Vienne. Une taupe à la solde du Kremlin à la Défense autrichienne. C’est ce qu’ont annoncé le chancelier Sebastian Kurz et le ministre de la Défense Mario Kunasek lors d’une conférence de presse organisée à la hâte et avec fureur vendredi matin au siège de la Chancellerie (6). Un colonel de l’armée autrichienne aurait transmis des informations confidentielles aux Russes pendant plus de vingt ans, en échange d’une importante somme d’argent. L’espion, aujourd’hui à la retraite, serait un Salzbourgeois de soixante-dix ans qui n’occupait pas de postes de direction mais qui avait toujours accès au réseau de l’armée, en plus de participer aux réunions de l’Otan. L’homme, dont l’activité a été signalée aux autorités autrichiennes par les services secrets d’un pays ami (peut-être l’Allemagne), n’a agi que par cupidité et non pour des raisons idéologiques.

La révélation sensationnelle, anticipée par le site Internet du journal Kronen Zeitung (5), a fait l’objet d’un reportage informatif jeudi soir par le ministre de la Défense à Kurz lui-même, qui devait ensuite rendre compte au président de la République Alexander Van der Bellen et au ministre des Affaires étrangères Karin Kneissl. Kneissl avait fait sensation l’été dernier en invitant le président russe Vladimir Poutine à son mariage en Styrie.

Le thème des relations avec la Russie est donc revenu au premier plan, surtout à la lumière des relations cordiales qui ont toujours été entretenues par les partenaires gouvernementaux de Kurz, le parti d’extrême droite du vice-chancelier Strache, avec Moscou et le Kremlin. L’opposition (les écologistes de Peter Pilz et les libéraux Néos) s’est immédiatement levée (4) pour dénoncer les risques sécuritaires découlant du contrôle d’un parti pro-russe tel que le Fpö des départements clés comme la Défense, l’Intérieur et les Affaires étrangères (la ministre Kneissl esta été proposée par le parti de Heinz-Christian Strache). Le président Van der Bellen a fait une déclaration publique à la presse selon laquelle “l’espionnage est inacceptable” (3), tandis que la ministre Kneissl a annulé une visite à Moscou prévue en décembre. Le ministère russe des Affaires étrangères n’a pas attendu une réponse rapide : le chef de la diplomatie Sergej Lavrov s’est décrit comme “surpris” et a critiqué l’Autriche pour avoir adopté une “diplomatie du mégaphone” (1).

Perspectives :

  • La dénonciation immédiate révèle une sorte de théâtralité ostentatoire, destinée à envoyer un message clair sur les relations entre l’Autriche et la Russie. Dans le quotidien progressiste Der Standard, le chroniqueur Eric Frey décrit le cas comme une opportunité de changement de cap de la part de Kurz, plus soucieux d’être accrédité comme leader pro-européen (surtout sous la présidence du Conseil de l’Union) que comme allié de Vladimir Poutine (2).
  • Ce n’est pas la première fois qu’un membre de l’armée autrichienne commet un crime d’espionnage militaire en faveur des Russes. Le très populaire journal Kronen Zeitung a défini l’espion comme le nouveau « Colonel Alfred Redl », du nom de l’officier Habsbourg découvert (et invité à se suicider) pendant la Première Guerre mondiale.

Sources :

  1. Regierung veröffentlicht Spionagefall, Russland beklagt « Megafon-Diplomatie », Der Standard, 9 novembre 2018.
  2. FREY Eric, Russischer Spionagefall : Anlass für Kurskorrektur, Der Standard, 9 novembre 2018.
  3. KLAMAR Joe, Van der Bellen : « Spionage ist inakzeptabel », Die Presse, 9 novembre 2018.
  4. NEUBAUER, Herbert, Liste Pilz und Grüne kritisieren FPÖ als « Sicherheitsrisiko », Die Presse (9 novembre 2018).
  5. SCHMITT Richard, Für Russen spioniert : Offizier kassierte 300.000 €, Kronen Zeitung, 9 novembre 2018.
  6. ULTSCH Christian, Putins Spion im Wiener Verteidigungsministerium, Die Presse 9 novembre 2018.

Simone Ros