Bruxelles. Dans le cadre de son livre blanc « Data Age 2025 », le leader mondial du traitement de données Seagate anticipe une multiplication par 5,3 des données produites à l’horizon 2028 passant de 33 ZTB à 175 ZTB. Actant un constat d’échec par rapport aux ambitions européennes énoncées depuis la stratégie de Lisbonne, les Commissaires Margrethe Vestager et Thierry Breton ont présenté, le 19 février 2020, les axes principaux de la nouvelle stratégie numérique européenne mêlant le livre blanc sur l’intelligence artificielle (IA) et la stratégie sur les données.

Consciente de l’enjeu technologique représenté par les données et du fort potentiel offert par le tissu industriel européen, la Commission européenne souhaite dynamiser les initiatives dans ce domaine, favoriser les échanges, bâtir un cadre réglementaire robuste et ainsi ouvrir la voie à la création d’un véritable marché unique des données. Le Grand Continent vous présente, en trois axes principaux, les éléments clés à retenir de cette séquence :

1 – Le premier point mis en avant par la Commission est la mise en place d’un cadre réglementaire numérique favorisant l’interopérabilité des données et la sécurisation de leur partage, mais aussi capable de répondre aux évolutions de l’IA et à l’accroissement de la production de données numériques. La présentation du Livre Blanc sur l’intelligence artificielle a mis en avant l’objectif d’un développement «  fiable et sûr  » de l’IA en Europe au travers d’un cadre législatif respectant les valeurs et les droits des citoyens européens.

Sur la base de concertations menées avec un panel d’experts de haut niveau depuis Avril 2019, la Commission a énoncé sept points majeurs sur lesquels les efforts seront concentrés (création d’un organisme de surveillance, transparence, sécurité, équité, confidentialité ou encore responsabilité…). La Commission ouvre désormais une période de consultation des parties prenantes qui durera jusqu’au 19 mai 2020 afin d’aboutir à une proposition finale en Juin 2020.

2 – Au-delà de la mise en place d’un cadre réglementaire robuste, la Commission souhaite déployer une stratégie d’investissements ciblés, notamment dans le développement des infrastructures dédiées au stockage et au traitement des données, permettant de conférer une plus grande souveraineté à l’Europe en matière de numérique afin de se mettre au niveau de ses principaux concurrents internationaux.

En effet, bien que l’investissement européen en matière d’IA ait augmenté ces dernières années, son niveau d’ambition reste significativement moindre qu’aux États-Unis ou en Chine. Afin de combler les lacunes européennes, la Commission souhaite ainsi mobiliser un fonds de 4 milliards d’€ minimum d’investissement dans les infrastructuresà partir de 2022 et significativement augmenter les investissements publics et privés durant la prochaine décennie. En parallèle, elle souhaite également créer un fonds de soutien à l’innovation en matière d’IA et de high-performance computing d’au moins 100 millions d’€.

La Commission mise également sur le développement de centres de recherche d’excellence pour favoriser la recherche et l’innovation dans l’UE. Elle privilégie également les partenariats public/privé sur l’IA ou encore le développement des compétences de pointe, notamment afin de permettre un accès accru aux PME avec la mise en place de laboratoires d’innovation numérique dédiés à l’IA dans chaque pays. La Commission souhaite également créer des espaces européens de données dans des domaines jugés prioritaires tels que la santé, la mobilité ou l’écologie qui permettront de faire émerger des collaborations spécifiques dans un environnement favorable.

Des dépenses de R&D hétérogènes entre pays de l'Union en pourcentage de PIB

3 – Ces annonces ont enfin témoigné d’une véritable volonté de travailler en collégialité au sein de la Commission. En créant un groupe de travail composé de plusieurs commissaires dont Margrethe Vestager, Thierry Breton et Věra Jourová, les membres de la Commission synchronisent les actions de leurs services. La création d’une dynamique de travail unie et l’objectif affiché de développer une véritable stratégie numérique pluridimensionnelle sont des signaux positifs au regard des ambitions géopolitiques énoncées par Ursula von der Leyen.

Avec ces premières annonces, la Commission entame un travail de fond visant à faire émerger un écosystème complet et propice au développement des défis technologiques nouveaux, tout en cherchant à promouvoir et protéger les intérêts et les valeurs européennes, notamment face aux stratégies américaines et chinoises.