Bagdad. Les élections législatives irakiennes du 12 mai 2018 devaient symboliser le renouveau de l’État irakien, en permettant de tourner la page après trois années de combat contre l’État islamique. À l’issue d’un scrutin marqué par un taux d’abstention record de 55,5 % (3), le mouvement religieux chiite de l’imam Moqtada al-Sadr a remporté les élections, en obtenant 54 des 329 sièges que compte le Conseil des Représentants — la chambre basse du Parlement irakien.
En prévision des élections, le leader chiite avait conclu une alliance inédite avec le Parti communiste irakien, une formation laïque dépassant les clivages confessionnels. Désireux de créer un mouvement “transreligieux et transethnique“ (1), le parti d’opposition dirigé par Moqtada al-Sadr entend lutter contre la corruption et le système confessionnel.
Toutefois, immédiatement après les élections, plusieurs partis politiques ont dénoncé le manque de transparence du scrutin et pointé des irrégularités dans certaines circonscriptions, en raison notamment de l’utilisation inédite de machines de vote électroniques. L’actuel Premier ministre Haider al-Abadi, dont la liste est arrivée en troisième position à l’issue du dépouillement, a quant à lui évoqué des “violations sans précédent“ lors de ce scrutin (4). Dans ce contexte particulièrement tendu, neuf juges nommés par la Cour suprême fédérale, la plus haute instance constitutionnelle d’Irak, ont annoncé le 24 juin qu’un nouveau décompte sera effectué à la main dans les circonscriptions qui ont donné lieu à une contestation, comme à Erbil, Kirkouk et Al-Anbar. Les votes de la diaspora installée en Iran, Turquie, Liban, Jordanie, États-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne ont également été annulés et seront recomptés (2).
Tandis que les résultats définitifs du scrutin tardent à être annoncés, le mandat des membres du précédent Conseil des Représentants a expiré, laissant l’État irakien sans pouvoir législatif fonctionnel depuis le 1er juillet. Le pays se retrouve par conséquent plongé dans une situation critique où l’incertitude politique se double actuellement d’un “vide constitutionnel“ (4).
Perspectives :
- Le nouveau décompte des voix est encadré par de nombreux acteurs locaux et internationaux, notamment des observateurs des Nations Unies. Bien qu’aucune date officielle n’ait été annoncée, les résultats définitifs du scrutin sont attendus dans les prochains jours.
- Malgré l’incertitude sur les résultats définitifs, les tractations en vue de former une coalition gouvernementale ont déjà bien avancé. Si Moqtada al-Sadr se présente comme un nationaliste hostile à l’ingérence traditionnelle de certains acteurs dans la région, en particulier de l’Iran et des États-Unis, il a pourtant déjà conclu des alliances avec le candidat Hadi al-Amiri, proche de Téhéran, ainsi qu’avec le Premier ministre sortant Haider al-Abadi, soutenu par les occidentaux.
Sources :
- Irak : coalition entre le premier ministre Abadi et le religieux chiite Sadr, CBC/Radio Canada, 23 juin 2018.
- المحكمة الاتحادية العراقية:إلغاء نتائج انتخابات النازحين والاقتراع الخاص بالأقاليم غير صحيح, Elnashra, 21 juin 2018.
- MARTINET Xavier, En Irak, les électeurs peuvent-ils gagner la guerre contre l’ingérence ?, France Culture, Les enjeux internationaux, 14 mai 2018.
- VALL Mohammed, Iraq elections : Manual recount to begin on Tuesday, Al Jazeera, 1er juillet 2018.