• L’Infrastructure Investment and Jobs Act est un projet phare de Joe Biden qu’il a porté dès son annonce de candidature pour l’investiture du Parti démocrate en 2020. Dans sa forme initiale, le plan d’investissement massif (intitulé American Jobs Plan) devait injecter 2650 milliards de dollars dans les infrastructures vieillissantes du pays (voies ferrées, autoroutes, ponts, aéroports…) au cours des huit prochaines années. Il a également pour but de créer des emplois et de relancer l’économie, le PIB américain ayant connu une croissance négative en 2020 (comme tous les pays, à l’exception de la Chine) en raison de la crise du Covid-19.
  • Le président démocrate joue gros. Hier, dans l’après-midi, le Sénat a voté un plan bipartisan qui n’a toutefois retenu que 550 milliards de dollars (de nouvelles dépenses, soit environ 1200 milliards en tout) sur les plus de 2600 milliards initiaux. Cette première étape marque néanmoins une victoire pour Joe Biden, puisque malgré l’exclusion de certains postes de dépenses (logements, écoles, énergies vertes…), 20 sénateurs républicains ont fait défection à la ligne du GOP et ont voté pour, permettant au texte d’être adopté à 69 voix contre 30.
  • La prochaine étape pour cet accord bipartisan se trouve dans la chambre basse du Congrès américain, la Chambre des représentants, où il sera discuté à partir de la fin du mois d’août. Rien n’est gagné d’avance puisque le camp démocrate y est divisé, l’aile gauche veut notamment plus d’investissements dans ce qu’ils appellent les « infrastructures humaines », visant à réduire les inégalités très fortes aux États-Unis.
  • Les membres qui composent le Congressional Progressive Caucus — un groupe parlementaire de la Chambre rassemblant 96 sièges sur les 220 qui constituent la majorité démocrate — représentent le frein le plus important. Pramila Jayapal, membre démocrate de la Chambre, a déclaré que « le projet de loi bipartisan ne sera adopté que si un ensemble d’infrastructures sociales, humaines et climatiques — reflétant les priorités démocrates de longue date — est adopté simultanément par réconciliation budgétaire »1.
  • Cet « ensemble d’infrastructures sociales, humaines et climatiques » est compris dans le plan de 3500 milliards de dollars annoncé par Biden en mars dernier. Tôt ce matin, une grande avancée a été faite de ce côté puisqu’un vote à 50 voix contre 49 au Sénat a conduit à l’adoption d’un cadre budgétaire nécessaire au vote d’une loi complète de dépense, prévu pour cet automne. Ce vote débloque le procédé dit de « réconciliation », qui permettrait aux sénateurs démocrates d’outrepasser le filibuster républicain (technique d’obstruction parlementaire) tant décrié.
  • Si le plan était voté dans sa totalité, il serait le plus important projet d’investissement de l’histoire des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Biden joue à la fois sa crédibilité à mener à terme un projet central dans son mandat, il se mesure également en un sens à l’héritage du New Deal de Roosevelt (duquel il se place comme l’héritier)2, et met en jeu sa capacité à créer un consensus bipartisan, conformément à son idéal, alors qu’il déclarait encore hier dans une conférence de presse « there are no Republican bridges or Democratic roads »3.
  • L’enjeu est crucial pour les Démocrates, à l’approche des élections de mi-mandat (prévues pour novembre 2022) qui renouvelleront pour une durée de 6 ans 34 des 100 sièges qui composent le Sénat, ainsi que la totalité des 435 sièges de la Chambre des représentants. Si l’échéance semble lointaine, il convient de prendre en considération la durée d’un tel processus législatif qui constitue — du moins jusqu’à maintenant — l’enjeu de politique intérieure le plus important pour Joe Biden.