Depuis fin 2022, les attaques transfrontalières s’étaient largement limitées à des raids sporadiques, à quelques attaques de drones et à des bombardements de faible intensité. Réputée comme étant solidement protégée, la ville de Kharkiv (deuxième plus peuplée du pays), dans l’est de l’Ukraine, a depuis été relativement épargnée par les combats.

Vendredi 10 mai, l’armée russe a lancé une offensive dans le nord de l’oblast de Kharkiv, en direction de Volchansk et de la capitale de la région.

  • Au 13 mai, Moscou a capturé 126 km² de territoire, soit un rythme qui n’avait plus été observé depuis l’offensive ukrainienne de l’automne 2022.
  • En trois semaines seulement, les forces ukrainiennes étaient alors parvenues à reprendre 12 000 km² de territoire autour de Kharkiv.

L’état-major russe a mobilisé deux corps d’armée pour mener cette offensive, soit environ 35 000 combattants1. Les renseignements ukrainiens, qui étaient au courant de la concentration de forces russes en face de Kharkiv, estiment que Moscou « est prêt » à doubler le nombre de combattants dans ce secteur2. Kiev revendique également avoir été au courant du lancement de ces opérations, qui étaient « conformes au calendrier » dont l’armée ukrainienne avait connaissance3.

Si l’état-major ukrainien était au courant de cette offensive, qu’est-ce qui permet d’expliquer l’apparent effondrement des lignes de défense dans l’oblast de Kharkiv ?

  • L’abandon de positions défensives ukrainiennes existantes suggère des dysfonctionnements dans le commandement ukrainien et ses capacités à mobiliser et allouer des ressources.
  • Malgré l’existence de fortifications et de postes défensifs (dont certains étaient abandonnés4), la « zone grise » capturée par l’armée russe était jusqu’alors peu investie par l’armée ukrainienne car difficile à défendre.
  • Au-delà des tranchées, postes d’observation et autres infrastructures, il semble que ce secteur n’avait pas été préalablement miné pour ralentir la progression des véhicules — ce qui explique cette avancée si rapide5.

Malgré cette victoire tactique russe, il semble pour l’heure peu probable que Moscou soit en mesure de sérieusement menacer Kharkiv. L’armée russe pourrait néanmoins s’établir suffisamment dans cette zone grise pour que la ville se trouve à portée d’artillerie, ce qui représenterait un risque accru pour les populations civiles et les infrastructures. Le gouverneur de l’oblast de Kharkiv a déclaré dans la matinée du 14 mai que plus de 7 000 personnes avaient d’ores et déjà été évacuées6.