Aktaou, Kazakhstan. Pour parvenir à cet accord, chaque État a réussi à défendre certains intérêts de manière à y trouver son compte, mais pour des raisons différentes. Il est possible de distinguer deux types de victoires pour chacun des pays. D’un côté ceux qui en tireront un véritable bénéfice économique. De l’autre côté, les États pour qui l’accord politique et diplomatique prime sur les enjeux économiques.

Pour la Russie et l’Iran, cet accord est avant tout une victoire diplomatique. En plus de mettre fin à plus de vingt années de tractations, l’exclusion de la marine américaine dans la Caspienne représente un succès notable pour les deux États. Précédemment, le risque d’une présence américaine existait, à cause des liens politiques effectifs entre Washington et Bakou. Avant le sommet du 12 août, la mer Caspienne n’était ni une mer ni un lac au regard du droit international (1). L’accord signé le 12 août le confirme. La réglementation des frontières maritimes s‘appliquera comme si il s‘agissait d’une mer, mais comme pour un lac, aucune troupe étrangère ne pourra y stationner. De fait, l’accord exclut donc toute présence américaine dans la Caspienne. Pour Téhéran, cet accord est également l’occasion de tisser de nouvelles relations avec les États de la région. Un facteur qui peut avoir son importance dans le contexte actuel des sanctions américaines (3).

Pour le Kazakhstan, le Turkménistan et l’Azerbaïdjan l’intérêt de cet accord est avant tout économique (2). Le premier récupère dans cette zone le plus gros gisement pétrolier, équivalent à 13 milliards de barils. Pour le Turkménistan, ces nouvelles ressources pourraient permettre la mise en place du projet Tapi, un gazoduc reliant le Turkménistan à l’Afghanistan, au Pakistan et à l’Inde. Annoncé en décembre 2015, il devrait voir le jour en 2019. Enfin, l’Azerbaïdjan devrait profiter de l’ouverture de la Caspienne à la construction de pipelines. Alors que ces principaux fournisseurs sont en Europe (France et Italie), Bakou pourrait envisager d’augmenter ses revenus en Asie. Actuellement, pour Bakou seul l’Indonésie fait office de client important en Asie.

Perspectives :

  • Cet accord ne semble pas favoriser les intérêts des États européens. Au contraire, l’assise du leadership russe sur la région et l’influence croissante de la Chine, combinées aux réticences des sociétés civiles européennes à se lier à ces pays aux régimes souvent peu démocratiques, sont autant de barrières au développement d‘une influence européenne dans cette zone.
  • Avec la possible création de gazoducs dans la mer Caspienne, le Kazakhstan, l‘Azerbaïdjan et le Turkménistan pourront réduire leur dépendance géographique vis-à-vis de la Russie et de l’Iran. Les États européens pourront-ils en bénéficier ? À voir.

Sources :

  1. DOIX Vincent, Stratégie de la mer Caspienne : le dernier avatar de la mainmise russe , Diploweb, 25 septembre 2016.
  2. GRARE Frédéric, La nouvelle donne énergétique autour de la mer Caspienne : une perspective géopolitique, Cahiers d‘études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 1997.
  3. PLARD Augustin, Le cinquième sommet des États côtiers de la Caspienne, Lettre du lundi, Édition 19, 12 août 2018.

Fabien Herbert