Reykjavík. Le Conseil de l’Arctique est actuellement sous la présidence islandaise depuis mai 2019 et la conservera jusqu’en 2021. Lors de chaque passage de présidence, l’État en question présente dans un programme les grandes lignes qu’il tentera de promouvoir lors des discussions multilatérales du Conseil.  

La grande ligne se dégageant de la présidence islandaise, et non des moindres, concerne les questions de développement durable que le ministre des Affaires étrangères islandais, Guðlaugur Þór Þórðarson, souhaite remettre au cœur des discussions du Conseil de l’Arctique en réponse aux nouveaux enjeux résultant de l’ouverture croissante de la région à l’international.  Dans une même lignée, l’Islande souhaite mettre l’accent sur la nécessité de coopérer entre les États et les populations arctiques ainsi sur le fait d’étendre cette coopération au-delà de la région. L’encouragement du développement durable reprend l’objectif premier du Conseil de l’Arctique qui, dès sa création en 1996, insistait sur l’importance de protéger la région, essentiellement sur une perspective environnementale.

Il est important de souligner que dans une de ses déclarations, le ministre Guðlaugur Þór Þórðarson affirme1 « croire sincèrement qu’un dialogue actif, fondé sur la recherche scientifique de pointe, mené à travers une collaboration dynamique entre nos pays et nos organisations, est la meilleure voie à suivre pour un développement constructif du Conseil de l’Arctique »2

Dans son programme, l’Islande insiste sur les effets irréversibles du changement climatique sur la biodiversité et les écosystèmes, ayant par conséquent des implications à la fois économiques et sociales pour les communautés vivant en Arctique. Dans cette vision, l’Islande encourage ses partenaires étatiques à réfléchir à de nouvelles stratégies afin que les activités économiques (résultant du changement climatique) soient en concordance avec les piliers de développement durable, à savoir : la croissance économique, l’inclusion sociale et la protection environnementale.

Comment comprendre le programme islandais : « Ensemble pour un Arctique durable » ?3

Le premier point à souligner est la volonté de l’Islande de protéger l’environnement marin arctique. Cette protection passe donc par : 

  • La mise en place d’un plan régional afin de réduire les déchets marins ;
  • L’organisation d’une conférence internationale sur la menace que représentent les plastiques dans les écosystèmes marins qui devrait se tenir en avril 2020 ;
  • La promotion de la blue economy en Arctique (ayant un potentiel d’une croissance économique durable)4 ;
  • La promotion des transports maritimes sûrs et durables en Arctique, qui passe par une coopération efficace pour la recherche et le sauvetage, mais aussi par la prévention, la préparation et la réaction face aux urgences ;
  • L’encouragement d’une coopération météorologique et océanographique circumpolaire dans l’objectif d’améliorer la sécurité en mer (de pair avec l’Organisation Météorologique Mondiale). 

Le second point du programme islandais concerne le climat et la promotion de solutions énergétiques “vertes” tout en soulignant que le réchauffement climatique a un impact non-négligeable sur le bien-être économique et social. L’Islande souhaite donc : 

  • Que les États circumpolaires respectent leurs politiques nationales et engagements internationaux relatifs au réchauffement climatique (cela est sans compter le retrait officiel de Washington des accords de Paris de 2015) ; 
  • Que les politiques climatiques soient fondées sur des études scientifiques ; 
  • Que le Conseil de l’Arctique continue à observer les impacts climatiques sur les écosystèmes marins, d’eaux douces et terrestres (un rapport actualisé, actuellement en préparation, sera par ailleurs présenté lors de la prochaine réunion ministérielle à Reykjavík) ;
  • Que le groupe de travail sur le carbone noir et le méthane (créé lors de la réunion ministérielle à Iqaluit en 2015) poursuive ses efforts pour identifier les opportunités de réduction des émissions des polluants à courte durée de vie (ce type de polluant regroupant les gaz à effet de serre qui ont un effet de court terme sur le climat) ;
  • Qu’il y ait un encouragement du développement et de la mise en application des énergies vertes dans la région arctique et ce également par la promotion des échanges de connaissances (principalement pour les petites communautés se retrouvant isolées). 

La troisième thématique concerne les communautés en Arctique. L’Islande insiste donc sur : 

  • La mise en œuvre d’initiatives, par le Conseil de l’Arctique, visant à promouvoir le bien-être des quatre millions de personnes vivant dans la région ;
  • La prise en considération des changements environnementaux affectant ces populations ainsi que leur moyen de subsistance ;
  • La nécessité d’agir le plus rapidement possible afin de renforcer la résilience et l’adaptation de ces communautés face au changement climatique ;
  • La promotion de la croissance et la prospérité régionale par le développement de nouvelles opportunités économiques (et ce par le développement du transport maritime et du tourisme qui, du point de vu islandais, permettrait de contribuer à leur prospérité). En effet, l’inclusion sociale ne doit pas être délaissée au profit du développement économique ;
  • Le développement des télécommunications (par l’amélioration des connectivités) qui permettrait aux communautés d’accéder à un panel de services et de participer à l’économie numérique5 ;
  • La promotion de l’égalité des sexes et les questions de genre par un renforcement d’un réseau d’experts et d’acteurs sur le terrain. 

Enfin, la dernière thématique concerne le renforcement du Conseil de l’Arctique qui, pour l’Islande, doit nécessairement passer par une coopération constructive de nature à :

  • Assurer des consultations étroites entre les États membres et les membres permanents ainsi qu’une consolidation de la participation des observateurs ; 
  • Développer les liens entre le Conseil de l’Arctique d’une part et le Conseil Économique de l’Arctique d’autre part.

Perspectives :

  • Reykjavík entend élargir la place et la légitimité des études scientifiques et de facto des groupes de travail du Conseil de l’Arctique dans la gouvernance régionale remettant en question les mesures prises à des fins essentiellement économiques et commerciales. 
  • Du fait du retrait des États-Unis des accords de Paris et du manque de considération de l’administration Trump pour les questions environnementales, il semble, pour le moment, difficile pour la présidence islandaise d’aboutir à une déclaration commune. Rencontrerons-nous un échec similaire à celui de la présidence finlandaise (2017-2019) à faire reconnaître l’urgence climatique ?6
Sources
  1. ARCTIC COUNCIL (2019), Iceland’s Chairmanship 2019-2021, https://arctic-council.org/index.php/en/about-us/arctic-council/iceland-chairmanship.
  2. Traduction de Nicolas Verrier.
  3. ARCTIC COUNCIL (2019), report : Together towards a sustainable arctic, https://arctic-council.org/images/all_layout_images/Icelandic_Chairmanship/Arctic_Council-Iceland_Chairmanship_2019-2021_(003).pdf.
  4. Pour en savoir plus sur la blue-economy en Arctique : VERRIER Nicolas, de nouvelles réalités économiques dans le paysage institutionnel Arctique : quelles-sont les perspectives de développement ?, Le Grand Continent, octobre 2019, https://legrandcontinent.eu/fr/2019/10/16/de-nouvelles-realites-economiques-dans-le-paysage-institutionnel-arctique-quelles-sont-les-perspectives-de-developpement/
  5. Pour en savoir plus sur l’économie numérique : G.GUERRERO Gabriela, économie numérique : définition et impacts, BSI Economics, 2015, http://www.bsi-economics.org/546-economie-numerique-definition-impacts.
  6. ESCUDÉ Camille, l’administration Trump, trouble-fête de la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique, Le Grand Continent, mai 2019, https://legrandcontinent.eu/fr/2019/05/09/ladministration-trump-trouble-fete-de-la-reunion-ministerielle-du-conseil-de-larctique/.