- Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? Produit à partir de l’hydrolyse de l’eau et généré au moyen d’une énergie provenant de sources renouvelables – d’où l’adjectif “vert” –, l’hydrogène vert est un carburant propre, tout comme le déchet qu’il génère (l’eau). Il serait l’une des alternatives technologiques de la transition énergétique, à condition qu’il soit effectivement “vert”. Les ressources nécessaires à sa production ? Les sources d’énergie renouvelables (dans ce cas, le vent) et l’eau, toutes deux abondantes dans la Sierra Grande, Rio Negro. L’hydrogène vert est voué à la mobilité : les voitures (les voitures à pile à combustible présentent des avantages structurels par rapport aux voitures à batterie au lithium) et, à terme, les avions, les bateaux et les trains peuvent fonctionner grâce à lui. Dans les années à venir, le Chili (le grand leader de l’hydrogène en Amérique latine), l’Australie, le Canada, l’Argentine et les pays du Moyen-Orient devraient devenir les grands exportateurs, face à l’Union européenne, le Japon et la Corée du Sud, les principaux importateurs.
- Qui est Fortescue ? Andrew Forrest, fondateur et président de Fortescue Metals Group, est le deuxième homme le plus riche d’Australie. La société, dont FFI fait partie en tant que filiale, est l’un des leaders du complexe minier australien et le quatrième producteur mondial de minerai de fer. La société est également propriétaire de Argentina Minera, qui détient 48 concessions minières d’or et de cuivre dans la province de San Juan, dans la Cordillère des Andes. Forrest s’est récemment autoproclamé leader de la transition énergétique dans un entretien accordé au Financial Times, dans lequel il a critiqué l’hydrogène et le gaz bleu comme carburant de transition : “ils ne font rien pour réduire les émissions de GES”. Forrest a réussi à convaincre Agustín Pichot, ancien capitaine et figure incontournable de l’équipe d’Argentine de rugby à XV 1, de prendre la présidence de FFI pour l’Amérique latine et d’agir en tant qu’intermédiaire avec le gouvernement argentin.
- Le projet Pampa figure parmi les cinq principaux projets de la société. La phase pilote fera l’objet d’un investissement de 1,2 milliard de dollars entre 2022 et 2024 et une première phase de production de 7,2 milliards de dollars. L’importance de l’investissement est évidente : en septembre 2021, les exportations argentines ont représenté 7,552 milliards de dollars.
- Selon le gouvernement, le projet devrait créer 15 000 emplois directs et entre 40 et 50 000 emplois indirects. L’objectif est de faire de la province de Río Negro un “centre mondial d’exportation d’hydrogène vert d’ici 2030”. Le projet permettrait de produire environ 2,2 millions de tonnes par an en mobilisant 2 000 MW d’énergie éolienne (soit 72 % de la production actuelle à l’échelle nationale d’énergie éolienne), une quantité qui suffirait à alimenter 10 % de la consommation d’électricité de l’Allemagne.
- La Patagonie constitue le cœur énergétique de l’Argentine, les principaux parcs éoliens se localisant dans les provinces de Chubut, Santa Cruz, Río Negro et Neuquén. La province de Río Negro dispose déjà d’un plan stratégique pour l’hydrogène vert qui comprend une étude de préfaisabilité. Cette étude identifie l’Allemagne et le Japon comme les principaux marchés cibles, avec l’amélioration du compte courant délicat du pays en tête. Or cela implique une consommation de ces carburants propres à l’extérieur des frontières du pays : ces émissions plus faibles ne seront alors pas comptabilisées en Argentine. La consommation intensive des ressources que constituent les vastes surfaces nécessaires aux éoliennes, ainsi que l’eau utilisée pour l’électrolyse industrielle, alimentera la transition énergétique d’autres pays. À ce constat s’ajoute la prévision de l’étude de préfaisabilité commandée par le gouvernement de la province d’installer les éoliennes et l’usine d’hydrolyse dans une zone provinciale protégée, fait dénoncé par des organisations de la société civile.
- Le projet Pampa permettrait de surmonter les tensions entre les questions énergétiques (sous la tutelle du Ministère de l’Économie) et environnementales. Il fait partie du plan de développement productif vert lancé par le ministre de Développement productif Kulfas, qui comprend un nouveau cadre réglementaire pour l’hydrogène, la validité de celui établi par la loi 26.123 expirant en 2021. Ce plan se concentre également sur l’électromobilité, l’économie circulaire, l’exploitation du lithium et les énergies renouvelables.
- Le principal débat entre le Ministère de l’Économie (et de l’énergie) et celui de l’Environnement porte sur les modèles de développement du pays. Le premier défend la nécessité d’augmenter les exportations pour garantir la viabilité macroéconomique et payer ainsi la dette par le biais de projets tels que l’installation de mégaporcheries dans le Chaco, l’une des provinces où le taux de déforestation est le plus élevé (ce projet a été modifié par la suite). Le deuxième défend des plans inscrits dans les engagements internationaux signés en matière de changement climatique, de biodiversité et, à partir de l’entrée en vigueur de l’accord d’Escazú en 2021, de participation citoyenne, ayant motivé d’ailleurs la suspension des délais d’évaluation des projets d’exploitation offshore en mer d’Argentine en raison du manque d’informations.
- Face à cette tension, si l’Argentine n’a pas pu présenter une stratégie nationale à long terme à Glasgow (promise par le président Fernández lors du sommet des dirigeants en août), le Ministère de l’Économie a quant à lui exposé un plan de transition énergétique pour 2030 avec le gaz comme combustible de transition, comprenant la construction de plusieurs gazoducs (qui pourraient devenir dans quelques années des standed assets) et d’énormes incitations fiscales pour l’exploitation de réserves non conventionnelles à Vaca Muerta et au large des côtes argentines.
- La société civile a exprimé ses doutes quant aux montants définitifs des investissements, compte tenu de la réglementation actuelle des taux de change. Les restrictions à la mobilité des capitaux, mises en œuvre dans un contexte de crise du taux de change et de la dette, découragent les investissements étrangers étant donné les difficultés que cela implique pour transférer les dividendes. En outre, des plans d’affaires compatibles avec la participation des citoyens et les évaluations d’impact environnemental devront être présentés pour que les projets soient approuvés. Enfin, il reste à connaître les chaînes de production locales mobilisées par le projet afin de confirmer son impact économique positif sur le développement local. Toutefois, qu’une entreprise multinationale ait décidé de mener des projets neutres en carbone dans les Suds peut être interprété comme un signal positif, sachant que ceux-ci se limitent généralement aux pays de leurs sociétés mères.