Le nouveau président iranien est Ebrahim Raïssi, 60 ans, chef du pouvoir judiciaire, ancien candidat malheureux aux élections de 2017, élu avec 62 % des voix au premier tour des élections présidentielles, avec 18 millions de voix. Mohsen Rezai, conservateur également, a reçu 3,3 millions de voix. Abdolnasser Hemmati, directeur de la Banque centrale, 2,4 millions. Par comparaison, Hassan Rouhani avait obtenu 23 millions de votes en 2017, lors de sa réélection.

Ebrahim Raïssi est un clerc ultraconservateur, qui était auparavant directement de la très puissante fondation religieuse Astan-é Qods-é Razavi, dont la fonction principale est la gestion du mausolée du 8ème Imam chiite, l’Imam Reza, qui est le seul des douze imams du chiisme duodécimain enterré sur le sol iranien, dans la ville de Mashhad, au Nord-Est du pays. Cette fondation religieuse dispose d’un pouvoir économique et politique qui excède considérablement sa fonction originelle.

Il s’agit de la première élection présidentielle verrouillée de façon aussi claire et assumée par le pouvoir politique iranien. Pour ne donner qu’un exemple, Ali Larijani, président du Parlement iranien, ancien directeur de la télévision et radio nationale iranienne, ancien sécrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, membre d’une famille révolutionnaire très puissante, a été écarté par le Conseil des Gardiens.

Paradoxalement, on pourrait néanmoins considérer que, puisque l’élection de Raïssi renforce l’unité entre le gouvernement iranien et le Guide, les négociations sur le nucléaire iranien pourraient avancer plus rapidement que prévu. En effet, par le passé, les dissensions entre le gouvernement et le Guide avaient fragilisé la position iranienne, chaque courant politique craignant que l’avancée des négociations favorise un courant adverse. Le nouveau gouvernement, lors des négociations à venir, ne pourra plus être critiqué par les ultraconservateurs des rangs desquels il est issu, ni par les modérés, qui ont été  marginalisés politiquement et qui soutiennent de toute façon le JCPOA. 

Néanmoins, la République islamique va désormais faire face à deux difficultés majeures : 

  1. Premièrement, alors que les hauts taux de participation électorale ont toujours été brandis par les dirigeants iraniens comme des preuves de la légitimité de la République islamique, cette élection déterminée à l’avance, avec un candidat choisi par le pouvoir et des opposants peu crédibles, a été marquée par un taux d’abstention historique de 52 % et 5 millions de votes blancs, en dépit d’une campagne très active d’incitation au vote (SMS envoyés à l’ensemble des électeurs quelques heures avant la clôture du scrutin, entre autres). Par comparaison, la participation à l’élection de 2017, s’était élevée à 73 %. 
  2. Deuxièmement, comme le remarque Esfandyar Batmanghelidj, l’élection de Raïssi risque de limiter les effets économiques d’une éventuelle levée des sanctions. En effet, quand les sanctions avaient été levées en 2015, c’était à la suite de deux années de présidence de Rouhani, perçu positivement par la communauté internationale. L’enthousiasme de 2015 et la ruée d’entreprises en Iran est beaucoup plus difficile à imaginer à la suite d’élections ostensiblement truquées qui placent à la tête du pays un président perçu comme un refus d’ouverture du pays et responsable d’innombrables violations des droits de l’homme. 

Rétrospectivement, il semble donc que la politique de Donald Trump vis-à-vis de l’Iran ait contribué à rendre impossible la politique d’ouverture relative du pays qu’incarnait Hassan Rouhani. Acculer la République islamique par des sanctions a naturellement favorisé une centralisation extrême du pouvoir dont la société civile iranienne sera la première victime.