Oslo. Ces dernières semaines, la Norvège a mené une forte activité diplomatique : première participation à un G7 pour un chef d’Etat norvégien, publication de la stratégie européenne du gouvernement, accueil du Secrétaire général de l’ONU António Guterres à Oslo le 19 juin alors que la Norvège est candidate au Conseil de sécurité pour 2020-2021, annonces du Ministère de la défense suscitant de vives réactions en Russie (7), où M. Guterres s’est d’ailleurs rendu le lendemain de sa visite à Oslo (4).

Le 12 juin, le gouvernement norvégien a en effet publié deux communiqués de presse : l’un annonçant la construction d’une infrastructure pouvant accueillir quatre avions de combat dans le cadre de l’European deterrence initiative (3), et l’autre son accord pour le renforcement de la présence de troupes de marines (de 330 à 700) à Vaernes et à Setermoen dans le cadre de l’OTAN (3). La Russie a vivement réagi jugeant que ces décisions « sapaient la confiance et la prévisibilité des relations bilatérales » en ce qu’elles seraient contraires à la politique habituelle norvégienne de ne pas faire stationner des troupes étrangères sur son territoire en temps de paix. Le stationnement, plus proche de la frontière russe, ravive les inquiétudes (4).

Ces déclarations interviennent dans un contexte d’exercices militaires dans le Grand Nord. La semaine précédente a en effet débuté le plus important exercice russe en mer de Barents depuis 10 ans (comprenant 36 navires) sans que la Norvège n’en ait été informée au préalable (5). Huit bateaux de l’OTAN, norvégiens et étrangers, ont quant à eux fait amarre à Narvik dans le cadre d’exercices habituels alors que des avions de combats ont été déployés depuis la base de Bodø vers Banak dans le Finnmark, à l’extrême nord du pays, en réponse aux exercices russes (5). Enfin, alors que le Ministre de la défense se rendait sur la base d’Andøya le 19 juin, un débat a éclaté quant à savoir si les récentes activités détectées d’avions militaires américains étaient des exercices ou des manœuvres réelles visant à surveiller le nord du pays (1).

Si les vives réactions de la Russie ne sont pas dénuées d’un ton de menace et de sarcasme (4), ces tensions sont à replacer dans un contexte géopolitique plus large. La Norvège est soucieuse de conserver sa bonne relation avec la Russie et maintenir la coopération dans la région de Barents (2). La condition préalable pour entretenir des relations bilatérales fondées sur les intérêts mutuels avec la Russie est pour elle de disposer de garanties suffisantes en matière de sécurité au sein de l’OTAN (6). Attachée au maintien d’une présence significative de l’OTAN sur le sol européen, la Norvège soutient depuis longtemps l’idée d’un recentrage de l’Alliance sur l’Europe et défend les implantations sur son propre territoire.

Perspectives :

  • L’exercice aérien « Arctic Fighter Meet 2018 » auquel participent la Norvège, la Suède et la Finlande dans le cadre de la coopération de défense entre les pays nordiques aura lieu à la frontière russe depuis la base de Rovaneimi en Finlande du 25 au 29 juin.
  • L’exercice annuel de combat aérien de l’OTAN « Ramstein Alloy » débutera en mer Baltique le 26 juin.

Sources :

  1. BENTZRØD Sveinung Berg, « Konfronteres igjen med spørsmål om USA-fly på Andøya », Aftenposten, 19 juin 2018.
  2. FIFE Rolf Einar, « Le traité du 15 septembre 2010 entre la Norvège et la Russie relatif à la délimitation et à la coopération maritime en mer de Barents et dans l’océan arctique », Annuaire français de droit international, volume 56, 2010. pp. 399-412.
  3. FORSVARDEPARTEMENTET, pressemelding n°36 « Det amerikanske marinekorpsets øving og trening i Norge », 12 juin 2018 et pressemelding n°37 « European Deterrence Initiative (EDI) på Rygge », 12 juin 2018.
  4. Министерство иностранных дел Российской Федерации, Брифинг официального представителя МИД России М.В.Захаровой, Москва, 15 июня 2018 года [extraits « Nous appelons la Norvège à entendre notre avis sur la situation pour […] ne pas détruire l’atmosphère de bon voisinage […] à la frontière entre nos deux pays » ; « Étant donné que c’est l’infanterie de marine américaine qui se trouve sur le territoire norvégien, c’est peut-être les USA qui ont attaqué la Norvège ? »]
  5. NILSEN Thomas, « Alarm-drill : 36 Russian warships sail out to Barents Sea », Barents Observer, le 13 juin 2018 ; « More NATO warships to Northern Norway », Barents Observer, le 18 juin 2018.
  6. RIEKER Pernille, « Norvège. Une politique de sécurité et de défense renouvelée », Grande Europe n° 32, mai 2011 – La Documentation française © DILA.
  7. STAALESEN Atle, « Moscow says it is high time that Norway listens », Barents Observer, le 18 juin 2018.