Depuis 1962, la France est le seul pays dans lequel la possession de l’arme nucléaire a eu un impact sur la nature même du régime politique. Mais sur quoi se fonde la légitimité du chef de l’État français sur la Bombe ? Au-delà de la chaîne de dévolution, pour comprendre ce qui pourrait représenter une hypothèse limite, voire une confrontation entre Président et Premier ministre sur la question, il faut revenir aux sources du pouvoir nucléaire présidentiel : condition de la dissuasion, il a dans le même temps été souvent sujet de controverses juridiques. Qu’en est-il exactement ? Dans leur livre Le Président et la Bombe (Odile Jacob, 2016), Jean Guisnel et Bruno Tertrais apportent des clarifications.

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Le maître du feu nucléaire

En France, le président « règne » sur la dissuasion. Il approuve les caractéristiques des moyens nucléaires, qui lui sont proposées par le directeur des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (armes) et le délégué général pour l’armement (sous-marins, avions, missiles). Il valide les plans de frappes élaborés par le chef d’état-major des armées selon ses directives, avec la possibilité de les modifier à tout moment, y compris en temps de crise. Il décide des niveaux d’alerte. C’est enfin lui qui engage les forces en personne, même s’il ne manquerait pas de consulter ses proches conseillers quant à l’opportunité de procéder ainsi. Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en ont témoigné.

L’arme nucléaire est à la fois le symbole et la clé de l’autorité du président de la République sur les institutions. Quelles que soient les crises que traverse le pays, quels que soient les aléas de sa vie publique et de l’adhésion populaire à la personne du chef de l’État, détenteur du feu nucléaire et chef des armées, la prééminence de ce dernier demeure assurée. Même quand l’hôte de l’Élysée s’est trouvé politiquement et durablement affaibli, jamais sa présence ou sa prééminence à la tête de l’État n’ont été sérieusement contestées.

La fonction présidentielle est sacralisée par la capacité à appuyer sur le « bouton rouge ». Toute l’organisation de l’État se trouve fixée par cette fonction exclusive. La Bombe impose le respect envers celui qui en est le maître. La dissuasion est le cœur même du régime politique français.

La fonction présidentielle est sacralisée par la capacité à appuyer sur le « bouton rouge ».

Jean Guisnel et Bruno Tertrais

Et, sans la Ve République, pas de force nucléaire opérationnelle et pleinement indépendante. La France aurait sans doute procédé à un essai nucléaire de démonstration, sans aller plus loin (comme l’Inde en 1974) faute d’un consensus politique suffisamment fort. Ou, alors, en affectant cette force à l’OTAN (comme le Royaume-Uni dès 1962)…

Le président de la République tire sa qualité de décideur nucléaire suprême à la fois de la nécessité, de la légalité et de la légitimité. La nécessité du décideur unique est peu contestable. Elle découle d’abord de la crédibilité de la dissuasion : il ne faut pas laisser croire que la décision pourrait être prise « par comité ». Mais aussi de la rapidité avec laquelle il faut pouvoir prendre certaines décisions : ce pourrait être une question de secondes si les forces nucléaires ou le gouvernement se trouvaient visés. L’argument est moins pertinent aujourd’hui, mais il avait été utilisé par François Mitterrand pour justifier sa prééminence dans ce domaine en temps de cohabitation.

La légalité de la dissuasion est d’abord assurée par la Constitution. aux termes de l’article 15 : « Le président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale ». On peut également mentionner l’article 5, qui fait du président le garant notamment de « l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». La prise en mains présidentielle de la force de dissuasion résulte également d’une série de décrets. Celui du 18 juillet 1962 portant sur l’organisation de la défense nationale dessaisit, dans les faits, le Premier ministre d’une partie de ses prérogatives constitutionnelles antérieures. Le pouvoir d’engager les forces nucléaires est explicitement attribué au président de la République par le décret du 14 janvier 1964. Les juristes en ont fait leur miel, d’autant plus qu’il avait été vivement critiqué par l’opposition. Ce décret mentionnait, certes, la qualité du chef de l’État comme « président du Conseil de défense et chef des armées » ; mais il n’avait pas été pris en Conseil des ministres, comme il aurait dû l’être… Une faille juridique était donc ouverte. En 1992 et 1993, deux saisines du Conseil d’État donnent l’alerte : la haute juridiction rejette les pourvois au motif du manque d’« intérêt à agir »… tout en se déclarant compétent dès lors que les textes contestés ne sont pas, dit-il, des « actes de gouvernement ». Deux ans plus tard, saisi par une organisation antinucléaire, le même Conseil d’État qualifie le décret de 1964 d’« acte administratif » (arrêt Lavaurs, 8 décembre 1995). Il note, de plus, que ce décret ne concernait explicitement que les forces aériennes stratégiques. Un nouveau décret, pris cette fois dans les formes en 1996, a remis d’aplomb, sur le plan juridique, l’exercice formel du pouvoir présidentiel en matière de dissuasion. Il a été mis à jour en 2009.

Le président de la République tire sa qualité de décideur nucléaire suprême à la fois de la nécessité, de la légalité et de la légitimité. 

Jean Guisnel et Bruno Tertrais

Ce soubassement légal est-il suffisant ? Tel n’est pas l’avis de tous les constitutionnalistes. Certains d’entre eux estiment que la loi fondamentale ne fait pas du président le décideur militaire suprême et qu’à la lettre ce serait plutôt le Premier ministre… C’est là qu’intervient un troisième élément : la légitimité. Celle-ci découle de la réforme de 1962. On ne le remarque pas assez : la France est le seul grand pays occidental dans lequel un chef d’État directement élu par le peuple est le chef des armées. Aux États-Unis, il faut, pour être élu, conquérir des États, et non séduire la majorité de la population. Au Royaume-Uni, ce rôle échoit au roi. En Allemagne, c’est le ministre de la Défense qui se trouve à leur tête — sauf en cas de guerre, où ce pouvoir revient alors au chancelier investi par le Bundestag.

Or la réforme de 1962 découle elle-même, on l’a vu, de la possession de la Bombe. La France est en effet le seul pays dans lequel la possession de l’arme nucléaire a eu un impact sur la nature même du régime politique. Certes, le pouvoir présidentiel se trouvait déjà fortement affirmé dans la Constitution elle-même. Celle-ci confère au président le titre et la fonction de chef des armées (la Constitution de la IVe République mentionnait seulement « prend le titre de »), le droit de dissolution, le droit d’appeler au référendum et celui de recourir à l’article 16. Ces dispositions auraient pu rester lettre morte en l’absence de la réforme de 1962, acte fondateur de ce que nous avons appelé une « Constitution atomique ». Le Livre blanc sur la défense de 1972 a consacré cette vision, évoquant un président « élu du suffrage universel et seul juge de l’emploi éventuel des armes nucléaires »1. Michel Debré ajoutera en 1977 qu’il s’agit aussi de dissuasion : elle est d’autant plus crédible que l’autorité d’emploi se trouve investie par le peuple. Dans ses mémoires, il écrira encore : « La décision ultime étant remise à un seul homme — le président de la République, responsable suprême qu’a investi le suffrage universel »2. Sans la force nucléaire, donc, pas de Ve République sous la forme que nous connaissons. Selon le juriste David Cumin : « Le nucléaire est devenu un élément constitutif du régime politique »3.

Certains constitutionnalistes estiment que la loi fondamentale ne fait pas du président le décideur militaire suprême et qu’à la lettre ce serait plutôt le Premier ministre.

Jean Guisnel et Bruno Tertrais

Le « domaine réservé » par excellence

Le pouvoir présidentiel sur la dissuasion a conduit à l’affirmation de sa primauté sur le gouvernement (Premier ministre et ministre de la Défense), sur le Parlement et sur les armées. Qui peut le plus peut le moins : comment celui qui est le maître du feu nucléaire pourrait-il jouer un rôle secondaire dans les autres domaines militaires, même si le Premier ministre est théoriquement « responsable de la défense nationale » (article 21) ? Les lois de programmation militaire, qui limitent dans les faits les prérogatives budgétaires du Parlement (et le rôle du ministère des Finances), ont été inventées pour garantir le financement de la dissuasion : la première, en 1960, est passée aux forceps (par recours à l’article 49-3). Quant aux armées, au départ plutôt favorables à l’arme nucléaire, elles se voient imposer une dissuasion indépendante, arme politique suprême qui ne peut être qu’entièrement contrôlée par l’autorité politique suprême. La dissuasion, c’est aussi la revanche sur l’Algérie.

« La puissance que [le président] tire de la détention de l’atome l’incline naturellement à revendiquer la toute-puissance dans les autres domaines », écrit le juriste Bernard Chantebout4. « L’atome, renchérit son collègue Jacques Robert, est devenu une nouvelle source du droit constitutionnel »5. C’est pour la dissuasion qu’ont été institués l’état-major particulier du président (EMP) et les cabinets militaires (Premier ministre, ministre de la Défense). L’EMP, créé par une simple décision présidentielle en 1964 (le directeur du cabinet militaire du président prenant sa tête), est devenu un rouage essentiel de la machine gouvernementale. Son influence est inversement proportionnelle à sa taille (six à sept officiers, dont deux aides de camp) et à sa visibilité médiatique. Le CEMP est le troisième personnage du Palais derrière le président et le secrétaire général de la présidence. Il a souvent le même nombre d’étoiles (cinq) que le Cema, ce qui n’est pas neutre dans les débats, bien que dans ce cas la prééminence soit accordée au plus âgé… C’est aussi pour le président une garantie de bénéficier, à ses côtés, d’une expertise militaire indépendante de haut niveau. Il ne s’agit pas d’une instance décisionnelle : il n’y a plus de réunions formelles de l’EMP autour du président, comme au temps du général de Gaulle. Mais elle assume un rôle « stratégique » majeur. Un officier supérieur (un sous-marinier, depuis le début des années 1990) y est plus particulièrement chargé des affaires de dissuasion. François Mitterrand parlait du « coup d’État permanent ». Une fois parvenu au pouvoir, il deviendra le « dissuadeur permanent », pour reprendre l’expression de l’historien Robert Frank6.

La France est le seul pays dans lequel la possession de l’arme nucléaire a eu un impact sur la nature même du régime politique.

Jean Guisnel et Bruno Tertrais

Contreparties de ce pouvoir immense : le poids de la responsabilité et la solitude du décideur. À une époque où les dirigeants politiques sont de plus en plus obsédés par l’action immédiate, la dissuasion est l’un des rares domaines dans lesquels le président prend des décisions majeures engageant l’avenir lointain du pays. « Le président de la République est habité par sa responsabilité de chef des armées et de détenteur de la dissuasion française — vous le sentez physiquement, ça ne se raconte pas », rapporte le général Jean-Louis Georgelin, qui a collaboré avec plusieurs présidents7. De Gaulle évoquait « une réalité terrible et une perpétuelle perplexité »8. Pour Georges Pompidou, c’est ce qui pesait le plus dans ses nouvelles fonctions : « Jusque-là, c’était la responsabilité du Général. Maintenant, c’est la mienne. Rien que d’y songer, c’est terrible »9. Il évoquait ainsi la « solitude effroyable du chef de l’État »10. François Mitterrand parlera de « cette terrible responsabilité, la plus lourde de toutes, croyez-moi »11, « cette responsabilité énorme qui pèse sur un seul homme »12. Il dira aussi : « En l’occurrence, c’est la solitude qui commande, la tragique et nécessaire solitude de ceux qui ont le pouvoir de décider »13. François Hollande n’a jamais évoqué cette question publiquement. Pourtant on ne peut qu’être frappé par ses multiples références à la mort : « La mort habite la fonction présidentielle »14, disait-il en mars 2015. « Elle surgit aussi vite que la responsabilité. Dans cette fonction, la mort rôde partout »15. Nul doute qu’il n’ait réfléchi à la signification de sa responsabilité nucléaire.

Deux présidents (Valéry Giscard d’Estaing et François Hollande) souhaitèrent, dès la première année de leur mandat, toucher du doigt la réalité nucléaire en plongeant à bord d’un SNLE. Apprenant la « naissance » de la première tête nucléaire de nouvelle génération (la tête nucléaire aéroportée, TNA), Nicolas Sarkozy en demanda immédiatement une photo. Alain Poher, deux fois président par intérim, prit très au sérieux ses responsabilités nucléaires : en mai 1974, il se rendit à Taverny puis à l’île Longue. Et signa l’ordre de mise en chantier du sixième SNLE.

En cas d’échec de la dissuasion, le président serait-il prêt à engager les forces nucléaires ? Seuls Charles de Gaulle et Valéry Giscard d’Estaing ont témoigné directement à ce sujet. Personne ne sait ce qu’il se passerait dans des circonstances aussi extrêmes. L’important est que l’adversaire y croie. On a pu faire remarquer que les présidents nés avant la Seconde Guerre mondiale étaient par nature de meilleurs « dissuadeurs » que leurs successeurs. De même que ceux qui employaient la force militaire facilement et sans hésitation. Ou qui ont fait pourchasser des années durant les responsables d’un enlèvement ou d’un assassinat, pour montrer qu’on ne s’en prend pas impunément à la France. On a pu dire également que les personnalités impulsives, voire imprévisibles, pouvaient tout faire craindre à un adversaire en temps de conflit. Après avoir démissionné en 1976, Jacques Chirac ne se privait pas de faire savoir qu’il serait, lui — suivez mon regard —, tout à fait capable d’appuyer sur le bouton. C’est l’une des raisons pour lesquelles les présidents de la République ont pris l’habitude, tous les cinq ans environ, de prononcer un grand discours sur la dissuasion. Exception française là encore : cela ne se fait nulle part ailleurs.

Une fois nommé, dans une salle protégée au sous-sol de l’hôtel de Matignon, le Premier ministre se voit présenter la posture des forces et la planification, ainsi que les dispositions à prendre au cas où il aurait à se substituer au président.

Jean Guisnel et Bruno Tertrais

Quel rôle pour le Premier ministre ?

L’autorité présidentielle sur la dissuasion ne peut souffrir de contestation. C’est aussi une question de crédibilité du système. Le « jeu » nucléaire est avant tout un « je » nucléaire, pour reprendre la formule de Jean Lacouture16. Dans ce domaine, le Premier ministre est l’obligé naturel du président — mais aussi son successeur potentiel. Une fois nommé, dans une salle protégée au sous-sol de l’hôtel de Matignon, il se voit présenter la posture des forces et la planification, ainsi que les dispositions à prendre au cas où il aurait à se substituer au président.

Son rôle propre est davantage celui d’un exécutant que d’un décideur, même s’il exerce des responsabilités de coordination interministérielle (programmes nucléaires, « contrôle gouvernemental », etc.). On a connu quelques exceptions telles que Michel Debré, par exemple, Jacques Chirac sous Giscard, ou Michel Rocard qui affirme être intervenu à trois reprises : en demandant, au printemps 1988, la suppression des objectifs est-allemands de la planification (« un tiers de nos cibles »17, selon lui) ; en militant pour la ratification du Traité de non-prolifération ; et en demandant la réduction d’un par an du nombre des essais conduits dans le Pacifique pour faciliter la gestion du dossier néo-calédonien dans le contexte de l’après-Greenpeace. Pierre Bérégovoy, pour sa part, a poussé François Mitterrand en 1992 à suspendre les essais nucléaires. Quant à Lionel Jospin, il a très directement participé à la révision « bipartisane » de la posture nucléaire française entre 1998 et 2001.

Les fondateurs de la Ve République n’avaient peut-être pas imaginé ce qui se passerait en cas d’opposition entre le président et le Premier ministre sur les questions nucléaires. Par deux fois, le locataire de Matignon a tenté de contester l’autorité présidentielle dans ce domaine ultraréservé. Entre 1986 et 1988, comme entre 1993 et 1995, Mitterrand va ainsi s’opposer aux idées et aux propositions programmatiques des hommes issus du gaullisme que sont Jacques Chirac et Édouard Balladur. C’est aussi pour cela qu’en 1997 Lionel Jospin se gardera de prendre de front le président Chirac sur ce sujet.

Par deux fois, le locataire de Matignon a tenté de contester l’autorité présidentielle dans ce domaine ultraréservé.

Jean Guisnel et Bruno Tertrais

Un Premier ministre a-t-il vraiment intérêt à pousser très loin l’affrontement avec le détenteur du pouvoir nucléaire ? Chirac, Balladur et Jospin ont tout de même dû se souvenir, à un moment ou à un autre, qu’ils n’avaient que de très minces capacités et pas davantage d’intérêt à créer un précédent, au cas où eux-mêmes accéderaient un jour à la magistrature suprême…

L’arme nucléaire et l’avenir de la Ve République

La Ve République, « monarchique » en 1958, a été « nucléarisée » au début des années 1960, par le biais de la coutume tout autant que du droit. L’équilibre constitutionnel entre les deux têtes de l’exécutif s’en est trouvé modifié. Samy Cohen évoquait ainsi une « constitution inadaptée à l’ère nucléaire », car « dyarchie et dissuasion ne font pas bon ménage »18. François Mitterrand, se référant d’ailleurs explicitement à l’expression « monarchie nucléaire », n’hésitait pas à s’interroger publiquement : « Je pose la question : il faudrait un commandement nucléaire, une Constitution presque nucléaire pour arriver à adapter les institutions civiles à cette formidable puissance ». Il ajoutait : « Il faut tenir avec beaucoup de fermeté sur cette prééminence du pouvoir civil […]. Il faut adapter nos modalités de commandement et améliorer nos communications, nos moyens de communication de telle sorte que le pouvoir n’échappe pas à l’autorité légitime »19.

Un Premier ministre a-t-il vraiment intérêt à pousser très loin l’affrontement avec le détenteur du pouvoir nucléaire ?

Jean Guisnel et Bruno Tertrais

Les inquiétudes respectives du politologue et du président ne semblent toutefois plus d’actualité. Comment expliquer, si elles étaient valides, que le système fonctionne sans anicroche majeure depuis plus d’un demi-siècle ? La monarchie nucléaire a passé — et avec quelle vigueur ! — l’épreuve des cohabitations. Le quinquennat a renforcé la prééminence du chef de l’État. Dans le même temps, la cohabitation de 1993-1995 et la controverse sur les essais qui l’a accompagnée ont sans doute vacciné les responsables politiques contre l’idée de donner davantage de pouvoirs aux Premiers ministres dans le domaine militaire : on ne sait jamais… Et ces derniers, qui envisagent souvent la conquête de l’Élysée, voudront le plus souvent dire leur mot sur cette question. Quant aux préoccupations de François Mitterrand, il faut les replacer dans le contexte de son époque : il était encore question d’utiliser l’arme nucléaire sur le théâtre européen, et les moyens de commandement et de communication étaient moins perfectionnés qu’ils le sont aujourd’hui. Le lien de confiance entre le pouvoir politique et l’armée est solide. En revanche, une éventuelle réflexion sur la nature même de nos institutions, et a fortiori un changement constitutionnel majeur (passage à un régime parlementaire), pourrait buter sur la question du pouvoir nucléaire… 

Sources
  1. Livre blanc sur la défense nationale, 1972, tome II, p. 2.
  2. Michel Debré, Trois Républiques pour une France, tome V : Combattre toujours, Paris, Albin Michel, 1994, p. 123.
  3. David Cumin, L’Arme nucléaire française devant le droit international, Lyon, université Jean-Moulin-Lyon-III, 2005, p. 27.
  4. Bernard Chantebout, « La dissuasion nucléaire et le pouvoir présidentiel », Pouvoirs, septembre 1986, n° 38, p. 22.
  5. Jacques Robert, « Libertés publiques et défense », Revue de droit public, septembre-octobre 1977.
  6. Archives privées des auteurs.
  7. Entretien avec le général (2S) Jean-Louis Georgelin, Paris, 8 juin 2015.
  8. Allocution devant le Centre des hautes études militaires, 27 janvier 1968.
  9. Cité in Alain Frerejean, Les Trois Vies de Georges Pompidou, monographie, archives personnelles de François-Xavier Ortoli, 2007, p. 33.
  10. Cité in Marcel Duval et Yves Le Baut, L’Arme nucléaire française : pourquoi et comment ?, Paris, SPM, 1992, p. 64.
  11. Conférence de presse du 24 septembre 1987.
  12. Interview à TF1, 29 novembre 1988.
  13. Intervention de M. François Mitterrand, président de la République, sur la politique de défense de la France et la dissuasion nucléaire, 5 mai 1994.
  14. Entretien avec le magazine Society, mars 2015.
  15. Cité in David Revault d’Allonnes, Les Guerres du président, Paris, Seuil, p. 169-170.
  16. Jean Lacouture, De Gaulle, tome III : Le Souverain, 1959-1970, Paris, Seuil, 1986, p. 452.
  17. Archives privées des auteurs.
  18. Samy Cohen, La Monarchie nucléaire. Les coulisses de la politique étrangère sous la Ve République, Paris, Hachette, 1986, p. 249.
  19. Conférence « Quelle défense pour la France ? », 8 février 1986.
Crédits
Ce texte reprend des extraits (pp. 161 à 169 et 289-290) du livre de Jean Guisnel et Bruno Tertrais Le Président et la Bombe. © Odile Jacob 2016