Ankara.  C’est Mevlüt Çavuşoğlu lui-même, ministre turc des Affaires étrangères, qui a déclaré que des « renforts supplémentaires de troupes » seraient nécessaires dans la région frontalière avec la Syrie et en particulier pour défendre Idlib. C’est à Ankara qu’incombe la tâche difficile d’isoler les factions rebelles les plus dangereuses du territoire syrien et de créer une zone démilitarisée avec la Russie. C’est également ce qu’indique l’accord conclu la semaine dernière.

Le pacte entre le président turc Recep Tayyip Erdoğan et son homologue russe Vladimir Poutine a été salué par Ankara comme un triomphe de la diplomatie. Il semblerait éviter une crise humanitaire que l’on craint depuis un certain temps, si le régime syrien avait lancé une attaque pour nettoyer la zone.

Toutefois, l’accord risque d’entraîner la Turquie, qui contrôle déjà une partie du territoire syrien adjacent à sa frontière, encore plus profondément dans le conflit. Plus précisément, le plan approuvé par les dirigeants lors d’une réunion à Sotchi, en Russie, établit une zone démilitarisée de 15 à 20 kilomètres autour d’Idlib, essayant d’isoler les rebelles armés et les forces loyales au gouvernement syrien. La zone s’appuie fortement sur une ligne de placettes d’observation turques et russes mises en place par les deux acteurs depuis fin 2017 (1).

En vertu de l’accord, certains des combattants de l’opposition qui ont débordé sur Idlib seront autorisés à rester sous sur le territoire occupé par la Turquie, tandis que la Russie veillera à ce qu’ils ne soient pas attaqués par les forces du régime. En contrepartie, la Turquie s’est engagée à faire en sorte que les groupes radicaux soient retirés de la zone tampon nouvellement approuvée (2).

Perspectives :

  • Selon les analystes, la situation pourrait se transformer en un scénario assez complexe, jusqu’à la possibilité de représailles en Turquie. Les factions telles que Hay’at Tahrir al-Sham, qui dérivent de Jabhat al-Nusra, affilié à Al-Qaida, représentent un risque élevé.
  • La Turquie a jusqu’au 15 octobre pour veiller à ce que tous les combattants radicaux et les armes lourdes soient retirés de la zone démilitarisée. Il s’agit d’une feuille de route plutôt courte pour une tâche aussi compliquée.
  • Enfin, même parmi certains des alliés turcs au sein de l’opposition syrienne, on peut douter que la Russie respectera son engagement à réduire les forces pro-régime, y compris les milices iraniennes. Pour compliquer le tout, le président syrien Bachar al-Assad a la ferme intention de reprendre « chaque pouce » de la Syrie.

Sources :

  1. Iran hails Russia-Turkey agreement on Idlib buffer zone, Al Jazeera, 18 septembre 2018.
  2. KARASAPAN Omer M., The Idlib agreement and other pieces of the Syrian puzzle, Brookings, 17 septembre 2018.