Viktor Orbán avait surpris la plupart des observateurs en se rendant à Kiev mardi 2 juillet où il a tenu une conférence de presse conjointe avec Volodymyr Zelensky après avoir tenté de persuader le président ukrainien d’accepter un cessez-le-feu afin de progresser vers une paix durable — demande éludée par Zelensky car ne prenant pas en compte les intérêts ukrainiens1.

  • La veille, Orbán récupérait la présidence du Conseil de l’Union européenne et se donnait six mois pour « Make Europe Great Again » — une subtile référence à son admirateur d’outre-Atlantique2.
  • Outre les six priorités affichées par la présidence hongroise pour les six mois à venir, le Premier ministre d’extrême-droite a également souhaité trancher d’entrée de jeu avec les précédentes présidences en cherchant à se placer comme « médiateur » entre Kiev et Moscou.
  • C’est avec cet objectif — encore une fois ici dans un parfait mimétisme avec les propos tenus par Donald Trump, qui a déclaré à plusieurs reprises qu’il mettrait fin à la guerre « en vingt-quatre heures » — qu’Orbán se rend aujourd’hui à Moscou pour s’entretenir avec Vladimir Poutine.

Considérant les maigres résultats de sa visite à Kiev, le déplacement d’Orbán à Moscou a peu de chance de conduire à un fléchissement de la position russe vis-à-vis de l’Ukraine. Au-delà de la recherche d’un cessez-le-feu — pour lequel les positions russes sont connues et irréalistes —, le Premier ministre hongrois dit chercher à « servir d’outil pour faire les premiers pas vers la paix »3. Hier, à Astana, Poutine disait qu’il considérait « improbable que le conflit puisse être réglé seulement par des médiateurs »4.

Craignant Orbán ne cherche à engager avec Vladimir Poutine en tant que représentant des intérêts de l’Union, cette visite a déclenché l’ire des dirigeants européens.

  • Le président sortant du Conseil, Charles Michel, a déclaré : « La présidence tournante de l’UE n’a pas pour mandat de dialoguer avec la Russie au nom de l’UE. Le Conseil européen est clair : la Russie est l’agresseur, l’Ukraine est la victime. Aucune discussion sur l’Ukraine ne peut avoir lieu sans l’Ukraine »5.
  • Un communiqué du SEAE a insisté ce matin sur le fait que « la visite du Premier ministre Viktor Orbán à Moscou s’inscrit exclusivement dans le cadre des relations bilatérales entre la Hongrie et la Russie »6.
  • Le Premier ministre finlandais, Petteri Orpo, s’est dit être inquiet vis-à-vis d’une visite qui « témoignerait d’un mépris pour les devoirs de la présidence de l’UE et porterait atteinte aux intérêts de l’Union européenne »7.
  • Le ministre des Affaires étrangères estonien, Margus Tsahkna, a quant à lui déclaré qu’il n’y avait « pas de mots pour exprimer ma déception et ma désapprobation face au projet d’Orbán de rencontrer Poutine », ajoutant que cette visite ne « serait pas conforme aux tâches de la présidence de l’UE »8.

En moins d’une semaine à la tête de la présidence du Conseil, Viktor Orbán a d’ores et déjà suscité la réprobation de ses homologues européens. Il a également donné le ton de ce qui caractérisera les six prochains mois de sa présidence en matière de relations avec la Russie : confusion, chaos et ambiguïté vis-à-vis d’un dirigeant sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI.