Shanghai. La société Hudong-Zhonghua Shipbuilding, filliale de la China State Shipbuilding Corporation (CSSC), société leader de la construction navale chinoise, devrait être en mesure de procéder au lancement du PHA de Type 075, un bâtiment dédié aux opérations amphibies de près de 40 000 tonnes, susceptible de permettre le déploiement de marines chinois et d’une trentaine d’hélicoptères de tous types1. La Chine devrait disposer à l’horizon 2021 de trois bâtiments de ce type, qui viendront s’ajouter aux huit Landing Platform/Dock (LPD) de Type 071, d’un tonnage limité à 25 000 tonnes et susceptibles d’autoriser le déploiement d’une quarantaine de véhicules de combat amphibie (AFV) de Type 05. L’infanterie de marine chinoise, aux effectifs croissants,2 disposera dès 2021 de 11 bâtiments dédiés aux seules opérations amphibies, à la projection des forces et à la guerre expéditionnaire, efficacement soutenue par une industrie navale particulièrement ambitieuse3.

Ces développements traduisent l’intérêt renouvelé de Pékin pour l’engagement expéditionnaire, fondé sur la capacité d’une force armée à se déployer loin de ses bases traditionnelles et par conséquent de faire face à un volume important de contraintes logistiques. Les PHA représentent dans ce contexte un outil particulièrement pertinent : ils permettent le déploiement de contingents importants, de forces mécanisées respectables et d’une couverture aérienne relativement dense, tout en fournissant aux unités navales un bâtiment de commandement autour duquel est bâtie la structure opérationnelle de la campagne engagée. Sans eux, la Chine ne peut prétendre à la suprématie en mer de Chine et plus largement dans l’Indopacifique : ses capacités amphibies déterminant en ce sens ses ambitions ultramarines4.

La géographie de l’Indopacifique, sa multitude d’îles et d’îlots à contrôler ou à soumettre, commandent aux nations susceptibles d’y combattre de s’intéresser de près aux opérations amphibies et aux principes élémentaires de la guerre expéditionnaire. Les efforts consentis en ce sens par le Japon et la Corée du Sud prouvent que les préoccupations des états-majors chinois n’échappent pas aux autorités politiques et militaires de Tokyo et de Séoul5. Depuis 2014, le Japon insiste ainsi sur le développement de ses capacités amphibies6 tandis que la Corée du Sud étudie la possibilité de déployer des F-35B sur ses propres porte-aéronefs7 via le développement d’une classe de bâtiments capable de succéder aux Dodko8.

Perspectives :

  • En dehors des États-Unis, les pays membres de l’Alliance atlantique affichent des capacités amphibies limitées, voire négligeables : si la France possède par exemple trois porte-hélicoptères amphibies (PHA) de classe Mistral particulièrement polyvalents, l’Espagne de trois porte-hélicoptères d’assaut Juan Carlos et le Royaume-Uni de deux Albions, aucun de ces bâtiments ne saurait être comparé aux huit puissants Wasps de l’US Navy, tous capables de procéder au déploiement d’une Marine Expeditionary Unit (MEU) de près de 2 000 hommes et équipés d’hélicoptères et de F-35B, pour un tonnage total presque deux fois supérieur aux unités européennes susmentionnées9. Dans un même temps, la marine italienne s’est récemment dotée du LHD Trieste, qui, avec un tonnage total de près de 33 000 tonnes, devrait constituer une excellente plateforme de combat amphibie10.
  • Les capacités amphibies du Royaume-Uni constituent un cas à part : la Royal Navy devrait disposer à l’horizon 2020 de deux porte-aéronefs de classe Queen Elizabeth relativement imposants susceptibles d’assurer la couverture d’opérations de la mer vers la terre, mais ne dispose pas pour autant d’unités navales amphibies depuis le retrait des PHA Ocean (2018) en dehors des Albions aux capacités limitées. Ce déficit capacitaire ne devrait néanmoins pas durer éternellement : avec le Future Littoral Strike Ship (FLSS) la Royal Navy récupérerait la capacité de mener des opérations de la mer vers la terre, même si ces capacités serviraient avant tout au déploiement de commandos et de forces spéciales11.
Sources
  1. JOE Rick, The Future of China’s Amphibious Assault Fleet, The Diplomat, 17 juillet 2019
  2. Red seas : China’s advancing amphibious force capabilities, Jane’s International Defence Review, 2019
  3. JULIENNE Marc, À la conquête des océans et des marchés, les ambitions de la marine et de l’industrie navale chinoise, Fondation pour la Recherche Stratégique, 1 octobre 2018
  4. Amphibious Warfare : The Key to China’s Overseas Military Ambitions, Stratfor, 26 juillet 2019
  5. CHILDS Nick, Asia-Pacific amphibious capability developments, International Institute for Security Studies, 16 février 2018
  6. PFIMLIN Edouard, Le Japon met la force amphibie au cœur de sa défense, Institut de Relations Internationales et Stratégiques, 10 mars 2014
  7. AXE David, South Korea Is Getting New Destroyers, Submarines and Maybe F-35s on ‘Aircraft Carriers’ ?, The National Interest, 30 avril 2019
  8. TREVITHICK Joseph, South Korea Kicks Off Development Of A New Amphibious Ship Designed To Carry F-35Bs, The Drive, 25 juillet 2019
  9. Comparing British amphibious capability with NATO allies, UK Defence Journal, 22 mars 2018
  10. PERUZZI Luca, Italian Navy’s LHD Trieste launched, The Australian Naval Institute, 2 juin 2019
  11. Future Littoral Strike Ship : Regaining The Royal Navy’s Global Reach, Global Defence Technology