Kyiv. Alors que l’image humaniste et universaliste de l’Union s’estompe au profit de l’individualisme national et que les tensions avec la Russie regagnent en intensité, l’Intermarium (Union Baltique-Mer Noire) est devenue l’une de ces utopies dont se nourrissent aujourd’hui les nationalistes ukrainiens du mouvement Azov pour donner un sens plus exaltant à leurs entreprises politiques, mais aussi dépasser le simple retour à la garantie des frontières ukrainiennes (1). Afin de donner corps à ce nouveau bloc géopolitique, il faut de toute évidence fédérer les nationalistes européens et progressivement les associer à une véritable quête idéologique d’unité.

Réunissant des représentants de diverses organisations d’extreme droite, tel que Casapound (Italie), Alliansen (Norvège), JN-NPD (Allemagne), le panel de conférences et tables rondes de la semaine pan-européenne aura pour but de constituer un réseau d’alliances, courroie de transmission d’idées et stratégies en vue d’une révolution nationaliste et suprematiste européenne. Cette révolution transnationale serait pour eux la confirmation d’un retour à la Nation à l’échelle de l’Europe. Avec la montée des idéaux conservateurs et nationalistes, ce sont l’Ouest mais aussi dorénavant l’Est qui réinventent leurs identités dans un sens ethno-culturel commun sous l’égide d’Azov (3). Comme le proposait au XIXème siècle le théoricien Johan Gustav Droysen, l’Europe nationaliste pourrait alors devenir “un bloc à la manière de l’Empire Allemand en jouant à son tour un rôle civilisateur et de garant de la culture”. L’Europe se trouverait par là réconciliée avec son passé et reconstruite sur un projet strictement identitaire.

Outre cette dimension volontariste, la semaine pan-européenne sera marquée par la venue de Greg Johnson, figure notoire de l’alt right américaine et du “nationalisme blanc”. Si le personnage de Johnson reste peu connu en Europe son déplacement en Ukraine est plus que symbolique. Là où Stephen Bannon peine à rassembler les droites populistes européennes autour de lui, Johnson serait-il en passe de réussir au sein des droites radicales ? Sur quels critères se noueront les alliances ? L’alt right jusqu’alors enclins au rapprochement avec la Russie serait-elle de revoir les paradigmes de sa politique internationale ?

Réflexions, utopiques certes, mais nourries de pratiques et de démarches originales, l’Intermarium et la Reconquista font pour la première fois de l’Ukraine un pivot de la réflexion (nationaliste) sur le rôle de l’Europe dans la recomposition géopolitique actuelle (2). Difficile de trouver, et surtout dans les forces d’extreme droite actuelles, une telle synthèse de la stratégie politique au quotidien et de la prospective.

Perspectives :

  • Le 14 octobre prochain date où l’Ukraine célèbrera les combattants de l’UPA se tiendra le congrès du parti Corps National d’Azov. Ce congrès aura pour principale tâche de fixer les objectifs électoraux du parti qui s’apprête à vivre ses premières élections

Sources :

  1. COHEN Josh, Commentary : Ukraine’s neo-Nazi problem, Reuters, 19 mars 2018.
  2. HURSKA Alla & SUKHANKIN Sergey, Ultranationalist forces in Ukraine (1991-2014), Eurasian Hub, 2014
  3. JOLLY Vincent, Ukraine : les milices extrémistes du bataillon Azov, Le Figaro, 18 mai 2018.