaque canton. Dans chaque canton, les sièges sont répartis de manière proportionnelle entre les partis candidats.
Grèce (GR) : proportionnelle par circonscriptions plurinominales avec prime de majorité
Le parti ou la coalition arrivée en tête, si elle obtient au moins 25 % des voix, se voit attribuer une « prime » variant de 6,66 % à 16,66 % du total des sièges. Le restant des sièges, moins 4 % du total, est réparti au scrutin proportionnel dans des circonscriptions plurinominales (dans notre simulation, les départements et territoires d’outre-mer), avec un seuil de 3 % au niveau national. Les 4 % restants sont répartis au scrutin proportionnel de liste au niveau national avec un seuil de 3 %. Dans ce système, le RN obtiendrait une prime de 42 sièges.