- Gustavo Petro, ancien maire de Bogota et candidat à l’élection présidentielle du Pacto Histórico, a annulé sa tournée électorale dans la région du Eje Cafetero (le Triangle du Café), prévue les 3 et 4 mai, en raison de la menace d’une éventuelle tentative d’assassinat. L’information a été rendue publique dans une déclaration à la nation signée par Gustavo Petro lui-même, dans laquelle celui-ci assure qu’il dispose d’informations hautement crédibles, vérifiées par l’équipe d’analyse et d’investigation de sa campagne, selon lesquelles le groupe « La Cordillera » préparerait une attaque contre lui.
- « La Cordillera » est une organisation criminelle paramilitaire, basée à Dosquebradas, qui opère dans les zones rurales du département de Nariño. Essentiellement constituée de tueurs à gage et de trafiquants de drogue, cette organisation était déjà connue en Colombie pour avoir commis des homicides et tenté d’intimider des personnalités politiques par le biais de menaces. Un des crimes emblématiques de cette organisation fût l’attaque le 5 mai 2021 visant Lucas Villa Vásquez, un militant étudiant, qui décéda 6 jours plus tard à l’hôpital.
- Ces menaces ne constituent pas une nouveauté en Colombie qui a connu de nombreux magnicides dans son histoire, comme celui de Carlos Pizarro, ancien dirigeant du 19-M — mouvement de guérilla sociale-démocrate apparue après les élections présidentielles de 1970 et opérationnelle jusqu’en 1990, date à laquelle elle s’est transformée en un mouvement politique —, assassiné pendant sa campagne alors que celui-ci était également candidat à la présidentielle. D’autres personnalités publiques ont également fait l’objet de telles menaces comme Luis Carlos Galán, Bernardo Jaramillo Ossa ou bien Álvaro Gómez.
- Cette situation s’inscrit dans un contexte difficile marqué par l’imminence des élections présidentielles en Colombie, qui se tiendront le 29 mai prochain. Depuis les élections législatives du 13 mars dernier, Gustavo Petro bénéficie d’un soutien populaire massif. Toutefois, ce large soutien suscite la suspicion dans de nombreux milieux où l’on craint qu’un candidat ouvertement de gauche puisse devenir président d’un pays qui, jusqu’ici, se caractérise par la prédominance de gouvernements libéraux et conservateurs.
- Petro n’est pas inconnu de ces pratiques puisqu’il a rejoint le M-19 à la fin des années 1970, et beaucoup de ses anciens camarades ont été victimes de menaces, voire d’assassinats depuis. Cette réalité est encore bien présente puisque, selon l’Institut d’études pour le développement et la paix (Indepaz), 59 personnalités politiques ont été assassinées depuis le début de l’année1. Ainsi, comme l’a souligné Sergio Fajardo, le leader de la coalition du centre, une menace de mort ne doit pas être prise à la légère en Colombie, comme a pu le faire le candidat aux élections présidentielles en Colombie Fico Gutiérrez sur ses réseaux sociaux2.
- La police nationale a indiqué qu’elle ne disposait pas à ce stade d’informations suffisantes pour vérifier la véracité du communiqué de Petro. La menace a été transmise au procureur de la République qui se prononcera prochainement sur le sérieux de la menace. Alfonso Prada, le « chef du débat » au sein du cabinet de Gustavo Petro, a exprimé quant à lui son optimisme en réaffirmant la volonté du Pacto Histórico de gagner les élections en conservant la paix sociale, et en s’appuyant sur un large soutien populaire.
Sources
- Instituto de estudios para el dessarrollo y la paz, Lideres sociales, defensores de DD.HH y formantes de acuerdo asesinados en 2022, 24 avril 2022.
- Adriaan Alsema, « Citing assassination plot, frontrunner in Colombia’s election race suspends rallies », Colombia Reports, 3 mai 2022.