Pékin. Le 22 avril, le petit groupe dirigeant de lutte contre le Covid-19 s’est réuni à Pékin1, Li Keqiang a dirigé la réunion. Le communiqué reprend les éléments de langage déterminés lors de la précédente réunion du politburo2. Il note toutefois qu’un « foyer épidémique » s’est développé dans « certaines parties du pays » ainsi que des cas de contamination dans des hôpitaux (en référence à la situation dans le Nord-Est du Pays3). Les autorités ont demandé l’envoi d’équipes sur place pour prendre la situation en main ou du moins assister les efforts de lutte contre la transmission du virus. La seconde partie du communiqué est consacrée au besoin de renforcer les mesures en matière de test, pour les réaliser de manière plus systématique et les rendre plus accessibles.

Dans le Nord-Est la situation n’est pas claire. Le 25 avril, Jiemian rapportait cinq nouveaux cas dans la province du Heilongjiang, deux à Harbin et trois Mudanjiang4. Les cas à Harbin sont liés à l’hôpital universitaire n°1 de la ville. ReferenceNews rapporte qu’à Harbin, une personne en a contaminé 80 autres à l’hôpital n°1. A Mudanjiang, il s’agirait de cas asymptomatiques importés.5 Le 25 avril à minuit, 549 cas ont été enregistrés dans la province. Il reste 66 cas confirmés (60 à Harbin, 5 à Mudanjiang et 1 à Daqing) le reste étant soigné. Les autorités annoncent suivre près de 18.000 personnes. Le 25 avril, les autorités annonçaient 11 nouveaux cas dans tout le pays (en comptant les 5 nouveaux cas du Heilongjiang).

Le 22 avril, les autorités ont également annoncé l’envoie du groupe central dirigeant (中央指导组)  à la « frontière Sud-Ouest », dans le Yunnan6. Si aucun cas n’a été confirmé ou publié dans le Yunnan, cette région montagneuse et reculée est difficile à surveiller et les frontières sont relativement poreuses, notamment avec la Birmanie et le Laos voisin. L’article ne précise pas si l’arrivée du groupe dirigeant répond à une crise particulière. Il semble néanmoins que le besoin de renfort ait été exprimé pour qu’une telle mesure soit prise.

Stabilité économique  

Le 17 avril, le Comité permanent du Politburo s’est réuni à Pékin7 pour discuter des priorités et mesures à prendre pour garantir la stabilité du pays. En effet, si l’épidémie est globalement sous contrôle en Chine, les risques n’ont pas disparus. C’est toutefois la situation économique qui préoccupe le plus les dirigeants centraux du Parti. Les autorités ont introduit le concept des « six garanties ». Ces six garanties sont les suivantes : garantir l’emploi (保居民就业) ; garantir le niveau de vie fondamental (保基本民生), garantir les entités de marché (保市场主体 – les entreprises « privées » ), garantir la sécurité alimentaire et énergétique (保粮食能源安全), garantir la stabilité de la supply chain (保产业链供应链稳定) et enfin s’assurer du bon fonctionnement des institutions locales (保基层运转 – jiceng signifie grassroots en anglais, il s’agit donc des échelons les plus bas de l’administration : comité de quartier, grid management, etc.) Xinhua propose une exégèse de cette nouvelle formulation et explique qu’elle intervient alors que la situation et la pression économique que subit la Chine est « sans précédent » (前所未有).8 Les six garanties ne remplacent pas les six stabilités, dont nous avions déjà parlé dans nos colonnes9 – pour rappel les « six stabilités » (六稳) correspondent à : emploi, finance, commerce extérieur, investissements extérieurs, investissements et confiance. La signification des « six garanties » fait toutefois l’objet de débat comme l’explique Caixin10. Les économistes sont en effet divisés sur l’opportunité de conserver les objectifs de croissance pour l’année 2020, les « six garanties » constituant alors une « ligne basse ». Certains chercheurs, comme Lu Ting (陆挺 – Nomura Securities) ou encore Wang Tao (王涛 – UBS) appellent à se concentrer sur les garanties. Au contraire, Liu Yuanchun (刘元春 – Université du Peuple) juge opportun le maintien des objectifs, car les « garanties » sont difficilement chiffrables et risquent de faire baisser l’efficacité des gouvernements locaux. 

Cette nouvelle rhétorique, et plus largement les communiqués du Politburo, indiquent que le gouvernement est profondément préoccupé par la crise et en particulier les risques d’explosion du chômage, qui peut avoir un impact important sur la stabilité politique. Les économistes interrogés par Caixin soulignent également le risque croissant du chômage. A ce titre, Caixin s’est intéressé à la base de la demande de travail (des entreprises) et la baisse des candidatures des employés, en baisse de 22.6 % et 9.4 %11. Le CEIR (中国就业市场景气指数 – China Employment Market Index) est le ratio entre la demande et le nombre de candidatures pour des emplois. Ce chiffre est passé à 1.43, par rapport à 1.68 l’année dernière. En mars, le ratio est désormais tombé à 1.03, un record historique. Les étudiants nouvellement diplômés sont particulièrement touchés. Dans un second article, Caixin publie un reportage sur les travailleurs du textile originaires du Hubei qui retournent travailler dans le Guangdong12. Ces travailleurs qui ont choisi de quitter le Hubei dès que la quarantaine a été levée. Si auparavant ils gagnaient jusqu’à 500 CNY par jour, aujourd’hui les meilleurs ouvriers peuvent gagner 300 CNY, en cause : la baisse de la demande. Mais les difficultés s’accumulent et Caixin explique qu’un certain nombre d’ouvriers ont décidé de rentrer et de recommencer une activité dans leur ville natale.

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Par ailleurs, la crise met sous pression les finances publiques chinoises. Selon Xinhua13 et Caixin14, le ministère chinois des finances a déclaré qu’il procéderait à une nouvelle allocation anticipée de quotas d’obligations à but spécial (SPB) pour 2020 d’une valeur de 1 000 milliards de yuans (141,4 milliards de dollars) aux gouvernements locaux. Les perturbations de l’activité économique ayant réduit les recettes publiques, qui sont utilisées pour les plans de sauvetage et de relance, les décideurs politiques ont décidé de tolérer une augmentation de la dette afin de générer plus de puissance de feu pour une reprise… En mars, les recettes fiscales de la Chine ont chuté de 26,1 % en glissement annuel, plus que la baisse de 21,4 % de février, et la plus forte chute des données disponibles remonte à 1996, selon les données officielles.

Crédits
Ce texte est un extrait du nr. 59 du Passe Muraille, une revue de presse hebdomadaire de l'actualité chinoise. Constitué à partir de sources originales traduites et contextualisées, c’est le seul compte rendu francophone, gratuit, consacré à l'actualité du monde sinophone : https://eastisred.fr/passe-muraille-n59-semaine-du-20-avril/