Gao. « Air MINUSMA » est l’un des surnoms donnés par les Maliens à la Mission intégrée multidimensionnelle des Nations Unies pour la stabilisation au Mali : cette opération de maintien de la paix lancée en 2013 déploie 15 000 hommes sur le terrain, dont 11 000 soldats et près de 2 000 policiers (1). Malgré son budget de 1 milliard de dollars par an, son surnom « Air MINUSMA » témoigne de la déception de la population au regard d’une mission qui, malgré les efforts de la communauté internationale, ne produit aucun autre résultat tangible que le service de liaison aérienne entre les principales villes, dans un contexte où les déplacements terrestres sont extrêmement difficiles en raison des conditions de sécurité et du mauvais état des infrastructures.
Les attentes initiales étaient tout à fait différentes, compte tenu du fait qu’en 2013 la situation sécuritaire était probablement meilleure qu’aujourd’hui : actuellement, à Gao, malgré la présence d’une base non loin de l’aéroport, les forces onusiennes sont complètement absentes du tissu urbain et les quelques patrouilles quotidiennes, limitées à l’avenue périphérique, semblent répondre davantage à la nécessité de « montrer les muscles » de temps à autres qu’à la volonté de mener une politique de sécurité efficace. Cet écart suscite l’incompréhension de la population : que font 11 000 soldats internationaux s’ils ne nous protègent pas, nous les Maliens ?
En effet, la MINUSMA reste prisonnière d’un mandat qui limite l’action de la mission aux activités d’appui aux acteurs politiques maliens dans l’élimination des obstacles à l’application de l’Accord d’Alger (2), et qui voit l’utilisation de 80 % de ses ressources militaires pour l’autoprotection de la mission ou pour la protection de la logistique. Cette immense machine organisationnelle, malgré la bonne volonté et les compétences de son personnel, semble donc être l’otage de l’inertie des acteurs politiques maliens, qui en ont fait leur poule aux oeufs d’or, y compris par les loyers des locaux, les voitures, les services et le financement d’activités pour la paix et les initiatives politiques. L’économie du maintien de la paix semble bénéficier à une poignée d’acteurs capables d’en profiter et en même temps de retarder l’application de l’accord, avec pour résultat de faire de ceux dont la mission devrait être de pousser à la coopération pour résoudre la situation politique les plus grands bénéficiaires de cette impasse.
La balle est maintenant dans le camp des financiers : l’imposition d’un tel mandat restrictif est-il compatible avec l’objectif de maintien de la paix, dans une situation où il n’y a pas de paix ?
Perspectives :
- Le mandat de la MINUSMA a été prorogé d’un an le 29 juin, accompagné d’un message fort sur la nécessité de progresser rapidement dans le processus de paix.
- Les élections présidentielles maliennes sont un événement clé pour déterminer si les priorités de la mission vont changer.