Londres. Le 18 février, sept députés travaillistes de la Chambre des Communes ont décidé de quitter leur parti pour créer le « groupe indépendant ». Dans les jours qui ont suivi, ils ont été rejoints par quatre autres députés (un travailliste et trois conservateurs) désireux, également, de s’opposer au processus du Brexit tel qu’il est actuellement traité par les deux grands partis traditionnels de gouvernement (1).
Cette rupture a immédiatement fait l’objet de nombreuses analyses dans la presse britannique. Les précédentes tentatives parlementaires de créer une troisième voie à Westminster ont été largement rappelées, dans un pays où le système électoral – the first-past-the-post – offre un avantage inexorable aux partis dominants. De ce point de vue, même si les sondages créditent déjà le TIG (The Independent Group) de près de 14 % d’intentions de vote, les chances de le voir constituer une nouvelle force en mesure de compter aux prochaines élections restent faibles selon la plupart des analystes. En effet, ce mouvement traduit d’abord la lassitude des élus, et de l’opinion, face à l’incapacité du gouvernement britannique de maîtriser le processus du Brexit (2).
Ainsi, le TIG se définit essentiellement par ce à quoi il s’oppose – la domination des courants les plus extrêmes chez les Conservateurs comme chez les Travaillistes – plutôt que par un programme. Néanmoins, cette rupture politique semble avoir déjà eu quelque effet sur le Parti travailliste, puisque dans les jours qui ont suivi le début d’hémorragie Jeremy Corbyn s’est empressé d’accepter l’idée d’un second référendum pour éviter un Brexit sans accord. Le TIG exerce donc déjà de l’influence avant même d’être pleinement constitué en une nouvelle force politique.
Répond-il pour autant à la lettre adressée par Emmanuel Macron aux citoyens européens, qui qualifie le Brexit de « symbole de la crise de l’Europe, qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde contemporain » ? Il est trop tôt pour le savoir. Avant même les élections européennes, le résultat ou le report des exténuantes négociations sur le Brexit réservera dans les prochaines semaines de nouveaux coups de théâtre.
Pour le président français, très dur dans ses attaques directes contre les mensonges de la classe politique italienne anti-européenne, le Brexit est un contre-exemple, un « piège » nourri du « mensonge et [de] l’irresponsabilité ». Si la situation dégénère à Londres, le TIG pourrait voir son espace, plus centriste et libéral, rejoindre certaines visions du président français, d’autant plus qu’Emmanuel Macron a fait de la permanence du Royaume-Uni dans le dispositif de sécurité et de défense entre Européens une priorité.
Perspectives :
- Les propos d’Emmanuel Macron ont retenu l’attention de la presse, d’une façon très polarisé entre Brexiters et Remainers. D’un côté, le Guardian met en garde contre l’approche descendante du président Macron, en insistant sur le fait que plus que jamais, l’Europe a besoin de la Grande Bretagne. De l’autre côté, le ministre aux affaires étrangères Jeremy Hunt, a déclaré que le public britannique est « suffisamment intelligent pour se faire ses propres opinions. La décision de quitter l’Union européenne doit être respectée”.
Sources :
- GRICE Andrew, TIG has shaken up the Labour Party – with the threat of 70 more defections chipping away at Corbyn’s power, The Independent, 1 mars 2019.
- PRICE Andy, The Independent Group : this is a huge statement against Brexit tribalism that could really change British politics, The Conversation, 20 février 2019.
Vera Marchand