Avec plus de 180 triangulaires sur un peu plus de la moitié des circonscriptions dépouillées, la première analyse des résultats montre clairement que trois blocs se dégagent en France — avec un corollaire : le Rassemblement national n’obtiendra la majorité absolue que si les deux autres le lui permettent.
Alors que les candidats n’auront que jusqu’à mardi 18h pour se désister, nous étudions les consignes de l’ensemble des acteurs clefs.
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Le camp présidentiel : le barrage et le cas par cas
- Le Président de la République Emmanuel Macron a, dès 20h diffusé un court message à la presse : « Face au Rassemblement national, l’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour. »
- « Notre objectif est clair : empêcher le Rassemblement national d’obtenir une majorité absolue ». Le premier ministre Attal, candidat dans les Hauts-de-Seine, s’est exprimé plus tardivement vers 22h, sans doute en raison de tractations complexes sur le positionnement à adopter : « Dans plusieurs de nos circonscriptions, plusieurs de nos candidats Ensemble pour la République seront présents au second tour et constitueront donc le meilleur choix pour éviter que le RN ne dispose une majorité absolue. Dans d’autres circonscriptions, cela passera par le désistement de nos candidats dont le maintien en troisième position aurait fait élire un député du RN ».
- Un peu plus tôt dans la soirée, le groupe Ensemble avait diffusé un communiqué dans lequel il appelait ses candidats à se désister au deuxième tour « au profit des candidats en mesure de battre le Rassemblement national et avec qui nous partageons l’essentiel : les valeurs de la République ».
- Dans la Somme, la candidate Ensemble arrivée en troisième position position derrière François Ruffin, distancié de presque 20 points par rapport à la candidate RN, s’est en effet désistée au profit de celui-ci.
Les heures qui viennent et l’analyse très fine des différentes configurations en triangulaires — ainsi que des profils des candidats opposés au RN — détermineront les positionnements d’ici mardi soir, date limite pour les désistements.
On peut s’attendre à ce que la majorité présidentielle ne précise pas davantage cette ligne au-delà d’une logique de cas par cas. Des sources proches du dossier confirment qu’un examen minutieux des circonscriptions serait en cours pour étudier les cas de désistement au profit d’un candidat LFI contre le RN.
Une ligne de fracture se dessine au sein de l’espace macroniste. On relève l’expressions de deux membres du gouvernement Attal :
- « Je n’appellerai jamais à voter pour la France insoumise » a ainsi déclaré la ministre Aurore Bergé, députée des Yvelines et ancienne présidente du groupe de la majorité à l’Assemblée nationale.
- De l’autre côté, le ministre de l’Industrie Roland Lescure, député dans la première circonscription des Français de l’étranger, a quant à lui clairement appelé au désistement systématique pour faire barrage au RN — quel que soit le parti du candidat en face.
L’ancien premier ministre et chef de file d’Horizons, Édouard Philippe, a quant à lui marqué de nouveau une rupture nette par rapport au reste du camp présidentiel en appelant de manière explicite à ne donner de voix ni au RN, ni à LFI.
Le MoDem de François Bayrou n’a pas donné de consigne de vote claire, tout en appelant à « l’alliance des démocrates ». Là encore, la logique du cas par cas devrait s’appliquer.
Les Républicains : pas de consigne et une divergence sur la qualification du barrage
Les Républicains — qui ont choisi de rompre avec Eric Ciotti et ses amis — ont publié un communiqué dès 20h qui reprend la position du parti lors des législatives de 2022 :
- « Là où nous ne sommes pas présents au second tour, considérant que les électeurs sont libres de leur choix, nous ne donnons pas de consigne nationale et laissons les Français s’exprimer en conscience ».
- Michel Barnier ainsi que plusieurs autres figures de premier plan se sont exprimées publiquement en indiquant leur convergence avec la ligne exprimée par Edouard Philippe : « Ce soir, dans le moment grave où se trouve la France, il est essentiel que, dans chaque circonscription, les Républicains fassent barrage à la fois à LFI et au RN ».
- D’autres, comme la tête de liste aux Européennes, François-Xavier Bellamy ont repris la ligne indiquée par Jordan Bardella : « Le danger qui guette notre pays aujourd’hui, c’est l’extrême-gauche ».
Nouveau front populaire : un front républicain à l’ombre de Mélenchon
À gauche, les représentants du Nouveau Front populaire ont été parmi les premiers à réagir, avec une ligne unifiée, mais avec des nuances notables dans la forme et sur le fond.
- Premier à prendre la parole depuis le quartier général de la campagne, Jean-Luc Mélenchon a déclaré dès 20h15 : « nulle part nous ne permettrons au RN de l’emporter, nous retirerons notre candidature là où nous serons arrivés en 3e position » ; la présidente sortante de LFI, Mathilde Panot a précisé : « si le RN est en tête ».
Lors de cette déclaration, on note la présence de Rima Hassan. L’eurodéputée France insoumise connue pour son soutien à la cause palestinienne (elle affichait d’ailleurs ce soir un keffieh sur ses épaules) n’était pas candidate aux législatives et demeure une figure clivante au sein de la gauche.
- Raphaël Glucksmann (Place publique) et Olivier Faure (Parti socialiste) suivent la ligne du barrage contre l’extrême droite en toute circonstance, de même que François Hollande, qualifié pour le second tour en Corrèze.
- Dans la continuité de ce qui avait été son positionnement pendant la campagne, Marine Tondelier, cheffe de file d’EELV est quant à elle allée un cran plus loin en appelant à un la constitution d’un Nouveau Front Républicain.