Stockholm. 11 des 18 (sur 20 sièges) parlementaires suédois présents jeudi à Strasbourg ont voté contre le projet de directive européenne sur l’emploi. Parmi eux, des membres des Modérés, Démocrates de Suède, Chrétiens-Démocrates, Libéraux et des membres du Parti du Centre. Sept membres des Sociaux-Démocrates se sont en revanche abstenus. Le projet prévoit notamment la création d’une Agence européenne pour l’emploi. L’objectif serait de pouvoir fournir des informations relatives aux droits, aux obligations, aux postes vacants et aux formations. Cette agence permettrait en outre de pouvoir effectuer des inspections conjointes avec les autorités nationales pour prévenir la fraude et les abus. La proposition est actuellement en examen au Parlement européen et auprès des États membres. L’agence doit être totalement opérationnelle en 2023 (5).
Les parlementaires suédois craignent notamment que la directive européenne remette en question le modèle social. En effet, le marché du travail suédois est fondé sur les conventions collectives signées entre les représentants syndicaux des salariés et du patronat. La mise en oeuvre d’une législation supranationale remettrait donc en cause ces accords signés au niveau national. La sociale-démocrate Marita Ulvskog, présidente suédoise de la commission de l’emploi au Parlement européen, soutient la proposition mais s’inquiète du fait que la Commission puisse à l’avenir définir qui représente les salariés et les employeurs, ce qui rentrerait en contradiction directe avec la loi suédoise. Comme six autres représentants sociaux-démocrates, elle s’est donc abstenue jeudi pour montrer son soutien au projet sans en valider l’ensemble des dispositions. Les représentants du patronat suédois à Bruxelles sont eux aussi hostiles à la mise en place d’une telle directive, arguant de la maturité du marché du travail suédois qui utilise les conventions collectives depuis plus d’un siècle (3).
Le débat a pris une dimension politique en Suède. Si les principales centrales syndicales comme LO, SACO et TCO se félicitent de la proposition de la Commission car elles saluent la mise en place d’un volet social au sein de l’UE, elles restent prudentes et annoncent défendre la proposition si elle conduit à une protection sociale renforcée pour les travailleurs qui résident dans d’autres États membres (4). Dans les milieux politiques, le débat est vif dans un contexte où le pays n’a toujours pas de gouvernement après les élections du 9 septembre dernier. Les principaux partis du Riksdag présentent donc des positions diverses. Le gouvernement par intérim de Stefan Löfven (social-démocrate) soutient toujours la proposition, issue du sommet social de l’Union qui s’est tenu le 17 novembre 2017 à Göteborg (2). Toutefois, la ministre du Travail suédoise, Ylva Johansson, s’est montrée critique quant au coût de l’agence, estimée à 500 millions de couronnes suédoises par an (environ 50 millions d’euros). De leur côté, les Modérés (droite) critiquent le renforcement de l’influence européenne sur la politique sociale suédoise (1).
Sources :
- ENSTROM Karin et FJELLNER Christofer, Låt oss rädda den svenska modellen innan EU lagstiftar, Götebogs-Posten, 17 novembre 2018.
- Social Summit for Fair Jobs and Growth, Government of Sweden, 17 novembre 2017.
- KLEJA Monica EU-politiker efter omröstning : Den svenska modellen hotas, EuropaPortalen, 19 novembre 2018.
- LILJEHEDEN Andreas Ny EU-myndighet vållar svensk inrikesstrid, EuropaPortalen, 14 mars 2018.
- LOPEZ Natacha EU-utskott vill ha europeisk arbetsmyndighet, EuropaPortalen, 21 novembre 2018.
Thomas Gauchet