Depuis le début de l’épidémie, et surtout au fur et à mesure que le  confinement a été décrété à travers le monde, divers acteurs et actrices ont signalé les risques encourus par la population féminine dans ce contexte tout à fait particulier. La presse (française et internationale) a notamment relevé trois points : une sensible augmentation des violences conjugales depuis le 17 mars ; la part de femmes dans la fonction publique hospitalière (78 %) et donc l’exposition de celles-ci au virus ; la difficulté de l’accès à l’IVG dans un contexte d’urgence sanitaire. Or ces questions ont le plus souvent été traitées de façon indépendante. Si certains forums proposent une lecture féministe de la pandémie, ils peinent souvent à inscrire celle-ci dans une perspective plus large sur le pouvoir public et la prise de décisions.

Il s’agit, bien entendu, d’une situation inédite ; or ce n’est pas pour autant que l’on doit la désinscrire d’une vision plus large du politique ou laisser de côté un certain nombre d’outils théoriques qui s’avèrent habituellement éclairants pour penser les dynamiques à l’œuvre dans nos sociétés.

Dans Only Paradoxes to Offer : French Feminists and the Rights of Man (1996), l’historienne états-unienne Joan Wallach Scott constate la coexistence de deux universalismes contradictoires dans le discours républicain français, celui de l’individualisme abstrait et celui de la différence sexuelle. Les féministes françaises, dont elle étudie le parcours depuis la Révolution, doivent lutter contre la discrimination en contestant la différence des sexes – en prônant donc un universalisme du citoyen abstrait –, alors même que ladite discrimination est fondée sur l’attribution, en fonction de leur sexe, « de caractéristiques de groupe à des individus biologiquement féminins  »1. Le paradoxe, qui est pour Scott intrinsèque au féminisme français, réside dans l’impossibilité pour ces actrices historiques – quatre, dans son livre – de poser cette question de la différence des sexes pour contester la discrimination sans reproduire les termes dans lesquels elle a été formulée.

Or ce paradoxe, explique-t-elle, reflète en réalité «  les contradictions des théories et des pratiques de la représentation démocratique  »2, et est donc inhérent au contexte discursif dans lequel la pensée féministe est produite et où les revendications sont formulées. Ces contradictions finissent par faire prévaloir l’universalisme de la différence sexuelle : en effet, pour Scott, l’individu abstrait, sujet de droit naturel que le républicanisme veut «  neutre  » ou «  indifférencié  », est en réalité masculin.

Il va sans dire que la teneur de ces contradictions n’est pas la même en 2020 qu’en 1789 ou qu’en 1848. Néanmoins, la question de la masculinité présupposée mais niée, cachée ou inconsciente de l’individu abstrait sujet de droits reste un prisme intéressant pour saisir un certain nombre de problématiques liées au genre nées de la pandémie du Covid-19. Inversement, les altérations dans les rapports sociaux et, plus largement, dans le fonctionnement de la société depuis le début du confinement permettent de rendre compte de la pertinence de la thèse de Scott pour analyser le façonnement de la politique au-delà (ou en-deçà, peut-être) du contexte d’urgence sanitaire. 

La question de la masculinité présupposée mais niée, cachée ou inconsciente de l’individu abstrait sujet de droits reste un prisme intéressant pour saisir un certain nombre de problématiques liées au genre nées de la pandémie du Covid-19.

Julia de Ípola

Par la mise en avant de dix sujets de discussion, nous voudrions avancer deux idées centrales. Tout d’abord, la prise de décisions dans le cadre de l’épidémie ne tient pas suffisamment compte – ou ne le fait que dans un deuxième moment – des difficultés auxquelles les femmes se voient spécifiquement confrontées dans un contexte de confinement. Il est clair – et cela a souvent été remarqué – que cette question se conjugue, entre autres, avec celle de la classe sociale, qui joue un rôle déterminant dans les conditions, voire même dans la possibilité, du confinement. D’autre part, un certain nombre de problématiques traditionnellement mises en avant par la population féminine – et par les mouvements féministes en particulier – apparaissent dans toute leur évidence lorsqu’elles touchent, désormais, l’ensemble de la société.

Ces questions sont aisément identifiables en France (et c’est bien dans ce cadre national que réfléchit Scott), mais elles se manifestent aussi ailleurs et présentent, dans les pays en développement, où l’on sait que la condition des femmes est souvent loin d’être optimale, un certain nombre de particularités. Nous aurons donc recours à des exemples du traitement de ces problématiques en France mais aussi en Amérique latine, et notamment en Argentine, le premier des pays latino-américains à avoir décrété un confinement strict de sa population et, par ailleurs, un chef de file du mouvement féministe dans la région.

1 – Vulnérabilité.s

La pandémie est certainement avant tout une situation de crise sanitaire. La question se pose donc d’abord de protéger les populations les plus vulnérables au virus. Et, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé, si le Covid-19 «  infecte des personnes de tous les âges  »3, les données semblent indiquer que les gens âgés de plus de soixante ans et ceux présentant des maladies associées (maladies cardiovasculaires, diabètes, problèmes respiratoires, etc.) sont plus enclins à développer des symptômes sévères lorsque touchés par le virus. Il apparaît aussi dans certains pays que le taux de mortalité est plus important pour les hommes que pour les femmes, mais les spécialistes ont encore du mal à dégager la signification médicale de cette statistique.

Le confinement apparaît donc comme une réponse radicale à la vulnérabilité physique de la population face à l’épidémie. Or le confinement peut lui-même générer ou accentuer des formes de vulnérabilité, qui viennent se greffer à une situation déjà critique. Dans les nécessaires mesures d’urgence adoptées, la vulnérabilité face à la maladie non seulement prend les devants – ce serait attendu –, mais est pensée de façon décorrélée par rapport à ces autres formes de vulnérabilité, sur lesquelles on s’interroge tout au plus dans un second temps.

Si le gouvernement français n’était pas préparé pour prendre en charge cette crise sanitaire, et qu’il a réagi sans doute trop tard dans sa prise en considération des dangers de l’épidémie, ce manque de lucidité concerne aussi le travail en amont pour contrer les risques liées à la gestion elle-même de la crise sanitaire. Ces risques concernent largement l’économie4 ou l’éducation, par exemple, mais aussi ont aussi trait à la vulnérabilité des femmes en particulier. 

Le confinement peut lui-même générer ou accentuer des formes de vulnérabilité, qui viennent se greffer à une situation déjà critique.

JULIA DE ÍPOLA

Notons que, au niveau international, certaines chercheuses expliquent cela par un problème de représentativité. Clare Wenham, Julia Smith et Rosemary Morgan (au nom du Gender and COVID-19 Working Group) soulignent dans la revue scientifique britannique The Lancet que «  malgré la reconnaissance par le Bureau Exécutif de l’OMS du besoin d’inclure des femmes dans le processus de prise de décision pour la préparation et la réponse à des épidémies, la représentation des femmes dans les espaces politiques – au niveau national et global – liés au covid-19 est inadéquate  »5

Il est encore difficile de mesurer avec exactitude la représentativité de ces instances. Si cette piste pourra sans doute être davantage explorée à l’avenir, soulignons pour l’heure que le traitement tardif, au niveau national, des problèmes liés au genre induits par le confinement témoigne non seulement d’une prévention insuffisante de l’épidémie, mais aussi d’une négligence de la perspective de genre dans le travail de préparation.

Le traitement tardif, au niveau national, des problèmes liés au genre induits par le confinement témoigne non seulement d’une prévention insuffisante de l’épidémie, mais aussi d’une négligence de la perspective de genre dans le travail de préparation.

JULIA DE ÍPOLA

2 – Le rôle de l’État dans la santé publique

Dans le contexte d’une pandémie, la question de l’accès à la santé publique se pose avec acuité. L’État est interpellé, appelé à réagir et à protéger au maximum la population – toutes classes confondues. En Argentine, un pays qui en 2019 affichait un taux de pauvreté de 40  %, le système de santé est tripartite (composé par le public, le privé, et le système des mutuelles des syndicats) et fonctionne donc à plusieurs vitesses. Face à l’épidémie, le gouvernement d’Alberto Fernández a avancé l’idée d’une mise à disposition des hôpitaux privés pour une gestion par district de la crise. Si un décret sur ce sujet a été envisagé par le Ministre de la Santé, il semble à ce jour que des instances de coordination seront mises en place au niveau des provinces (l’idée d’un système universel n’a pas fait l’unanimité parmi les entreprises privées de la santé). C’est là un effort pour centraliser la prise de décision et effacer les frontières entre le privé et le public, entre riches et pauvres, dans l’accès aux soins. Tout le monde a droit à la santé : l’individu abstrait a droit à la santé publique. Mauricio Macri, ex-président au discours anti-péroniste et rival de Fernández aux dernières élections, a appelé  à soutenir les mesures du gouvernement.

En Argentine, le gouvernement d’Alberto Fernández avance depuis le début de l’épidémie des projets pour une centralisation du système de santé au niveau national (qui est habituellement tripartite), ou du moins une coordination à l’échelle provinciale, dans l’optique de rendre équitable la possibilité d’accès aux soins. Si elles déplaisent aux grandes entreprises de la santé, ces mesures sont appuyées par une bonne partie de l’opposition politique. L’idée est claire : tout le monde à droit à la santé publique.

Le syntagme «  santé publique  » a revêtu dans les dernières années en Argentine une connotation singulière. Dans le cadre de la campagne pour la légalisation de l’avortement – un projet de loi débattu pour la première fois en 2018, et qui devrait devenir une réalité sous Fernández –, les mouvements féministes ont donné à voir l’IVG comme un problème de santé publique qui cristallise les conséquences des inégalités économiques dans l’accès aux soins. Par-delà les débats moraux, une réalité persistait : «  les riches avortent, les pauvres meurent  ». Mais la loi, en 2018, a été rejetée par le Sénat : les femmes (et dans cette formulation on reproduira inévitablement les paradoxes soulignés par Scott) n’avaient-elles pas droit, elles aussi, à l’accès à la santé publique, au nom de l’universalisme de l’individu abstrait  ?

Dans le cadre de la campagne pour la légalisation de l’avortement – un projet de loi débattu pour la première fois en 2018, et qui devrait devenir une réalité sous Fernández –, les mouvements féministes ont donné à voir l’IVG comme un problème de santé publique qui cristallise les conséquences des inégalités économiques dans l’accès aux soins.

JULIA DE ÍPOLA

L’appel à l’intervention étatique, au nom de l’urgence sanitaire, de la part d’un certain nombre d’acteurs issus de milieux libéraux, pourtant souvent opposés ou indifférents à la campagne pour l’accès à des IVG «  sûres, légales et gratuites  », est assez symptomatique, in fine, de la place à laquelle les revendications pour l’extension des droits des femmes sont reléguées dans l’imaginaire d’une partie de la société. L’universalisme de la différence sexuelle, explique Scott, prévaut : l’individu abstrait est avant tout masculin.

3 – L’accès à l’IVG : «  no somos postergables  »

L’accès à l’IVG constitue, dans le cadre du confinement, un problème à part entière, même dans un pays où cette pratique est légale jusqu’à la 12e semaine de grossesse, comme la France. Un groupe de professionnels de la santé a alerté, dans une tribune parue dans Le Monde, sur les difficultés induites par le contexte actuel, qui concernent essentiellement le manque de personnel – les hôpitaux sont saturés –, la difficulté des déplacements et la situation de violence dans laquelle peuvent se retrouver les femmes voulant mettre fin à leur grossesse6. En Italie, également, où l’avortement est légal durant le premier trimestre de grossesse, les témoignages sur les plateformes virtuelles rendent compte d’un accès particulièrement entravé à l’IVG : la mise en place de la chaîne Telegram SOS Avortement _ COVID-19 en est hautement symptomatique.

Dans certains états des États-Unis, les forces conservatrices profitent de la situation de crise sanitaire pour empêcher aux femmes l’accès à l’IVG : au Texas, dans l’Ohio et dans le Kentucky, l’avortement a été considéré comme une opération médicale «  non urgente  » et par conséquent interdite  – «  différée » – au nom de la lutte contre le Covid-197. De la même façon, les femmes ayant droit à avorter selon la loi en vigueur en Argentine peinent à trouver les moyens de le faire en sécurité. Une phrase prononcée par la féministe Luciana Péker, mi 2019, lorsque la crise économique battait son plein, résonne particulièrement bien : «  no somos postergables  » («  nous ne pouvons pas être ajournées  »)8. Les droits des femmes, insistait-elle, doivent être une priorité dans l’agenda politique. Même en temps de crise – surtout en temps de crise.

Les droits des femmes doivent être une priorité. Surtout en temps de crise.

JULIA DE ÍPOLA

En France, les femmes se retrouvent aussi dans une situation de course contre la montre du fait de la difficulté d’accès au soins dans le cadre de l’épidémie. Dans leur tribune au Monde, les professionnels de la santé demandent une dérogation le temps que durera l’épidémie : « Nous souhaitons pouvoir, à titre exceptionnel pendant la durée du confinement, réaliser des aspirations jusqu’à seize semaines d’aménorrhée, soit quatorze semaines de grossesse »9. Une demande de dérogation a aussi vu le jour en Espagne, qui concerne cette fois-ci l’élimination du «  rendez-vous préalable présentiel  », une instance d’information qui est un requisit pour pouvoir procéder à un avortement. Les cliniques concernées demandent à ce que cette information puisse être livrée par des moyens numériques ou autres, afin de dynamiser le processus et de minimiser les risques de contagion.

4 – La place des femmes à la maison

Depuis le début du confinement, la journaliste et romancière franco-marocaine Leïla Slimani publie dans Le Monde son «  journal du confinement  »10. Dans le cinquième numéro de ce journal-feuilleton, elle s’interroge sur le rapport des femmes à l’espace, et avance que «  l’expérience du confinement, de l’enfermement, de l’immobilité fait partie de l’histoire des femmes  ». Slimani cite notamment l’Histoire des femmes de Michelle Perrot, qui note qu’au « premier abord, les femmes semblent confinées  », parce qu’associées à la famille et au foyer. 

Les images traditionnellement sédentaires de la femme dans la culture occidentale sont abondantes : de Pénélope dans l’Odyssée, qui tricote et détricote en attendant son mari, à Úrsula Iguarán dans Cent ans de solitude, qui voit son fils Aureliano partir à la guerre, la femme est représentée comme restant chez elle. L’enfermement ne constitue pas une nouveauté.

Pour les femmes, l’enfermement ne constitue pas une nouveauté.

JULIA DE ÍPOLA

La situation a certainement évolué et, notamment au XXe siècle, les femmes sont massivement entrées dans le marché du travail, et se sont par là progressivement libérées de la tutelle masculine et de l’ancrage au foyer. Néanmoins, les stéréotypes – et les réalités de fait – demeurent : une étude de l’INSEE publiée en 2017 montre que « l’opinion selon laquelle les femmes disposeraient de compétences supérieures pour prendre soin des enfants et seraient plus enclines à le faire persiste : une personne sur deux considère que les mères savent mieux répondre aux besoins et aux attentes des enfants que les pères. La « vocation parentale » des femmes apparaît comme la clé de voûte permettant l’articulation entre des compétences déclarées identiques et une division sociale du travail toujours largement organisée en fonction du sexe des individus  »11.

Et si le droit de sortie pendant le confinement n’est en lui-même pas genré, sa mise en œuvre peut l’être. Au Panama, puis au Pérou, le gouvernement a décrété une restriction des sorties concernant tantôt les hommes et tantôt les femmes, qui alterne selon les jours de la semaine. Le pouvoir a donc choisi de faire prévaloir une division genrée de l’espace censée «  faciliter le travail des forces de l’ordre  » – ce qui suppose de mettre l’accent sur les manifestations physiques apparentes de la différence sexuelle, c’est-à-dire sur la différenciation des corps, et qui ne va pas sans alimenter un imaginaire sur la spatialisation (binaire) de ladite différence. 

Au Panama, puis au Pérou, le gouvernement a décrété une restriction des sorties concernant tantôt les hommes et tantôt les femmes, qui alterne selon les jours de la semaine.

JULIA DE ÍPOLA

C’est là une mesure bien singulière – on aurait pu imaginer une gestion des flux en fonction des derniers chiffres du numéro national d’identité des individus – qui n’a manquée d’être dénoncée par les associations LGBT+. Dans une région où la discrimination envers les personnes transgenre sévit fortement, celles-ci craignent d’autant plus dans ce contexte particulier les interpellations de la part des forces de l’ordre.

5 – «  À la maison  » ne veut pas forcément dire « en sécurité  »

Depuis le début de la crise sanitaire, l’espace public est présenté comme risqué ; en contrepartie, les citoyens et citoyennes ont été appelés à rester chez eux, et le foyer est apparu comme l’espace où l’on serait en sécurité – le sticker «  Stay Home  » lancé par Instagram et devenu viral affiche une maison entourée d’un cœur.

Mais dans certains cas, le foyer conjugal est loin d’être un espace sûr. L’isolement est tout d’abord connu comme étant un facteur de risque pour les violences conjugales12. Il oblige les femmes victimes à passer beaucoup plus de temps avec leur agresseur et entrave la possibilité de demander de l’aide en dehors du foyer. C’est pourquoi l’isolement social apparaît souvent comme un des signaux d’alerte qu’une relation devient abusive. Par ailleurs, dans un contexte de confinement obligatoire, les potentiels agresseurs se retrouvent eux aussi isolés, et le désœuvrement ou le sentiment de frustration (qui peut par exemple être lié à la perte du travail) peuvent contribuer au déclenchement ou à l’aggravation des violences.

L’isolement est connu comme étant un facteur de risque pour les violences conjugales. Il oblige les femmes victimes à passer beaucoup plus de temps avec leur agresseur et entrave la possibilité de demander de l’aide en dehors du foyer.

JULIA DE ÍPOLA

Dès le 16 mars, Marlène Schiappa a mis en garde en signalant que « la période de crise que nous connaissons et le confinement à domicile peuvent hélas générer un terreau propice aux violences conjugales  »13. Dix jours plus tard, le 26 mars, Christophe Castaner a confirmé que les violences conjugales avaient augmenté en une semaine de 32  % en zone gendarmerie et de 36  % dans la zone de la Préfecture de police de Paris. En France, les organisations de la société civile, comme le collectif Nous Toutes, appellent le pouvoir public à non seulement assurer la continuité de certains dispositifs, mais à en créer de nouveaux pour faire face à une situation exceptionnelle. Face à la recrudescence des violences, M. Castaner a proposé la mise en place d’un mécanisme d’alerte dans les pharmacies, sur le modèle conçu tout d’abord aux Canaries et adopté ensuite partout en Espagne. Un numéro d’écoute consacré spécifiquement aux auteurs potentiels de violences a également été créé, et Nicole Belloubet a dit travailler à la mise en place d’une plateforme temporaire de logements pour les agresseurs, l’idée étant que ce ne soit pas aux victimes de quitter leur foyer. De la même façon, Schiappa avait annoncé, au lendemain du décret gouvernemental, la continuité dans le fonctionnement du 3919, numéro gratuit et anonyme pour les victimes, mais elle a signalé le premier avril que celui-ci recevait depuis le début du confinement six fois moins d’appels14.

Image gender Street Art de genre graffitis féministes 10 points sur la perspective féministe du confinement Une période d’un genre inédit féminisme genres luttes sociales Amérique latine Argentine Chili
Susan Meiselas

En Argentine, en revanche, et plus particulièrement dans la province de Buenos Aires, les appels au 144 ont augmenté à hauteur de 60  %, mais les foyers susceptibles d’accueillir les victimes se trouvent débordés, souligne Luciana Péker15. La difficulté de gestion de la crise révèle le manque de travail en amont, et notamment les déboires du gouvernement de Mauricio Macri (2015-2019) sur les politiques de prise en charge des femmes victimes de violences : des 36 foyers qui devaient voir le jour sous son mandat, 3 seulement sont à ce jour en cours de construction. Un ruidazo (une manifestation sonore depuis les balcons) a été organisé en protestation contre l’escalade des violences : entre le 20 mars, date du début de la quarantaine, et le 30, six féminicides ont été recensés sur l’ensemble du territoire argentin.

6 – Travailler chez soi

Le confinement a conduit un bon nombre de citoyens et de citoyennes au télétravail, c’est-à-dire à travailler depuis chez eux. Il s’agit là bien entendu d’un privilège : ces personnes peuvent bénéficier d’une continuité dans leur emploi et donc dans leur rémunération. Mais le télétravail vient révéler ou confirmer une réalité pointée du doigt depuis les années 1960-70, notamment avec l’essor du féminisme dit de la « deuxième vague  » : travailler chez soi, c’est travailler tout court, et ce travail mérite une rémunération. La garde d’enfants, la préparation des repas, sont des activités qui ont un coût physique, psychique et temporel. L’économiste états-unienne Nancy Folbre souligne que celles-ci ne sont pourtant pas considérées comme faisant partie de «  l’économie du foyer  », et ne sont donc pas comptabilisées dans le revenu de la famille – ce qui tend à biaiser des indicateurs micro et macroéconomiques au moment de l’entrée des femmes dans le marché du travail16.

Si ces tâches sont de plus en plus partagées dans les foyers hétéroparentaux français, elles reviennent toujours davantage à la mère, et bien des pères découvrent, dans le cadre du confinement, l’effort qu’elles impliquent.

Pour les foyers où les deux conjoints se retrouvent soudainement à la maison, la question de la répartition des tâches ménagères et de la charge mentale se pose avec une acuité particulière.

JULIA DE ÍPOLA

En même temps, pour les foyers où les deux conjoints se retrouvent soudainement à la maison, la question de la répartition des tâches ménagères et de la charge mentale se pose avec une acuité particulière. En Argentine, le Ministère des Femmes, des Genres et de la Diversité a lancé une campagne de sensibilisation à cet égard, qui souligne que les « surcharges non nécessaires  » affectent «  majoritairement  » les femmes.

7 – Les corps dans l’espace public

Si Leïla Slimani avance que les femmes ont traditionnellement été reléguées au foyer, c’est aussi parce que l’espace public est pour elles un milieu hostile. Les femmes, dans l’espace public, se trouvent constamment en état d’alerte. L’insécurité est le sentiment qui va avec les accompagnent au quotidien : dans la rue, le soir dans le métro, au parc, quasiment où qu’elles soient. Des études sur le sujet montrent qu’en temps «  normal », «  pour une femme, se déplacer seule et fréquenter des espaces collectifs implique un risque avéré d’être agressée »17.

Ce rapport à l’espace public est dénoncé depuis des années par des organisation luttant contre les violences sexistes et sexuelles – dont les agressions et le harcèlement de rue. Le féminisme latino-américain a fait de la négligence de l’État sur ces questions une de ses consignes : “El Estado no me cuida, me cuidan mis amigas” («  l’État ne prend pas soin de moi, ce sont mes amies qui le font  »), entend-on lors des manifestations.

En temps «  normal », «  pour une femme, se déplacer seule et fréquenter des espaces collectifs implique un risque avéré d’être agressée »

JULIA DE ÍPOLA

C’est là une question qui a aussi fait l’objet d’un certain nombre de recherches en sociologie. Dans la lignée des théories d’Erving Goffman, Carol Brooks Gardner, élève du sociologue et linguiste nord-américain, a étudié les asymétries dans les rapports de genre dans l’espace public, et dans le rapport de chaque genre à cet espace public. Partant de la compréhension de Goffman de l’espace public comme une sphère qui, se voulant égalitaire, reproduit en réalité les différences de statut et les discriminations de la sphère privée, Gardner s’est notamment concentrée sur des sujets tels que la peur spécifiquement féminine du crime dans la rue18 ou l’exploitation de la proximité physique par les hommes dans l’espace public19. La peur d’être la cible d’un crime induit un sentiment permanent d’insécurité : «  les femmes ne savent jamais avec certitudes quelles activités masculines sont des précurseurs du viol ou d’un autre crime  », écrit Gardner. Cela, conjugué à la responsabilisation des victimes par la société, conduit les femmes à devenir streetwise (débrouillardes dans la rue), à «  prendre les précautions nécessaires  ».

En temps de pandémie, le danger que représente l’espace public pour l’intégrité physique des individus est subitement généralisé. Toutes et tous adoptent les « précautions nécessaires  » : gants, masques ou autres gestes barrière. Bien entendu, les femmes continuent d’être la cible de violences sexistes et sexuelles. Mais avec la propagation du virus (qui peut se conjuguer avec des formes d’hystérie collective face à la crise), les autres deviennent, pour chaque individu, une menace potentielle – et ce, indépendamment de leur genre. Des précautions, des réflexes et des peurs que Gardner identifiait comme typiquement «  féminins  » face à la présence de ces corps dangereux dans l’espace public («  je vais changer de trottoir  », «  il s’approche pas un peu trop de moi, là ?  », «  on est trop serrés…  ») sont désormais partagés, universels. La vulnérabilité du corps face à la présence d’autrui – et surtout au contact potentiel avec celui-ci – est communément ressentie. C’est qu’elle concerne alors les corps incarnant, en termes de différence sexuelle, l’individu abstrait.

En temps de pandémie, le danger que représente l’espace public pour l’intégrité physique des individus est subitement généralisé.

JULIA DE ÍPOLA

8 – Sommes-nous en guerre ?

Dans son allocution du 16 mars, Emmanuel Macron a affirmé, à six reprises et d’un ton martial, que «  nous [étions] en guerre  ». Il appelait à l’union nationale face à la catastrophe et à l’horreur. Les témoignages des médecins et du personnel hospitalier sont en effet sidérants. Mais comme le souligne Maxime Combes, nous ne sommes pas en guerre mais en pandémie : «  c’est bien assez  », et c’est aussi bien différent20.

Parmi ces nombreuses différences (la destruction physique d’un ennemi, la possibilité de négocier ou non la paix, les termes dans lesquels est formulé l’appel à la solidarité), on retrouve aussi la question du genre. Il suffit de taper «  Seconde guerre mondiale  » ou même «  guerre  » tout court sur Google Images : l’imaginaire belliqueux est avant tout masculin. Non pas que les femmes n’aient pas eu un rôle à jouer dans les grands conflits du XXe siècle – qu’on se rapporte aux travaux de Luc Capdevila, entre autres –, mais ce sont bien les hommes qui ont très majoritairement combattu au front, et que l’on associe encore aujourd’hui à l’individu abstrait qui «  fait la guerre  ».

L’analogie du Président de la République, en plus d’être assez malheureuse, contribue à invisibiliser une réalité de fait : en France, 78  % des personnes (1 million au total, environ) travaillant dans la fonction publique hospitalière sont des femmes.

JULIA DE ÍPOLA

L’analogie du Président de la République, en plus d’être assez malheureuse, contribue à invisibiliser une réalité de fait : en France, 78  % des personnes (1 million au total, environ) travaillant dans la fonction publique hospitalière sont des femmes. Un ratio qui atteint le chiffre de 90  % quand il s’agit des infirmières et des aides soignantes. Ce sont donc en bonne partie les femmes qui, dans cet autre espace qu’est l’hôpital, apparaissent comme des actrices essentielles, et qui se retrouvent par ailleurs particulièrement exposées au virus. Si cette référence réapparaît dans l’allocution du 13 avril du Président de la République, les femmes ne s’y trouvent pas plus présentes. Détail étonnant : si lors de ce discours Emmanuel Macron parle des «  infirmiers  », des «  éboueurs  », et des «  soignants  » – on pourrait lui accorder le choix de s’en tenir à la règle grammaticale selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin, par souci de concision, par exemple –, il mentionne en revanche les «  caissiers et caissières ». La féminisation du nom apparaît en référence à un secteur – en «  deuxième ligne  », pour reprendre les mots du Président – où le taux de féminité est de 80  %. On peut sincèrement se demander ce que cela sous-entend sur le reste des secteurs.

Enfin, Cynthia Enloe souligne à ce sujet que l’appel à l’unité au nom du besoin de faire face à une «  guerre  » conduit à véhiculer une vision romantique du conflit armé – un geste maladroit, qui ne prend par ailleurs pas acte des recherches des historiennes féministes des dernières années sur la condition des femmes dans des contextes de guerre.

9 – Le cyber-harcèlement

Dans un contexte de confinement, le contact avec le monde extérieur au foyer (la famille élargie, les amis, l’école, les collègues), passe par les réseaux sociaux : difficile, lorsque l’on en possède un, de se passer de son ordinateur ou de son portable. Difficile aussi, alors, de lutter contre le cyber-harcèlement. Les harceleurs ont plus de temps à passer sur ces réseaux, et les victimes ne peuvent pas se permettre d’éviter les dispositifs électroniques. Les enfants (les principales victimes de cyber-harcèlement sont des jeunes adolescent.e.s) et les jeunes d’entre 12 et 14 ans représenteraient en France 45 % du total des victimes.

Les harceleurs ont plus de temps à passer sur ces réseaux, et les victimes ne peuvent pas se permettre d’éviter les dispositifs électroniques.

JULIA DE ÍPOLA

Le 1er avril, le collectif Nous Toutes signale via Twitter une vague de cyber-harcèlement qui sévirait particulièrement sur la plateforme Snapchat. Il dit avoir interpellé quatre jours auparavant le gouvernement à ce sujet. Les diverses Académies ont rappelé les dimensions de ce problème et diffusé dans les réseaux sociaux le numéro gratuit d’écoute pour les victimes. Le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les discriminations a diffusé avec empressement, début avril, le «  Guide des parents confinés  » qui avait été publié quelques jours plut tôt. 

Ce guide, destiné au parents, contient effectivement une section sur le harcèlement ; celle-ci ne fait néanmoins pas référence aux problèmes de genre qui se jouent virtuellement. Une question qui n’est pourtant pas anodine : d’après le Centre Hubertine Auclert, 58 % des victimes du harcèlement sexuel sont des filles. Mais surtout, à la différence des garçons celles-ci font surtout l’objet de discriminations et de violences dirigées spécifiquement contre leur genre, donc sexistes.

À la différence des garçons, les filles font surtout l’objet de discriminations et de violences dirigées spécifiquement contre leur genre, donc sexistes.

JULIA DE ÍPOLA

Le caractère sexiste et sexuel de ces violences s’accentue toutefois lorsque l’âge des victimes devient un peu plus avancé. Sur ce même sujet, et étonnée de l’absence d’articles sur la question, l’essayiste belge Marie Peltier a diffusé un live sur son compte Facebook où elle aborde le cyberharcèlement dans une perspective politique. Ayant été elle-même victime de cette pratique, elle y témoigne de son expérience – elle a pu, finalement, porter plainte – et avance quelques conseils pour aider les cibles de harcèlement virtuel en temps de confinement. La chercheuse note en particulier que les insultes dirigées contre elle revêtent généralement une connotation sexiste – une des vagues de cyber-harcèlement qu’elle a subies s’est déclenchée après qu’elle se soit exprimée sur le harcèlement de rue. C’est là donc, encore une fois, un sujet pour lequel la perspective de genre peine à être adoptée et qui, s’il se voit accentué dans une période de confinement, excède largement le cadre de celle-ci.

10 – Des pistes ?

Les dérogations pour les IVG citées plus haut constituent une des mesures extraordinaires qui pourraient être prises dans le contexte de l’épidémie. Le travail associatif s’avère essentiel : Nous Toutes a lancé en France une task force sur les réseaux sociaux pour contribuer à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles pendant le confinement. Mais la réactivité des pouvoirs publics demeure une condition sine qua non pour la protection des victimes. En Argentine, par exemple, la prorogation automatique des mesures préventives (notamment les injonctions d’éloignement) pour la protection des femmes a été décrétée ; le gouvernement de la ville de Buenos Aires mène une campagne de diffusion d’informations ciblée sur la violence dans le couple, par voie électronique. On peut également espérer que la mise en place de sites d’hébergement pour des victimes ou des agresseurs sera menée à bien avec des ressources suffisantes.

Mais au-delà des façons de gérer les problèmes liés au genre pendant la durée de cette épidémie, nous pouvons souhaiter que ces questions soient dorénavant traitées en amont par les pouvoirs publics – que la perspective de genre, qui «  n’est pas un luxe, même pendant une urgence  »21, soit tenue d’emblée en compte dans la prise de décisions. Une partie qui n’est pas gagnée d’avance : après un mois de confinement, Emmanuel Macron ne fait aucune référence (ci ce n’est une mention assez floue de la violence dans les familles), lors de son allocution, à la situation particulière des femmes pendant le confinement.

Au-delà des façons de gérer les problèmes liés au genre pendant la durée de cette épidémie, nous pouvons souhaiter que ces questions soient dorénavant traitées en amont par les pouvoirs publics.

JULIA DE ÍPOLA

Finissons donc par reproduire une partie de la série de questions que l’institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement avance pour une analyse des politiques de prévention et de lutte contre une épidémie tenant compte des problématiques de genre :

  • Quels sont les différents besoins et nécessités des femmes et des hommes dans le contexte où est proposée cette mesure ?
  • Quels sont les rôles des femmes et des hommes dans le contexte de la mesure qui est proposée ?
  • Les femmes et les hommes ont-ils le même accès à et la même influence sur l’élaboration des mesures et la prise de décision ?
  • Y a-t-il des inégalités liées au genre qui peuvent se voir exacerbées par cette mesure ?
  • Y a-t-il des systèmes en place pour recueillir, suivre et publier des données et des statistiques ventilées par sexe ?

Autant de questions dont la réponse devrait alimenter une réflexion dépassant le cadre du confinement actuel, et ce à deux titres. D’une part, il est possible que de nouvelles périodes de confinement soient décrétées dans un futur plus ou moins proche, ou qu’un confinement strict soit instauré dans des pays ou il n’a pas à ce jour été mis en place, comme le Canada. Il serait donc souhaitable que les questions liées au genre soient d’emblée prises en compte dans la réflexion et l’évaluation des risques. D’autre part, il est clair que la période singulière de la crise du Covid-19 ouvre toute une série d’interrogations sur nos communautés. L’expérience que les populations font d’un certain nombre de dynamiques, de préoccupations ou d’obligations qui concernaient traditionnellement en priorité le genre féminin contribue à éclairer et invite à reconsidérer, à l’aune de cet apprentissage, les rapports de genre dans la société.

Sources
  1. SCOTT, Joan, Only Paradoxes to Offer : French Feminists and the Rights of Men, Cambridge, Harvard University Press, 1996.
  2. SCOTT, Joan, Only Paradoxes to Offer : French Feminists and the Rights of Men, Cambridge, Harvard University Press, 1996.
  3. OMS, “Coronavirus disease 2019 (COVID-19) Situation Report – 51”, 11 mars 2020.
  4. NORMAND, Grégoire, “En Europe, l’onde de choc du Covid-19 pourrait être dévastatrice”, La Tribune, 3 avril 2020.
  5. WENHAM, Clare, SMITH, Julia, MORGAN, Rosemary, “COVID-19 : the gendered impacts of the outbreak”, The Lancet, vol. 395, nº10227, 2020.
  6. [Collectif], “Il faut « protéger les droits des femmes et maintenir l’accès à l’avortement »”, Le Monde, 31 mars 2020.
  7. NORTH, Anna, What it takes to get an abortion during the coronavirus pandemic, Vox, 1er avril 2020.
  8. TREPIANA, Ailín, RODRÍGUEZ, Yamila, “Luciana Peker : « En medio de la crisis económica, las mujeres no podemos ser postergables »”, LM Cipolletti, 6 septembre 2019.
  9. [Collectif], “Il faut « protéger les droits des femmes et maintenir l’accès à l’avortement »”, Le Monde, 31 mars 2020.
  10. Leïla Slimani : « L’expérience du confinement, de l’enfermement, de l’immobilité fait partie de l’histoire des femmes », Le Monde, 29 mars 2020.
  11. INSEE, Femmes et hommes, l’égalité en question, 7 mars 2017.
  12. DUTTON, M. A., GOODMAN, L. A., “Coercion is intimate partner violence : Toward a new conceptualization”, Sex Roles, 2005, p. 743–756.
  13. Confinement : les violences conjugales en hausse, un dispositif d’alerte mis en place dans les pharmacies”, Le Monde, 27 mars 2020.
  14. BAUDAIS, Patrick et JANIN, Carine, “Une plateforme de logement pour l’éviction des auteurs des violences conjugales”, Ouest-France, 1er avril 2020.
  15. PEKER, Luciana, Violencia de género en cuarentena : aumentaron los pedidos de ayuda y faltan refugios que podrían evitar femicidios, Infobae, 30 mars 2020.
  16. « Household labor, caring labor, unpaid labor : an interview with Nancy Folbre. », Dollars & Sense, 2015.
  17. LIEBER, Marylène, “Le sentiment d’insécurité des femmes dans l’espace public : une entrave à la citoyenneté ?”, Nouvelles Questions Féministes, vol. 21, nº1, 2002.
  18. BROOKS GARDNER, Carol, Safe Conduct : Women, Crime, and Self in Public Places, Social Problems, 37:3, 1990.
  19. BROOKS GARDNER, Carol, Passing by Gender and Public Harassment, University of California Press, 1995.
  20. COMBES, Maxime, “Non, nous ne sommes pas en guerre. Nous sommes en pandémie. Et c’est bien assez”, Mediapart, 20 mars 2020.
  21. FILIPOVA, Lenka, DALAQUA, Renata, REVILL, James, “Pandemics Are Not Gender-Neutral, Gender Analysis Can Improve Response To Disease Outbreaks”, UNIDIR, 24 mars 2020.