Souleimaniye. L’Iran a attaqué samedi dernier une base militaire de l’opposition kurde au nord de l’Irak, faisant onze morts et une trentaine de blessés, lors d’une réunion politique du Parti Démocrate Kurde d’Iran (PDKI). L’attaque a été dénoncé par le gouvernement régional du Kurdistan (1), à la suite de plusieurs mois de tensions dans l’Iran occidental entre les forces de sécurité et des groupes d’opposition kurdes.

En effet, le PDKI accusait, par une lettre ouverte du 26 juillet 2018, le gouvernement iranien d’essayer de détourner l’attention de la population des problèmes intérieurs en menant des opérations militaires extérieures (dans le Kurdistan irakien) (3). De son côté, le Parti démocratique kurde (PDK) s’est séparé du PDKI en 2007, et affirme que les opérations armées ne permettent pas de résoudre la question kurde – position rappelée le 10 septembre par Khaled Azizi, officiel du PDK. Et malgré ce discours, une branche du PDK, les Protecteurs du Kurdistan oriental, a mené trois opérations meurtrières contre les forces iraniennes ces derniers mois.

Probablement en réaction, le 8 septembre, trois prisonniers Kurdes ont été exécutés, dans la prison de Raja’i Shahr, à Karaj (ville-dortoir de Téhéran). Le même jour, sept batteries de missiles furent utilisées près d’Azarshahr, au bord de la frontière avec le Kurdistan irakien, pour tirer sur une réunion du Parti démocrate kurde.

Étant donné la grandeur et la complexité du fort frappé par les missiles iraniens, la réussite de l’attaque témoigne du haut niveau des services de renseignement iraniens. Pour atteindre leur cible, ces-derniers auraient eu recours aux Russes, qui avaient construit le fort dans lequel se déroulait la réunion, et en avaient toujours les plans (3).

Pour les Gardiens de la Révolution, il s’agit d’une manière de signifier qu’ils sont prêts à en découdre, avec des groupes d’opposants, mais également avec des puissances étrangères. En effet, Ali Jafari, commandant des Gardiens, a déclaré jeudi dernier que ces frappes étaient “un message destinés aux ennemis, en particulier aux superpuissances qui pensent qu’elles peuvent nous imposer leurs plans machiavéliques” (5), et en a profité pour menacer “tous ceux qui se trouvent dans un rayon de 2000 km des frontières iraniennes”.

Bien entendu, l’attaque est sous-tendue par les tensions entre l’Iran et les États-Unis. Du côté iranien, le général en chef des forces armées, Mohammad Bagheri, a déclaré mercredi dernier que les États-Unis poussent des groupes terroristes irakiens à agir sur le sol iranien (4), et le chef du Conseil de sécurité nationale, Ali Shamkhani, que tout acte hostile contre l’Iran serait suivi de représailles “au décuple” (2). Le gouvernement américain, de son côté, a dénoncé l’attaque par l’intermédiaire du vice-président Mike Pence (4).

Perspectives :

  • 4 novembre : retour des sanctions américaines à l’encontre de la Banque Centrale Iranienne (BCI) et des exportations de gaz et de brut iranien.

Sources :

  1. GOODMAN David, Iranian Guards claims missile attack on Iraq-based Kurd dissidents, Reuters, 09 septembre 2018.
  2. HAFEZI Parisa, Senior security official says Iran will respond to any hostile action – Tasnim, Reuters, 10 septembre 2018.
  3. HAWRAMY Fazel, Iran missile strike opens door to escalation with Kurdish armed groups, Al-Monitor, 14 septembre 2018.
  4. PENCE Mike, Compte Twitter officiel.
  5. Iran’s missile strike on Iraq-based terrorists sends message to enemies, Press TV, 13 septembre 2018.

Pour aller plus loin :

TABATABAI Ariane, Iran and the Kurds – What the referendum means for Tehran, Foreign Affairs, 26.07.2017.

HERBERT Fabien, Idlib bientôt sous le feu syrien, La lettre du lundi, 02.09.2018