• L’annonce a été faite lors d’une conférence de presse en présence de parlementaires et des principaux dirigeants politiques du pays. Il s’agit du résultat de plusieurs années de rapprochement entre l’Uruguay et le géant asiatique, ainsi que de tensions internes au sein d’un Mercosur souffrant de profonds dysfonctionnements. La matérialisation de cet accord pourrait bel et bien mener le bloc vers une crise difficile à résoudre. 
  • L’annonce fait suite à la réception d’une « réponse formelle » par lettre du gouvernement chinois dans le but d’avancer vers des négociations qui mèneront à la signature d’un accord avec l’Uruguay. Lacalle Pou n’a pas communiqué la signature de l’accord avec la Chine — dont il n’existe même pas de brouillon à ce stade — mais le début d’une étude de préfaisabilité (ou étude d’impact). Les études de préfaisabilité ou d’impact constituent la première étape concrète dans l’élaboration d’accords de libre-échange. Le document pourrait être prêt d’ici fin 2021, ou dans un an au plus tard, et devrait énumérer les conditions générales de l’accord, les compensations éventuelles à mettre en place et les bénéfices attendus.
  • Cette annonce fait polémique : les négociations avec un pays tiers du Mercosur devraient se faire « en bloc » — et non de manière unilatérale — et par consensus avec les États membres selon la « Décision 32/00 » du Conseil du Marché Commun (CMC) qui « réaffirme la volonté des États membres de négocier conjointement des accords à caractère commercial avec des pays tiers »1. La flexibilisation du bloc est une promesse de campagne de Lacalle Pou, et cet accord avec la Chine arrive après plusieurs années d’approfondissement des relations entre les deux pays.
  • Depuis 2013, la Chine est la principale destination d’exportations pour les produits uruguayens, représentant environ 30 % du volume total. Par ailleurs, en octobre 2016, l’ancien président Tabaré Vazquez avait fait une visite d’État en Chine, au cours de laquelle il avait signé 16 accords de coopération, et s’était engagé à mener les études nécessaires pour évaluer la faisabilité d’un accord avec la Chine.
  • En 2017, le gouvernement uruguayen avait commandé une étude technique sur la portée juridique de la célèbre « Décision 32/00 » du CMC. Les résultats de cette étude seraient concluants : l’Uruguay ainsi que les autres États membres n’auraient pas intégré cette Décision dans l’ordre juridique de leurs pays respectifs. Cela est dû à une omission au moment d’inclure « l’indication relative à la non nécessité d’incorporation, tels qu’ils sont établis par les mécanismes d’adoption de normes au sein du bloc »2. La Décision ne serait pas en vigueur selon cette interprétation, et aurait dû, dans tous les cas, être approuvée par le Parlement.
  • Alors que l’Uruguay avait déjà conclu des accords bilatéraux avec le Mexique (2003) et le Chili (2016) auparavant, les Uruguayens mettent ainsi une fois de plus en évidence les faiblesses et les tensions du bloc, qui n’a toujours pas réussi à devenir une véritable zone de libre-échange, et encore moins une union douanière. Le Mercosur est en effet rempli de « perforations » telles que la zone franche de Manaus au Brésil ou celle de Terre de Feu en Argentine, les « Lignes Nationales d’Exception » (LNE) au Tarif Extérieur Commun (TEC) ou encore les régimes spéciaux d’importation de matières premières et de biens d’équipements hors zone. De même, les secteurs de l’automobile et de la production sucrière sont exclus.
Sources
  1. Marché commun du Sud (MERCOSUR), « Décision n°32/00 ».
  2. Martín Natalevich, « Gobierno concluyó que puede negociar por fuera del Mercosur », El Observador, 3 mars 2018.