Managua. Depuis le 18 avril des manifestations quotidiennes parcourent les rues de la capitale du Nicaragua et d’autres grandes villes du pays comme Matagalpa (environs 200 000 habitants) et Chinandega (environs 150 000 habitants).

Les protestations ont d’abord éclatées contre un projet de réforme des pensions et de la sécurité sociale inspiré par le FMI et qui a été désormais retiré par le président Daniel Ortega.

Ancien leader insurrectionnel du Frente Sandinista de Liberación Nacional (FSLN) qui parvint à renverser la dictature de la famille Somoza en 1979, José Daniel Ortega Saavedra a obtenu plus de 70 % des voix lors des dernières élections en 2016 et il détient une majorité absolue dans la seule chambre prévue par le système politique du Nicaragua. Cette victoire a amélioré le score d’Ortega qui préside le Nicaragua d’une façon continue depuis 2007, grâce à une modification constitutionnelle qui a aboli les limites de mandat et à une élection qui a été critiquée par les observateurs de l’Union en 2011 (3).

Daniel Ortega contrôle une bonne partie des organes de presse et du système judiciaire et a cherché sans succès à censurer Internet. Il a instauré ses proches au sommet de l’État : la première dame, Rosario Murillo, est aussi sa Vice-présidente. Les manifestants contestent un pouvoir “dictatorial” (1). Dans un contexte d’affrontement intense et de répression violente, on compte déjà plus de 40 morts selon des organisations humanitaires.

Daniel Ortega est à l’origine d’une politique internationale singulière, parfois d’inspiration chaviste, du Nicaragua. Il fut le premier chef d’État à reconnaître les prétentions russe sur l’Abkhazie et l’Ossétie du sud (2008), a soutenu Kadhafi lors de l’intervention en Libye (2011) et Assad lors des élections de 2014. Il a refusé, dans un premier moment, de signer l’accord de Paris de 2016 parce que trop modeste sur ses objectifs climatiques et il a tout récemment réaffirmé, en s’opposant à un processus bien décrit par la Lettre (2), ses liens avec Taiwan en obtenant un avantageux traité de libre échange (2017).

Perspectives  :

  • La médiation entre les manifestants et le gouvernement aurait due être garantie par l’Église, qui peine pour l’instant à jouer ce rôle. On a décrit le sandinisme comme “une combinaison unique de marxisme plastique et de catholicisme progressiste” (4), Daniel Ortega avait de son côté obtenu le soutien d’une partie importante du clergé en soutenant une loi anti-avortement. Il faudra voir dans les prochains jours si l’Église parviendra, peut-être grâce au charisme du pape argentin, à se placer dans une position tierce.
  • Sans doute à cause de l’instabilité actuelle du Venezuela, soutien fondamental des politiques de Daniel Ortega, le gouvernement du Nicaragua souhaitait imposer des contraintes budgétaires inspirées par le FMI. La prochaine mission du FMI avait été fixée du 28 août au 11 septembre 2018, mais il est difficile de penser à ce stade qu’elle pourra pourra avoir lieu.

Sources :

  1. BELLI Gioconda, Nicaragua is drifting towards dictatorship once again, The Guardian, 24 août 2016
  2. DE LÉON-E. Rosa Mariana, L’Amérique Centrale et les Caraïbes, dernier bastion de Taïwan, La lettre du lundi, 16 avril 2018
  3. Union européenne, Declaración preliminar , Mission d’observation éléctorale Nicaragua 2011, Managua, 8 novembre 2011
  4. WALKER Thomas, Nicaragua : The Land of Sandino, Westview Press, 1986