Téhéran. Le chef de l’Agence Spatiale Iranienne (ISA), Morteza Barari, a déclaré le 1er octobre 2018 l’intention de l’Iran de procéder avant la fin de l’année (21 mars) au lancement et à la mise en orbite de 3 nouveaux satellites, dont deux satellites de surveillance (4). Cette annonce marque la volonté de Téhéran de s’affirmer comme une puissance spatiale émergente dans la région, et de rattraper ses voisins du Golfe qui n’ont cessé d’augmenter la taille de leur arsenal spatial ces dernières années (2). À l’heure où l’Iran est de plus en plus investi sur des théâtres d’affrontements régionaux, en Syrie, et dans une moindre mesure au Yémen, l’émergence de Téhéran comme un acteur de la scène aérospatiale au Moyen-Orient inquiète.

Les ambitions iraniennes en matière de surveillance dans le domaine spatial suscitaient déjà nombre d’interrogations en 2013, notamment lorsque l’ancien ministre de la Défense, le Général Ahmad Vahidi, déclarait que l’Iran “essay[ait] de développer des systèmes radars pour détecter le passage des satellites” (1).

En effet, si la collaboration russo-iranienne en matière de renseignement et d’imagerie satellite vient déjà appuyer les opérations iraniennes en Syrie, l’augmentation de ces capacités pourrait se révéler extrêmement utile sur un terrain comme le Yémen afin de fournir un appui tactique aux milices sur place, dans l’identification et le ciblage d’objectifs militaires par exemple. La perspective de la capacité de Téhéran à mener des opérations militaires depuis l’espace est aussi l’une des préoccupations des acteurs régionaux, bien qu’une telle perspective soit encore loin d’être envisageable (3).

La réussite des opérations de lancement et de mise en orbite de ces satellites sera également une vitrine pour le très controversé programme balistique de la république islamique. En effet, sa capacité à placer un satellite en orbite géostationnaire (à 36 000 km) finira de déterminer sa maîtrise de la technologie de lanceurs de longue portée, et par conséquent de missiles intercontinentaux.

Ainsi, il ne fait aucun doute que l’ensemble des acteurs de la sécurité de la région porteront une attention particulière aux avancées iraniennes dans le domaine aérospatial. De son côté, il est peu probable que la communauté européenne voit d’un bon œil ces développements, elle qui ne cesse d’enjoindre l’Iran à freiner le développement de son programme balistique.

Perspectives :

  • 26 – 28 octobre 2018 : Tenue au Bahreïn du Manama Dialogue sur la sécurité régionale.
  • 4 novembre 2018 : retour des sanctions américaines à l’encontre de la Banque Centrale Iranienne (BCI) et des exportations de gaz et de brut iranien.
  • Avant le 21 mars 2018 : lancement prévu de 3 nouveaux satellites iraniens.

Sources :

1. GAILLARD-SBOROWSKY Florence (dir.), Sécuriser l’espace extra-atmosphérique Éléments pour une diplomatie spatiale, Fondation pour la Recherche Stratégique, rapport n°152, p.131, 28 février 2016.

2. GAUB Florence et STANLEY-LOCKMAN Zoe, Defence industries in Arab states : players and strategies, ISSUE, CHAILLOT PAPER n° 141, mars 2017.

3. NADIMI Farzin, Iran’s Space Program Emerges from Dormancy, The Washington Institute, 1 août 2017.

4. RAHMANI Morteza, Iran to catch up with global space industry, Mehr News Agency, 2 octobre 2018.

Pour aller plus loin :

La nouvelle guerre des étoiles, Affaires étrangères, sur France culture, diffusée le 29 septembre 2018.

Pour le cadre juridique et institutionnel des activités spatiales internationales, se référer au traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, de 1967.