En bref – Le sommet de Varsovie du 13 et 14 février a rassemblé 60 pays en présence du Vice-président et Secrétaire d’État américains. Le dossier iranien y a eu la part belle, signant la fracture entre les États-Unis et les européens , ces derniers s’opposant toujours à la stratégie de « pression maximale » de l’administration Trump, mais signant également le réchauffement israélo-arabe à la faveur d’une hostilité commune à la République Islamique.

Varsovie. Mercredi 13 et jeudi 14 février s’est déroulé le sommet « pour la paix et la sécurité au Moyen-Orient » à Varsovie. Parrainé par l’administration américaine, ce sommet était certes parti sur les mauvais rails. Organisé à l’origine avec pour objectif officiel de « contrer l’influence néfaste de l’Iran au Moyen-Orient », quelques jours après les célébrations du quarantenaire de la révolution en Iran (le 11 février), il avait suscité de la part de Téhéran, qui n’avait pas été invitée, une colère prévisible. L’organisation du « cirque de Varsovie » a été prise comme un « acte hostile à l’Iran », comme cela a été notifié par le ministère iranien des affaires étrangères au chargé d’affaires polonais à Téhéran (3).

Varsovie a aussi été une pomme de discorde entre les États-Unis et l’Union Européenne (UE). En effet, les chancelleries européennes ont vu dans ce sommet une grossière tentative de diviser l’Europe sur le dossier iranien, alors que le mécontentement grandirait à l’Est de l’Union sur la gestion du dossier par les E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni) et notamment sur le lancement d’INSTEX, instrument financier destiné à protéger le commerce européen des sanctions américaines, le 31 janvier dernier (2). En conséquence, les ministres des affaires étrangères français et allemands, ainsi que la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, ont décliné l’invitation. Face à ces réactions, les organisateurs polonais et américains ont décidé de modifier le thème du sommet, devenu « sommet pour la paix et la sécurité au Moyen-Orient ». Mais rien n’y a fait. La faille transatlantique s’approfondit, d’autant que le Vice-président Mike Pence a critiqué au cours du sommet les démarches des E3 pour préserver le JCPOA, et, chose inédite, les a appelés à se retirer de l’accord à leur tour (4).

Ce sommet aura néanmoins réussi à réunir autour de la table Benjamin Nétanyahou et les pays du Golfe, pour la première fois depuis le début des années 90 (1), scellant ainsi l’alliance de circonstance contre l’Iran en gestation depuis plusieurs mois. Le Premier Ministre israélien a d’ailleurs confirmé sur Twitter que Varsovie avait permis de sceller « l’intérêt commun » d’Israël et des pays du Golfe « dans un guerre contre l’Iran », avant de se reprendre : « dans une lutte contre l’Iran ». Ce tweet vient couronner une montée des tensions entre l’Iran et Israël, depuis l’annonce du retrait américain de Syrie, où l’aviation israélienne frappe désormais régulièrement les bases iraniennes et les alliés locaux de la République Islamique. Un officier supérieur des Gardiens de la Révolution avait notamment menacé ces derniers jours de « raser Tel-Aviv et Haïfa ».

Perspectives :

  • Déçues des efforts européens pour contrer les sanctions, les autorités iraniennes, évoquent de plus en plus ouvertement la possibilité d’une improbable sortie du JCPOA, qui aurait néanmoins pour effet de forcer l’Europe à adopter la ligne américaine.
  • La Palestine est la grande absente de ce sommet. Jared Kushner y aurait pourtant présenté les grandes lignes de son plan de paix pour le Moyen-Orient, qui devrait être présenté après les élections législatives israéliennes, le 9 avril.

Sources :

  1. ABDO Geneive, Iran should be worried about the Warsaw summit, The National Interest, 13 février 2019.
  2. BURAS Piotr, GERANMAYEH Ellie, SHAPIRO Jeremy, Warsaw ‘Iran’ summit : What lies beneath, European Council on Foreign Relations, 24 janvier 2019.
  3. Iran protests to Poland over Iran-focused summit, Reuters, 13 janvier 2019.
  4. WROUGHTON Lesley, PTAK Alicja, Pence, at summit, lashes out at Europeans over Iran, Reuters, 14 février 2019.