Strasbourg. Depuis des années, à Bruxelles, le meilleur moyen de perdre des amis est d’engager une conversation sur le droit d’auteur (ou son équivalent anglais copyright). Un sujet technique que l’on peut résumer comme ceci : comment rémunérer les créateurs, artistes, organes de presse dans un monde numérique fondé sur une accessibilité (et gratuité) des contenus ?

Un casse-tête juridique et politique entre les plateformes (Google, Facebook), en situation oligopolistiques sur les contenus en ligne, les représentants artististiques (comme en France la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) mais aussi les organisations de protection des consommateurs ou des droits numériques.

Après plusieurs années d’échauffements et de rapports d’initiatives (6), les institutions européennes négocient depuis septembre 2016 (4) la révision du droit d’auteur à l’échelle européenne et essaient de jongler entre ces trois camps. Mais en juin 2018, après des mois de négociations, la commission parlementaire des affaires juridiques en charge du dossier pour le Parlement européen a décidé de soutenir les créateurs contre les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) sur deux points cruciaux : rémunérer les droits moraux et patrimoniaux accordés à des artistes (les droits voisins) et l’obligation pour les plateformes internet de passer des accords de licence avec les bénéficiaires du droit d’auteur. Le but étant de renflouer les caisses l’industrie créative avec ces accords systématiques après des années de disette.

Mais patatras. Le Parlement européen — où tous les groupes étaient divisés sur le sujet (1) a renvoyé le texte en commission suite au lobbying intense des GAFAM (3) et activistes sur le droit des consommateurs car ces accords de licence pourraient filtrer les contenus en ligne, remettant en cause les libertés publiques et la “neutralité du net”. La guerre des tranchées entre les trois camps va continuer cet été par communiqués de presse (2), pétitions, tribunes (5), coalitions et rapports interposés. Mais cette histoire ne fait que confirmer que le lobbying auprès des institutions européennes est important (et parfois très agressif) et que les coalitions et jeux d’acteurs sont extrêmement complexes.

Sources :

  1. EDiMA, EDiMA reaction to Plenary vote on JURI copyright mandate, 5 juillet 2018.
  2. MCCARTNEY Paul, An open letter to the European Parliament, 3 juillet 2018.
  3. Parlement européen, Procédure 2016/0280(COD)Droit d’auteur dans le marché unique numérique, consulté le 5 juillet 2018.
  4. Parlement européen, Procès-verbal du vote de la résolution PE 626-848.
  5. REDA Julia, EU copyright evaluation report, septembre 2016.
  6. Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Les GAFA, chefs d’orchestre d’une campagne populiste contre les artistes et les créateurs au Parlement européen !, 5 juillet 2018.