Strasbourg. La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a annoncé son arrêt dans l’affaire “Géorgie contre Russie’’ concernant l’arrestation, la détention et l’expulsion collective de ressortissants géorgiens de Russie en automne 2006. Selon la décision soutenue par seize juges contre un, la Russie est condamnée pour le préjudice moral subi par un groupe d’au moins 1500 ressortissants géorgiens et doit verser 10 millions d’euros à la Géorgie sous trois mois (3).

La déportation massive a été précédée par l’arrestation de quatre officiers russes accusés d’espionnage par le gouvernement géorgien en septembre 2006. Selon le gouvernement géorgien, plus de 4600 ordonnances d’expulsion ont été émises par des autorités russes contre des ressortissants géorgiens au cours de cette période, dont 2300 ont été arrêtées et expulsées de force, alors que les autres ont quitté le pays par leurs propres moyens (1).

Dans un premier arrêt rendu en juillet 2014, la CEDH avait confirmé les revendications de la Géorgie selon lesquelles les autorités russes avaient mis en œuvre « une politique coordonnée d’arrestation, de détention et d’expulsion » de ressortissants géorgiens vivant en Russie. Selon cette décision, la Russie a été condamnée pour mise en oeuvre d’expulsions collectives, traitements inhumains et dégradants, détentions arbitraires et l’absence d’un recours effectif (3).

La chambre, dont la décision est définitive et sans appel, indique que ce montant sera distribué aux victimes individuelles en versant 2000 euros aux géorgiens qui ont été uniquement victimes d’une violation de l’article 4 du Protocole n°4 (expulsion collective), et en versant de 10 000 à 15 000 euros à ceux d’entre eux qui ont également été victimes d’une violation des articles 5 § 1 (privation illégale de liberté) et 3 (conditions de détention inhumaines et dégradantes) de la Convention européenne des droits de l’homme, en prenant en compte la durée de leurs détentions respectives (2).

Perspectives :

  • Cette condamnation intervient à un moment où Moscou menace de quitter le Conseil de l’Europe. Pourtant cela ne l’exonérerait pas de répondre devant elle des requêtes déjà pendantes (4).
  • Deux autres requêtes introduites par le gouvernement géorgien sont en attente. L’une a été déposée après le conflit armé d’août 2008 entre la Géorgie et la Russie à propos de l’Ossétie du Sud, une région séparatiste de la Géorgie. La seconde, introduite en août 2018, concerne la détérioration de la situation des droits de l’Homme, le long de la “frontière administrative” entre les territoires contrôlés par la Géorgie et l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, contrôlée par la Russie.

Sources :

  1. ECHR : Russia must pay Georgia €10,000,000 for arrest, expulsion of Georgians in ‘06-’07, Agenda.ge 31 janvier 2019.
  2. Arrêt de satisfaction équitable dans l’affaire Géorgie c. Russie (I), Communiqué de Presse, Greffier de la Cour, CEDH, 31 janvier 2019.
  3. ჩიჩუა, ნინო, სტრასბურგის სასამართლომ რუსეთს საქართველოს მოქალაქეებისთვის 10 მლნ ევროს გადახდა დააკისრა, ნეტგაზეთი (CHICHUA Nino, La CEDH a imposé à la Russie de verser 10 millions d’euros aux citoyens géorgiens, Netgazeti, 31 janvier 2019).
  4. REILHAC Gilbert, Moscou condamné par la CEDH à verser 10 millions d’euros à la Géorgie, Reuters, 31 janvier 2019.

Rusudan Khotivari