- La question est épineuse : outre la difficulté de collecter des informations sur le positionnement de la population russe vis-à-vis de certains sujets via l’intermédiaire de sondages, se pose également la question de l’analyse même des résultats de ces derniers. Afin d’esquisser une image du positionnement des Russes et de leur perception de la guerre et de ses conséquences, nous nous baserons à la fois sur des données issues d’un institut de sondage indépendant ainsi que sur des données économiques.
- Selon le Levada Center — la référence à l’international lorsqu’il est question de sondages portant sur la population russe —, la côte de popularité de Poutine a bondi entre janvier et mars 2022, passant de 69 à 83 %, retournant ainsi à ses niveaux de 2017. Cette évolution est similaire au taux d’approbation du gouvernement russe, qui est passé de 53 à 70 % sur la même période.
- Cependant, la confiance accordée à Vladimir Poutine est quant à elle en baisse de 8 % sur la période mai-juin 2022, passant de 43 à 35 %. Les tenants de deux postes stratégiques au sein du gouvernement russe, Sergueï Lavrov (Affaires étrangères) et Sergueï Choïgou (Défense), ont quant à eux légèrement progressé en termes de confiance accordée, passant respectivement de 15 à 18 % et de 16 à 17 %.
- La population russe semble toujours soutenir l’action militaire, bien qu’un peu moins en comparaison avec le mois de mars. On observe toutefois que ce soutien est beaucoup plus marqué parmi la population la plus âgée : 61 % des Russes ayant 55 ans ou plus déclarent soutenir la guerre, contre seulement 26 % pour le groupe des 18-24 ans1.
- En ce qui concerne les sanctions, dont l’impact est visible sur l’économie russe, c’est principalement la classe moyenne supérieure vivant dans les villes qui en ressent les effets. Avec le départ de plus de 1 000 entreprises étrangères de Russie depuis le début du conflit selon l’École de management de Yale, les habitudes de consommation des habitants des grandes villes, comme Moscou ou Saint-Pétersbourg, ont été complètement chamboulées2.
- Près d’un moscovite sur deux se dit être inquiet voire très inquiet des sanctions politiques et économiques occidentales — ceux qui se disent n’être pas inquiet du tout représentent toutefois la frange la plus importante des sondés, avec 31 % au mois de juin. L’impossibilité de consommer chez des grandes marques comme Ikea, Apple ou McDonald’s figure en tête des inquiétudes3.
- Hier, Gennady Gatilov, le représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies, confiait au Financial Times que « plus le conflit se poursuit, plus il sera difficile d’avoir une solution diplomatique », prévenant ainsi que le Kremlin anticipe une guerre longue4. En se basant sur les données exposées ci-dessus, il semble qu’en dépit des condamnations, des sanctions internationales et des victimes directes de la guerre en Ukraine, le gouvernement et les hommes politiques russes disposent toujours d’un soutien important de leur population.
- La réduction du nombre de visas octroyés à des touristes russes par la Finlande le 1er septembre prochain, venant s’ajouter à une interdiction complète de la délivrance de nouveaux visas aux citoyens russes par la Lettonie, la Lituanie et la Pologne depuis le début du conflit, pourrait cependant renforcer le sentiment d’isolement5. En raison des sanctions européennes, les touristes russes avaient pris pour habitude de transiter par la Finlande pour se rendre dans d’autres pays européens — ce qui sera plus difficilement possible d’ici dix jours.
Sources
- Conflict with Ukraine, July 2022, Levada Center, 17 août 2022.
- « Over 1,000 Companies Have Curtailed Operations in Russia—But Some Remain », Yale School of Management, 22 août 2022.
- Western sanctions ; Moscow poll, Levada Center, 17 août 2022.
- Henry Foy, « Top Russian diplomat dismisses hopes of negotiated end to Ukraine war », The Financial Times, 21 août 2022.
- Foreign Ministry to cut visa application appointments in Russia by half, Ministère finlandais des Affaires étrangères, 17 août 2022.