{"id":275894,"date":"2025-04-30T14:42:36","date_gmt":"2025-04-30T12:42:36","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?post_type=video&p=275894"},"modified":"2025-05-12T14:52:46","modified_gmt":"2025-05-12T12:52:46","slug":"quel-futur-pour-lintelligence-artificielle-europeenne","status":"publish","type":"video","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/videos\/quel-futur-pour-lintelligence-artificielle-europeenne\/","title":{"rendered":"Quel futur pour l\u2019intelligence artificielle europ\u00e9enne ?\u00a0"},"content":{"rendered":"\n
<\/a>Ce mardi du Grand Continent se propose d\u2019\u00ab entrer dans le dur \u00bb du volume L\u2019Empire de l’ombre, Guerre et terre au temps de l’IA<\/em>, en abordant un enjeu qui appara\u00eet d\u00e8s le sous-titre et structure une grande partie de l\u2019ouvrage : la transformation digitale.<\/strong><\/p>\n\n\n\n Pour discuter de cette question, nous accueillons Clara Chappaz, ministre d\u00e9l\u00e9gu\u00e9e charg\u00e9e de l’intelligence artificielle et du num\u00e9rique ; Martin Tisn\u00e9, pr\u00e9sident directeur g\u00e9n\u00e9ral d\u2019AI Collaborative<\/em> ; et Michel Bisson, maire de Lieusaint et pr\u00e9sident de la communaut\u00e9 d’agglom\u00e9ration Grand Paris Sud \u2014 qui a inspir\u00e9 l\u2019un des personnages de fiction les plus int\u00e9ressant qu’on ait lu r\u00e9cemment, jouant un r\u00f4le central dans le magnifique dernier chapitre de L\u2019heure des pr\u00e9dateurs<\/em> de Giuliano da Empoli.<\/strong><\/p>\n\n\n\n Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Mais ce n’est qu’un petit r\u00f4le !<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n En effet, il ne fait pas partie des pr\u00e9dateurs les plus f\u00e9roces de cet ouvrage \u2014 en tout cas, c\u2019est ce qu\u2019on verra \u00e0 la fin de ce d\u00e9bat \u2026 <\/strong><\/p>\n\n\n\n Le volume <\/strong>L\u2019Empire de l\u2019ombre<\/em><\/strong> est travers\u00e9 par une tension tr\u00e8s forte : au d\u00e9but de l’ouvrage, Marietje Schaake, d\u00e9put\u00e9e et aujourd’hui chercheuse aux \u00c9tats-Unis, d\u00e9crit ce qu’elle d\u00e9finit comme \u00ab Le coup d’\u00c9tat permanent de la Silicon Valley \u00bb ; tandis qu\u2019au milieu du volume, on retrouve des positions techno-optimistes, notamment incarn\u00e9es par un des grands investisseurs de la partie \u00ab sombre \u00bb de la Silicon Valley, Marc Andreessen, qui \u00e9crit un \u00ab Manifeste du mouvement techno-optimiste \u00bb. <\/strong><\/p>\n\n\n\n D\u2019une part, nous sommes face \u00e0 une vision pr\u00e9cise du futur \u2014 <\/strong>on sait en lisant Peter Thiel que ceux qui ont une vision pr\u00e9cise du futur gagnent toujours contre ceux qui n’en ont pas<\/strong><\/a> \u2014 qui peut para\u00eetre par certains c\u00f4t\u00e9s s\u00e9duisante et par d’autres tr\u00e8s inqui\u00e9tante, notamment quand on voit le d\u00e9ploiement de la politique men\u00e9e au sein de la Maison-Blanche aujourd’hui. D\u2019autre part, on trouve une analyse d’une possible \u00ab <\/strong>translatio imperii<\/em><\/strong> \u00bb du politique vers le digital. Comment vous positionnez-vous aujourd’hui, Clara Chappaz, en tant que ministre d\u00e9l\u00e9gu\u00e9e fran\u00e7aise du num\u00e9rique ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Clara Chappaz<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Je souhaite avant tout dire que je suis tr\u00e8s heureuse d’\u00eatre entre ces murs, qui comptent beaucoup de gens tr\u00e8s sachants sur l’intelligence artificielle, et de pouvoir vous donner un \u00e9clairage plus politique sur la question. Je tiens \u00e9galement \u00e0 souligner le travail formidable du Grand Continent<\/em> : dans ce monde o\u00f9 l\u2019on consomme de l’information en instantan\u00e9, principalement sur les r\u00e9seaux sociaux, l\u2019\u00e9mergence d’une telle revue est extr\u00eamement b\u00e9n\u00e9fique.<\/p>\n\n\n\n Cette tension, tr\u00e8s justement d\u00e9crite dans l’ouvrage, est ce \u00e0 quoi je fais face au quotidien. <\/p>\n\n\n\n J\u2019ai dans mon portefeuille une technologie qui est source d’un progr\u00e8s formidable dans toutes les disciplines : l\u2019IA. Des chercheurs \u00e0 Bourg-en-Bresse me montraient il y a quelques semaines comment ils acc\u00e9l\u00e8rent la d\u00e9couverte d’une embolie pulmonaire ; un agriculteur dans les Ardennes optimise les intrants gr\u00e2ce \u00e0 l’IA afin de diminuer leur usage et de mieux r\u00e9colter ; des agents publics \u00e0 la Direction des finances publiques utilisent de l’IA pour mieux contr\u00f4ler les fraudes et passer moins de temps \u00e0 naviguer dans les dossiers. Je c\u00f4toie de tels exemples tous les jours. <\/p>\n\n\n\n Dans le m\u00eame temps, je suis confront\u00e9e \u00e0 une autre r\u00e9alit\u00e9 de l’intelligence artificielle : sept Fran\u00e7ais sur dix ont des craintes vis-\u00e0-vis de cette technologie.<\/p>\n\n\n\n Je sens ces craintes tr\u00e8s directement, notamment lorsqu\u2019on organise, gr\u00e2ce \u00e0 l’appui du CNNum et des conseillers num\u00e9riques \u2014 3 000 personnes qui font de la m\u00e9diation num\u00e9rique partout sur le territoire \u2014 des discussions portant sur les enjeux num\u00e9riques. Nous organisons ensemble les \u00ab caf\u00e9s IA \u00bb, qui sont un espace de dialogue pour parler d’intelligence artificielle et \u00e9couter des retours de terrain \u2014 ce qui est tr\u00e8s important quand on est politique. C\u2019est d’autant plus important pour moi que je ne suis pas une femme politique au d\u00e9part : j\u2019ai travaill\u00e9 dix ans dans le monde priv\u00e9, et je me suis engag\u00e9e dans ce gouvernement afin de faire avancer les enjeux du num\u00e9rique.<\/p>\n\n\n\n Les Fran\u00e7ais et Fran\u00e7aises que je rencontre toutes les semaines dans ces \u00e9v\u00e9nements expriment leur peur face \u00e0 l\u2019IA. Je crois qu’il ne faut pas perdre de vue cette r\u00e9alit\u00e9 \u2014 quand parfois, au sein des institutions, on peut \u00eatre tr\u00e8s enthousiaste, voire techno-solutionniste. <\/p>\n\n\n\n Ils nous disent qu\u2019ils ont peur que leur m\u00e9tier disparaisse, que l’IA leur mente et partage de fausses informations, qu\u2019ils perdent le contr\u00f4le sur leurs donn\u00e9es\u2026 Ils se m\u00e9fient beaucoup de la puissance de l’intelligence artificielle. On voit bien la tension entre une partie tr\u00e8s positive du progr\u00e8s et une autre plus sombre. <\/p>\n\n\n\n L\u2019IA est donc un sujet \u00e9minemment politique. Comme toute technologie, il s\u2019agit d\u2019un outil, et c’est notre responsabilit\u00e9 de d\u00e9cider dans quelle direction on souhaite l’emmener.<\/p>\n\n\n\n En France, on a d\u00e9cid\u00e9 de se doter d\u2019un minist\u00e8re de l\u2019IA \u2014 de la m\u00eame fa\u00e7on qu’on a eu un minist\u00e8re des Postes, puis des T\u00e9l\u00e9communications, puis du Num\u00e9rique \u2014 face \u00e0 cette technologie qui est aussi puissante dans son potentiel que la machine \u00e0 vapeur, que l’\u00e9lectricit\u00e9, ou qu’Internet en leur temps. Cela nous permet de r\u00e9pondre avec pr\u00e9cision \u00e0 la mani\u00e8re dont on veut orienter cette technologie. <\/p>\n\n\n\n On ne souhaite pas un techno-solutionnisme d\u00e9bordant, \u00e0 la mani\u00e8re de Peter Thiel ou du manifeste de Marc Andreessen. La vision europ\u00e9enne est diff\u00e9rente \u2014 si vous aviez des doutes sur ce point, l\u2019actualit\u00e9 g\u00e9opolitique r\u00e9cente nous montre que la vision europ\u00e9enne est singuli\u00e8re, alors qu\u2019on la pensait tr\u00e8s partag\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n Prot\u00e9ger la vision europ\u00e9enne \u00e0 travers l’utilisation de l\u2019IA est donc une priorit\u00e9. Cependant, on souhaite s\u2019\u00e9carter d\u2019une technophobie qui nous emp\u00eacherait d’avancer.<\/p>\n\n\n\n Voil\u00e0 pourquoi il y a un minist\u00e8re de l’IA aujourd\u2019hui. Nous essayons de r\u00e9concilier deux mondes autour de nos valeurs europ\u00e9ennes. <\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Martin Tisn\u00e9, vous avez \u00e9t\u00e9 au c\u0153ur de la machine de la construction de l’IA et vous connaissez de l’int\u00e9rieur les enjeux scientifiques, mais aussi politiques, de gouvernance de l\u2019intelligence artificielle. De quoi avez-vous peur aujourd’hui quand vous pensez \u00e0 l’IA ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Martin Tisn\u00e9<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n J’ai peur de r\u00e9p\u00e9ter les erreurs qu’on a faites par le pass\u00e9 avec les m\u00e9dias sociaux. <\/p>\n\n\n\n Nous sommes actuellement \u00e0 un moment crucial, o\u00f9 nous avons une fen\u00eatre d’opportunit\u00e9 par rapport \u00e0 l’IA, parce que les business models<\/em> ne sont pas encore ancr\u00e9s. J\u2019ai peur que nous rations cette occasion. J\u2019ai peur, et en m\u00eame temps, je suis tr\u00e8s optimiste. <\/p>\n\n\n\n En 2025, nous avons cette chance \u00e9norme d\u2019\u00eatre face \u00e0 une \u00ab nouvelle \u00bb technologie : la technologie existait d\u00e9j\u00e0, mais a vraiment \u00e9clat\u00e9 publiquement en novembre 2022 avec ChatGPT<\/em>. L\u2019IA a explos\u00e9, sans qu’on sache vraiment comment la commercialiser. <\/p>\n\n\n\n Quand en 2010-2011, il y avait eu l’essor de Facebook et de diff\u00e9rents m\u00e9dias sociaux, on \u00e9tait optimiste parce qu\u2019on avait cru en voir l’impact apr\u00e8s le printemps arabe. Mais on ne savait pas ce qui allait se d\u00e9rouler. <\/p>\n\n\n\n Aujourd\u2019hui, face \u00e0 l\u2019IA, c\u2019est comme si on savait d\u00e9j\u00e0 quels seraient les impacts de Facebook \u2014 par exemple sur la trag\u00e9die au Myanmar. En 2010-2011, il n’y avait pas encore de business model<\/em> pour les m\u00e9dias sociaux. \u00c0 partir du moment o\u00f9 Facebook est devenu public, vers 2013-2014, on s’est ancr\u00e9 dans un business model <\/em>de l’\u00ab \u00e9conomie de l\u2019attention \u00bb. \u00c0 partir de ce moment-l\u00e0, je pense que tout a chang\u00e9. <\/p>\n\n\n\n Je suis tr\u00e8s d’accord avec Marietje Schaake sur beaucoup de points. Je suis aussi de l’\u00e9cole de Shoshana Zuboff, qui a \u00e9crit en 2018 L\u2019\u00e2ge du capitalisme de surveillance,<\/em> dans lequel elle explique que les utilisateurs ne sont pas le produit, mais sont les sources d’approvisionnement en mati\u00e8res premi\u00e8res. <\/p>\n\n\n\n Aujourd\u2019hui, on a l\u2019opportunit\u00e9 de faire diff\u00e9remment, en mettant en \u0153uvre la r\u00e9gulation, mais aussi en b\u00e2tissant des business model<\/em> diff\u00e9rents, qui ne sont pas n\u00e9cessairement aussi voraces en donn\u00e9es personnelles \u2014 sans ce c\u00f4t\u00e9 \u00ab dangereusement indolore \u00bb, dont parle Marietje Schaake. <\/p>\n\n\n\n Marietje Schaake parle \u00e9galement du d\u00e9calage entre l’exp\u00e9rience individuelle et les cons\u00e9quences \u00e0 grande \u00e9chelle, notamment sur la d\u00e9mocratie, de ces diff\u00e9rentes technologies. Il est tr\u00e8s int\u00e9ressant d\u2019analyser cet aspect \u00ab indolore \u00bb : on est spontan\u00e9ment d\u2019accord pour partager nos donn\u00e9es personnelles. <\/p>\n\n\n\n On est beaucoup plus touch\u00e9s par les donn\u00e9es des autres que par nos propres donn\u00e9es. Or si je suis davantage touch\u00e9 par les donn\u00e9es des autres plut\u00f4t que par les miennes, pourquoi est-ce que je r\u00e9fl\u00e9chirais de mani\u00e8re diff\u00e9rente \u00e0 partager mes propres donn\u00e9es ? Or, tout notre arsenal de r\u00e9gulations, y compris le RGPD, est fond\u00e9 sur la perspective individuelle (est-ce que je veux donner mes propres donn\u00e9es ?) et non sur la perspective des donn\u00e9es collectives. Nous avons aussi une opportunit\u00e9 d’y r\u00e9fl\u00e9chir diff\u00e9remment aujourd\u2019hui, en r\u00e9gulation, et de la mani\u00e8re dont on b\u00e2tit l\u2019IA.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Michel Bisson, Madame la ministre parlait de \u00ab perte de contr\u00f4le \u00bb. C’est quelque chose que vous avez v\u00e9cu d’une mani\u00e8re tr\u00e8s personnelle et politique. Pourriez-vous nous faire partager cette exp\u00e9rience, et peut-\u00eatre montrer comment cette perte de contr\u00f4le n’est pas aussi d\u00e9finitive, et demande plut\u00f4t que la lutte continue ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Faire face \u00e0 l\u2019IA demande de la m\u00e9thode. L’IA est \u00e0 la fois une formidable opportunit\u00e9 et un formidable risque \u00e0 la fois. Mon r\u00f4le \u00e0 cette table sera d’ancrer ce constat dans mes r\u00e9alit\u00e9s quotidiennes \u2014 dont le ph\u00e9nom\u00e8ne Waze en est une. <\/p>\n\n\n\n J\u2019ai la grande chance d’\u00eatre le maire d’une commune de 14 000 habitants, bord\u00e9e par une route qu’on appelle la Francilienne. Il arrive tous les matins \u00e0 cette route d’\u00eatre charg\u00e9e, donc de g\u00e9n\u00e9rer des bouchons. Comme Lieusaint se situe aux confins d\u2019une zone d’\u00e9tranglement, Waze propose aux automobilistes de sortir de la Francilienne, pour la rejoindre cinq ou six kilom\u00e8tres plus loin, afin de ne pas rester immobilis\u00e9s \u2014 mais en traversant des zones r\u00e9sidentielles. On peut le comprendre : en voiture, gagner six minutes tous les matins, c’est beaucoup. <\/p>\n\n\n\n Les automobilistes traversent donc des zones r\u00e9sidentielles, entre 8h et 9h le matin. C\u2019est l\u2019heure \u00e0 laquelle les parents emm\u00e8nent leurs enfants \u00e0 l’\u00e9cole maternelle et \u00e0 l’\u00e9cole primaire, situ\u00e9es \u00e0 proximit\u00e9, o\u00f9 les coll\u00e9giens traversent la route pour pouvoir rejoindre leur professeur. Des familles souhaitent sortir de leur pavillon et cela devient tr\u00e8s compliqu\u00e9 puisque la route est totalement bouch\u00e9e. Certaines familles se plaignent d’une pollution qui n’existait pas auparavant. Des bus prennent cinq minutes de retard, et par cons\u00e9quent, les usagers ratent leur train et sont en retard \u00e0 leur travail\u2026<\/p>\n\n\n\n En bref, l\u2019itin\u00e9raire alternatif sugg\u00e9r\u00e9 par Waze cr\u00e9e un certain nombre de nuisances qui polluent la vie de tout un quartier.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Comment vous \u00eates-vous rendu compte que c’\u00e9tait effectivement Waze qui avait provoqu\u00e9 cette situation ?<\/strong> Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n On l’a d’abord test\u00e9 et on a demand\u00e9 \u00e0 certains automobilistes \u2014 et on savait que dans les outils GPS qu’on utilise aujourd’hui, Waze est le plus utilis\u00e9. Waze nous l’a ensuite confirm\u00e9 lorsque j’ai eu le plaisir de les rencontrer. <\/p>\n\n\n\n Nous avons ensuite organis\u00e9 plusieurs r\u00e9unions publiques de mani\u00e8re \u00e0 trouver des solutions. <\/p>\n\n\n\n Les solutions les plus simples \u00e9taient celles qui sont \u00e0 notre main, \u00e0 savoir refaire le plan de circulation, en \u00e9tablissant des sens interdits par exemple. On a mis en place un feu de r\u00e9gulation qui arr\u00eate la circulation pendant deux minutes \u2014 \u00e0 un endroit o\u00f9 seuls des lapins traversent, ce qui donne une situation assez \u00e9trange \u2014 de mani\u00e8re \u00e0 laisser des temps de respiration, pour que les enfants puissent traverser, les bus puissent passer et les personnes sortir de chez elles. <\/p>\n\n\n\n Mais cela n\u2019a absolument pas permis de r\u00e9gler la question. Alors nous sommes all\u00e9s un peu plus loin et nous nous sommes int\u00e9ress\u00e9s au fonctionnement de Waze.<\/p>\n\n\n\n Waze utilise des cartes, faites par des cartographes ind\u00e9pendants, dans tous les pays \u2014 c’est un peu le Wikip\u00e9dia de la cartographie. Ce sont des gens admirables et passionn\u00e9s. On les a rencontr\u00e9s pour v\u00e9rifier que les classements des voiries tels qu’ils les proposent (de 1 \u00e0 7, 1 \u00e9tant l’autoroute, 7 \u00e9tant la voie vicinale) \u00e9taient les bons. On cherchait \u00e0 orienter les voitures sur des routes de flux, c\u2019est-\u00e0-dire sur des routes d\u00e9partementales plut\u00f4t que sur des rues communales. Les cartographes ont fait ce qu’ils pouvaient, mais sans aller au-del\u00e0 de leur propre int\u00e9grit\u00e9, ce qu’on peut tout \u00e0 fait comprendre. <\/p>\n\n\n\n Cela a permis de r\u00e9gler environ 3-4 % du sujet, mais gu\u00e8re plus. Nous avons donc cherch\u00e9 \u00e0 entrer en contact avec Waze, qui sont \u00e9videmment difficiles \u00e0 atteindre parce qu’il n’existe pas vraiment de \u00ab bureau Waze \u00bb. <\/p>\n\n<\/div>\n\n\n D\u2019ailleurs \u00e0 quoi ressemble Waze ? O\u00f9 sont les bureaux ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Nous avons fini par trouver des bureaux aux Pays-Bas. Deux directeurs de Waze sont venus, \u00e0 deux reprises \u2014 ce qui est d\u00e9j\u00e0 beaucoup \u2014 avec la politesse de nous \u00e9couter. Cela nous a permis de leur expliquer la situation, et \u00e0 eux, de nous expliquer ensuite les limites qui \u00e9taient les leurs. <\/p>\n\n\n\n Nous leur avons tout simplement propos\u00e9 de rajouter dans leur logiciel une dimension citoyenne. En effet, Waze est un logiciel extr\u00eamement pratique. Je l’utilise moi-m\u00eame assez r\u00e9guli\u00e8rement \u2014 je l’ai d\u2019ailleurs utilis\u00e9 pour venir ici. Je ne suis donc pas un \u00ab maire anti Waze \u00bb, m\u00eame si on m’a d\u00e9j\u00e0 qualifi\u00e9 ainsi. <\/p>\n\n\n\n Waze est \u00e9videmment port\u00e9 par une finalit\u00e9 a minima<\/em> \u00e9conomique \u2014 voire un peu davantage, avec la tendance qu\u2019a l\u2019application \u00e0 nous faire passer tout pr\u00e8s de restaurants qu’on aime plut\u00f4t bien\u2026 L’enjeu pour moi \u00e9tait donc de leur faire comprendre qu’il fallait qu’ils int\u00e8grent une finalit\u00e9 citoyenne. Cela signifie d\u2019\u00e9viter de passer dans des rues trop r\u00e9sidentielles, et d’\u00e9viter syst\u00e9matiquement de passer \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de sites o\u00f9 il y a des personnes \u00e2g\u00e9es (un EHPAD, un h\u00f4pital) ou jeunes (une cr\u00e8che, une \u00e9cole maternelle, un coll\u00e8ge), \u00e0 savoir des lieux o\u00f9 cela peut potentiellement devenir tr\u00e8s accidentog\u00e8ne.<\/p>\n\n\n\n J’ai eu un succ\u00e8s d’estime, parce que mon interlocuteur m\u2019a dit qu’il allait rapporter cette proposition, les ing\u00e9nieurs logiciels \u00e9tant \u2014 \u00e0 cette \u00e9poque-l\u00e0 en tout cas \u2014 en Isra\u00ebl. <\/p>\n\n\n\n Peut-\u00eatre l’a-t-il fait, peut-\u00eatre que non. Je n\u2019en sais rien. Mais cela n’a pas eu d\u2019effet important. <\/p>\n\n\n\n > L’enjeu pour moi \u00e9tait de faire comprendre \u00e0 Waze qu’il fallait qu’ils int\u00e8grent une finalit\u00e9 citoyenne.<\/p>\n\n\n\n L\u2019effet important est venu \u00e0 l\u2019occasion du Covid. Pendant quelques mois, le Covid a remis le quartier totalement au calme, puis a ensuite acc\u00e9l\u00e9r\u00e9 le t\u00e9l\u00e9travail. Il y a ainsi au moins deux jours, le mercredi et le vendredi, o\u00f9 les nuisances sont moindres qu’elles ne l’\u00e9taient pr\u00e9c\u00e9demment. Mais le mardi, le jeudi et le lundi, la situation est quasi \u00e9quivalente \u2014 on a peut-\u00eatre baiss\u00e9 d’une vingtaine de pourcents ce que l’on a connu dans les pires ann\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n Chez Waze, j’avais donc en face de moi quelqu’un de tr\u00e8s poli, tr\u00e8s correct et qui \u00e9tait vraiment \u00e0 l’\u00e9coute. Mais je sentais bien qu’il n’avait pas \u00e9norm\u00e9ment de leviers, m\u00eame s’il \u00e9tait quelque chose comme le directeur Europe de Waze.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n C’est absolument fascinant. Vous \u00eates en train de dire qu’il y a aujourd’hui deux cartes sur le m\u00eame territoire : une carte, que l’on conna\u00eet, \u00e9tablie par la R\u00e9publique fran\u00e7aise, qui d\u00e9cide comment s’organise administrativement le territoire ; et une autre carte, qui se superpose \u00e0 la premi\u00e8re, et parfois m\u00eame peut la casser.<\/strong><\/p>\n\n\n\n Clara Chappaz, vous qui \u00eates plut\u00f4t du c\u00f4t\u00e9 de la carte \u00ab R\u00e9publique fran\u00e7aise \u00bb que de l\u2019autre : comment \u00e9tablit-on un rapport de force dans cette situation ? Comment r\u00e9pondre \u00e0 cette situation d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9e de deux cartes qui se superposent, mais dont l’une semble avoir beaucoup de mal \u00e0 peser sur l’autre \u2014 alors que dans l’autre sens, la question ne se pose m\u00eame pas ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Clara Chappaz<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Michel Bisson, est-ce que depuis la parution du livre de Giuliano da Empoli, vous avez eu des r\u00e9ponses ? J’\u00e9tais tr\u00e8s curieuse de vous poser cette question.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n C’est ma semaine de gloire ! J’\u00e9tais chez Quotidien hier soir, et aujourd’hui je suis dans un lieu magique avec des gens tout autant magiques. J’esp\u00e8re que cela va continuer encore tr\u00e8s longtemps \u2014 je plaisante. Mais je n\u2019ai pas \u00e9t\u00e9 contact\u00e9 par Waze.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Est-ce qu\u2019il n’y a pas d’\u00e9missions en France \u2014 en Italie, c’est tr\u00e8s fr\u00e9quent \u2014 dans lesquelles vous avez des probl\u00e8mes de voisinage, et quand la cam\u00e9ra arrive, tous les probl\u00e8mes sont r\u00e9solus ?\u00a0<\/strong><\/p>\n\n\n\n Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n L\u2019affaire a d\u2019abord \u00e9t\u00e9 point\u00e9e par une cha\u00eene de t\u00e9l\u00e9vision, et ensuite, toutes les autres cha\u00eenes sont venues. Il y a donc eu une forte couverture m\u00e9diatique \u00e0 ce moment-l\u00e0, mais qui n’a pas eu de v\u00e9ritable effet. C\u2019est le cas notamment parce qu’on n’est pas la seule commune touch\u00e9e par ce ph\u00e9nom\u00e8ne, qui est d\u2019ampleur nationale.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Clara Chappaz<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Je trouve que cet exemple est extr\u00eamement parlant de ce que Giuliano da Empoli a appel\u00e9 les \u00ab pr\u00e9dateurs \u00bb. Quand on lit cette partie du livre, on imagine tr\u00e8s bien \u2014 j’ai grandi dans un village de 700 habitants \u2014 ce que pouvaient ressentir les personnes de votre ville avec cette deuxi\u00e8me carte technologique qui a impos\u00e9 une circulation non citoyenne. <\/p>\n\n\n\n Il y a un autre passage tr\u00e8s int\u00e9ressant dans L\u2019heure des pr\u00e9dateurs<\/em>, o\u00f9 da Empoli parle des politiques presque impuissants face \u00e0 cette technologie qui se d\u00e9veloppe si vite et qui en sont r\u00e9duits \u00e0 les inviter dans les salons dor\u00e9s de leur minist\u00e8re\u2026 <\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Mais il n’y a pas de salons dor\u00e9s \u00e0 Bercy !<\/strong><\/p>\n\n\n\n Clara Chappaz<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Oui, c’est exactement ce que j\u2019allais dire. Effectivement, je pense que les politiques peuvent \u00eatre d\u00e9pass\u00e9s par l’\u00e9volution tr\u00e8s rapide de la technologie. On en paye un certain nombre de frais. Vous avez parl\u00e9 de Waze mais on aurait p\u00fb parler du Cloud<\/em><\/a> <\/em> : 80 % des d\u00e9penses de Cloud<\/em> aujourd’hui vont vers des acteurs non-europ\u00e9ens.<\/p>\n\n\n\n Il suffit de se rappeler, pour ceux d’entre vous qui travaillent sur des outils logiciels, de la panne massive qu’avait eu un prestataire de Microsoft il y a un an \u2014 et de la situation compl\u00e8tement ubuesque que cela avait cr\u00e9\u00e9e. L\u2019exemple de Waze permet \u00e9galement de se rendre compte des d\u00e9pendances et du pouvoir de ces technologies.<\/p>\n\n\n\n Pour autant, je ne pense pas que les politiques soient impuissants, bien au contraire. La r\u00e9ponse peut se faire en trois temps.<\/p>\n\n\n\n La premi\u00e8re r\u00e9ponse est la prise de conscience. Le moment g\u00e9opolitique aide \u00e0 acc\u00e9l\u00e9rer ce que le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique porte depuis 2017, \u00ab l’autonomie strat\u00e9gique \u00bb, au sein de laquelle la souverainet\u00e9 num\u00e9rique est essentielle. <\/p>\n\n\n\n On peut en faire l’exp\u00e9rience ensemble. Si l\u2019on cherche sur internet la commune de Lieusaint, on va utiliser notre t\u00e9l\u00e9phone portable qui a priori<\/em> n’est pas europ\u00e9en, puis aller sur un moteur de recherche qui n’est pas europ\u00e9en, pour tomber sur une fiche Wikipedia qui n’est pas non plus un acteur europ\u00e9en \u2026 et on peut continuer comme cela tr\u00e8s longtemps pour se rendre compte d’\u00e0 quel point l\u2019Europe est ce qu\u2019on qualifie parfois de \u00ab colonie num\u00e9rique \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Dans un deuxi\u00e8me temps, il s\u2019agit de poser des r\u00e8gles. En Europe, nous avons eu des objectifs tr\u00e8s clairs, dont le premier a \u00e9t\u00e9 de d\u00e9fendre la concurrence. Nous pensons que les positions de d\u00e9pendance qu’on a d\u00e9crites \u2014 s\u2019agissant de la ville de Lieusaint, du Cloud<\/em>, etc \u2014 d\u00e9coulent de la position dominante de certains acteurs. Nous cherchons \u00e0 casser cette position dominante, avec des r\u00e9gulations comme le Digital Market Act<\/em>. Cela semble technocratique, mais \u00e9tablit quelque chose de tr\u00e8s simple : nous croyons que la concurrence permet l’innovation. <\/p>\n\n\n\n D’ailleurs, Apple et M\u00e9ta ont \u00e9t\u00e9 condamn\u00e9s \u00e0 des amendes la semaine derni\u00e8re pour cette raison. Sur l’App Store<\/em>, le magasin d’applications, Apple a d\u00fb indiquer qu’il y a d’autres mani\u00e8res de t\u00e9l\u00e9charger les applications, sur lesquelles ils ne se r\u00e9mun\u00e8rent pas 30 %. Il s\u2019agit bien de r\u00e9introduire de la concurrence. <\/p>\n\n\n\n Pour autant, ce n’est pas le fait de mettre des amendes qui nous int\u00e9resse. Certes, il est tr\u00e8s important, surtout dans la p\u00e9riode actuelle, qu\u2019on fasse respecter nos r\u00e8gles, mais ce n\u2019est pas notre premier objectif. <\/p>\n\n\n\n Ce qui doit davantage nous int\u00e9resser, et c\u2019est mon troisi\u00e8me point : c’est l’innovation. Martin Tisn\u00e9 parlait des r\u00e9seaux sociaux : on ne serait pas dans la situation actuelle si on avait des alternatives plus puissantes pour \u00e9quilibrer ce rapport de force. Sur ce point, nous sommes \u00e0 un moment de bascule extr\u00eamement int\u00e9ressant : en IA, la course est tr\u00e8s rapide, mais nous sommes dans la course. Toutes les d\u00e9cisions que nous prenons maintenant \u2014 sans vouloir ajouter de la lourdeur au moment actuel \u2014 auront donc un impact sur le futur.<\/p>\n\n\n\n Les pouvoirs publics ont bien s\u00fbr leur responsabilit\u00e9 dans le soutien de l’innovation. Depuis 2018 et la toute premi\u00e8re strat\u00e9gie nationale de l’IA, qui s\u2019\u00e9tait appuy\u00e9e sur le tr\u00e8s bon rapport de C\u00e9dric Villani, nous avons investi dans notre recherche et nous continuerons \u00e0 le faire. Les talents en intelligence artificielle dont on dispose dans notre pays sont la raison majeure pour laquelle on a une chance dans la course de l\u2019IA aujourd\u2019hui. <\/p>\n\n\n\n Le deuxi\u00e8me enjeu est celui des infrastructures. Il s\u2019agit de donner acc\u00e8s \u00e0 des infrastructures de calcul, tel que Jean Zay, un calculateur public qui permet \u00e0 nos chercheurs d’avoir acc\u00e8s \u00e0 des capacit\u00e9s de calcul pour d\u00e9velopper notre IA. <\/p>\n\n\n\n Le troisi\u00e8me objectif est d\u2019\u00ab essaimer \u00bb, c’est-\u00e0-dire de permettre \u00e0 des entreprises de se lancer, pour mettre cette technologie dans les mains des consommateurs. Il y a d\u2019ailleurs plusieurs entreprises qui viennent de l\u2019ENS comme Mistral AI et Arthur Mensch, ou Dataiku.<\/p>\n\n\n\n Il faut enfin soutenir l’adoption de l\u2019IA fran\u00e7aise ou europ\u00e9enne. Sur ce point, nous avons un r\u00f4le collectif \u00e0 jouer. <\/p>\n\n\n\n J’en ai beaucoup parl\u00e9, notamment avec la presse au moment du sommet pour l\u2019action sur l’IA : quand on est un journaliste et qu’on parle d’intelligence artificielle en faisant r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 ChatGPT, quand est une \u00e9cole ou une entreprise et qu’on annonce en grande pompe un partenariat avec Open AI \u2026 cela a des cons\u00e9quences directes sur le d\u00e9s\u00e9quilibre de la situation. <\/p>\n\n\n\n Est-ce que vous pensez sinc\u00e8rement que l’une des meilleures \u00e9coles de commerce am\u00e9ricaines ferait un communiqu\u00e9 de presse pour dire : \u00ab J’ai fait un partenariat avec Mistral AI \u00bb ? Est-ce que vous pensez sinc\u00e8rement qu’\u00e0 la radio le matin, aux \u00c9tats-Unis ou en Chine, on dit \u00ab L’IA permet de faire tout cela, et il vous suffit d’ouvrir Mistral Le Chat pour vous en rendre compte \u00bb ? <\/p>\n\n\n\n On reproduit les erreurs du pass\u00e9 \u2014 qu’on a faites beaucoup sur le Cloud<\/em>, sur les infrastructures, sur le logiciel, sur les r\u00e9seaux sociaux \u2014 parce qu’on ne prend pas conscience que ce qui se joue maintenant, c’est la cr\u00e9ation d\u2019une d\u00e9pendance future dont on aura beaucoup de mal \u00e0 se d\u00e9faire.<\/p>\n\n\n\n Je pense qu’on peut tous \u00eatre acteurs et favoriser les offres europ\u00e9ennes. Ce n\u2019est pas un grand effort, parce qu’on dispose de solutions qui sont aussi performantes. J’entends que, sur certaines technologies, on a peut-\u00eatre pris du retard \u2014 l’\u00c9tat accompagne notamment le Cloud<\/em>, avec des appels \u00e0 projets \u2014 mais sur l’IA, nous avons des solutions performantes. Quand France Travail d\u00e9cide de travailler avec Mistral AI, ils ne le font ni pour me faire plaisir, ni par patriotisme. Ils le font parce que Mistral AI est la meilleure solution du march\u00e9 pour r\u00e9pondre \u00e0 leurs besoins. <\/p>\n\n\n\n Notre action doit donc \u00eatre triple, mais elle doit aussi embarquer collectivement chacun. Aujourd\u2019hui, nous avons le choix soit de reproduire les erreurs du pass\u00e9 et de se retrouver dans des situations de d\u00e9pendance, soit de soutenir un projet d’innovation europ\u00e9enne.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est de cette mani\u00e8re, en ayant nos propres entreprises, qu’on pourra r\u00e9\u00e9quilibrer la course des pouvoirs et qu’on pourra affirmer nos valeurs \u2014 et l\u2019IA est peut-\u00eatre la technologie qui porte en elle le plus de valeurs. C’est un peu ce que l’on essaye de faire au sein du minist\u00e8re, mais je vous invite \u00e0 y r\u00e9fl\u00e9chir.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Revenons \u00e0 la question pr\u00e9c\u00e9dente : Martin Tisn\u00e9, comment rejoue-t-on le rapport de force entre le politique et la technologie num\u00e9rique ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Martin Tisn\u00e9<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Je vais donner deux r\u00e9ponses : une r\u00e9ponse tr\u00e8s locale et une r\u00e9ponse plus macro.<\/p>\n\n\n\n Au niveau local, pour rebondir sur ce que disait Michel Bisson, la question des finalit\u00e9s \u00e9conomiques et citoyennes est absolument essentielle. Cela constitue le centre du probl\u00e8me. <\/p>\n\n\n\n Je reviens rapidement sur les m\u00e9dias sociaux. Au moment de leur essor, on a mis en avant les \u00ab finalit\u00e9s \u00e9conomiques \u00bb \u2014 mais cela n\u2019a pas de v\u00e9ritable signification. Au final, un business model<\/em> a \u00e9merg\u00e9 sans qu\u2019il y ait eu de vraie r\u00e9flexion derri\u00e8re. Au d\u00e9but des ann\u00e9es 2010, face au d\u00e9veloppement de cette technologie extraordinaire, on ne s\u2019est pas pos\u00e9 la question : comment est-ce que nos soci\u00e9t\u00e9s vont l’utiliser ? <\/p>\n\n\n\n Aujourd\u2019hui, il s\u2019agit de comprendre comment l\u2019IA pourrait \u00eatre utilis\u00e9e. Apr\u00e8s l’\u00e9lection de Trump et le Brexit en 2016, au niveau acad\u00e9mique, certains ont commenc\u00e9 \u00e0 faire des \u00e9tudes socio-techniques pour comprendre l’impact de ces technologies sur la soci\u00e9t\u00e9 et sur la d\u00e9mocratie. Nous devons poursuivre dans cette voie. <\/p>\n\n\n\n L’exemple de Waze dans la commune de Michel Bisson est g\u00e9nial, parce qu\u2019il touche directement au contact avec les citoyens. Quant \u00e0 moi, en tant qu’investisseur non-profit,<\/em> j\u2019aimerais savoir comment \u00e9largir cette situation \u00e0 une \u00e9chelle beaucoup plus importante. Il faut qu’on puisse comprendre quels sont les impacts des technologies sur les gens, pour comprendre quelles \u00ab finalit\u00e9s citoyennes \u00bb on souhaite mettre en \u0153uvre.<\/p>\n\n\n\n En Grande-Bretagne, o\u00f9 j\u2019habite, pas une seule personne n\u2019est capable de me dire quel est l’impact de l’IA sur les maisons de retraite en Grande-Bretagne. Il faut qu’on se concentre bien davantage sur les questions d’impact soci\u00e9tal. <\/p>\n\n\n\n L\u2019exemple de Waze me fait penser \u00e0 celui d\u2019Uber, sur lequel beaucoup de travail a \u00e9t\u00e9 fait, et dont Daron Acemo\u011flu parle dans son essai. La question est la suivante : comment faire pour avoir des capacit\u00e9s collectives afin de comprendre l’impact de l\u2019IA sur les travailleurs, et comment leur permettre d\u2019\u00e9tablir ensuite un rapport de force diff\u00e9rent ? <\/p>\n\n\n\n Nous avons travaill\u00e9, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, avec diff\u00e9rents chauffeurs Uber, et nous avons compris que les chauffeurs eux-m\u00eames avaient tr\u00e8s peu d’informations sur leur travail. Uber peut d\u00e9cider qu\u2019ils vont travailler moins de six ou sept heures par jour, pour ne pas \u00eatre reconnu en tant qu’employ\u00e9, mais le contraire peut aussi \u00eatre vrai. Tr\u00e8s souvent, comme cela s’est pass\u00e9 aux Pays-Bas, Uber peut d\u00e9cider que si un chauffeur fait une pause pour le d\u00e9jeuner, il va \u00eatre p\u00e9nalis\u00e9, et en cons\u00e9quence, moins \u00e0 m\u00eame d’avoir des clients \u2014 mais eux ne le savent pas du tout. <\/p>\n\n\n\n Nous avons donc b\u00e2ti un processus de d\u00e9cision et de syndicats collectifs un peu informels, pour que les chauffeurs puissent avoir un recours par la loi. Nous avons ensuite propos\u00e9 des solutions sur le plan de la r\u00e9gulation, poussant \u00e0 aller vers plus de concurrence afin que l\u2019on sache ce qui se passe derri\u00e8re les applications. Nous avons donc l’exemple d\u2019Uber, qui illustre l\u2019importance du versant syndical, l\u2019exemple de Waze, qui montre l\u2019action d\u2019une commune, mais il en faut beaucoup plus.<\/p>\n\n\n\n Sur la question des rapports de force au niveau plus macro, je suis \u2014 peut-\u00eatre bizarrement \u2014 tr\u00e8s optimiste, quant \u00e0 la situation dans laquelle on se trouve aujourd\u2019hui en Europe. <\/p>\n\n\n\n On en parle depuis au moins un an : le positionnement europ\u00e9en sur l’intelligence artificielle est celui de vouloir des solutions ouvertes plut\u00f4t que ferm\u00e9es. Mistral AI est par exemple un mod\u00e8le ouvert. Ce 20 janvier, il y a eu un \u00e9v\u00e9nement gigantesque et tr\u00e8s positif dans le monde de l’IA, avec DeepSeek venant de la Chine, o\u00f9 un LLM ouvert \u00e9tait plus ou moins aussi efficace que les mod\u00e8les ferm\u00e9s, et vraiment \u00e0 moindre co\u00fbt. <\/p>\n\n\n\n Au niveau europ\u00e9en, alors qu\u2019on se trouvait pris en tenaille, on est aujourd\u2019hui face \u00e0 une opportunit\u00e9 gigantesque. <\/p>\n\n\n\n Nous sommes entre la Chine, qui doit ouvrir ses mod\u00e8les pour des raisons \u00e9conomiques et \u00e0 cause des restrictions sur les chips<\/em> qui viennent des \u00c9tats-Unis ; et les \u00c9tats-Unis, qui sont en train de se fermer de plus en plus par rapport \u00e0 la science. Nous avons donc l\u2019opportunit\u00e9 en Europe d’\u00eatre ouverts \u00e0 la science et \u00e0 ces nouveaux mod\u00e8les, tout en ayant cette approche europ\u00e9enne et en se focalisant sur les finalit\u00e9s citoyennes. <\/p>\n\n\n\n Je pense qu’on peut le faire de trois mani\u00e8res diff\u00e9rentes. Premi\u00e8rement, il s\u2019agit d’innover beaucoup plus dans le domaine de la donn\u00e9e : comment utiliser les donn\u00e9es collectives, tout en respectant la vie priv\u00e9e ? Alors qu\u2019on a \u00e9norm\u00e9ment d’innovation dans le domaine de la puissance de calcul dans l’IA, il y en a tr\u00e8s peu sur les donn\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n Deuxi\u00e8mement, nous devons investir dans et promouvoir l\u2019IA ouverte. C’est quand m\u00eame une trag\u00e9die qu\u2019Open AI s\u2019appelle \u00ab open \u00bb<\/em>, alors qu\u2019elle est au contraire compl\u00e8tement ferm\u00e9e\u2026 <\/p>\n\n\n\n Troisi\u00e8mement, nous devons d\u00e9velopper les m\u00e9canismes de \u00ab feedbacks loops \u00bb ou \u00ab accountability \u00bb. Il s\u2019agit de comprendre quel est l’impact de ces technologies dans la soci\u00e9t\u00e9 \u2014 et je pense que c\u2019est une dimension politique essentielle. Comment peut-on analyser les impacts \u00e0 une \u00e9chelle \u00e9largie \u2014 pas simplement d’une commune, comme Lieusaint qui est un exemple g\u00e9nial \u2014, et ce de mani\u00e8re r\u00e9guli\u00e8re ?<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Michel Bisson, comment peut-on continuer la lutte ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Avec du politique et avec de la m\u00e9thode. Je peux m\u2019exprimer par rapport \u00e0 ce que je vis dans ma commune : Waze, les data centers<\/em>, le e-sport, et les datas. Il faut une approche intelligente, ou \u00ab intelligent approach<\/em> \u00bb \u2013 IA\u2026 (rires). <\/p>\n\n\n\n J’ai cinq indispensables, comme les cinq fantastiques, qui composent les lettres de l\u2019adjectif \u00ab utile \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Le \u00ab U \u00bb, pour \u00ab utilit\u00e9 \u00bb. Nous avons besoin d\u2019\u00eatre du c\u00f4t\u00e9 de la cr\u00e9ation de valeur et pas de l’extraction de valeur \u2014 c’est-\u00e0-dire de d\u00e9passer le sujet de la r\u00e9glementation et de l’innovation. L’extraction de valeur, c’est par exemple Facebook<\/em> qui r\u00e9cup\u00e8re des donn\u00e9es pour les commercialiser. Au contraire, nous avons besoin d’IA qui cr\u00e9e de la valeur, notamment en travaillant sur l’\u00e9ducation ou sur la sant\u00e9, des sujets sur lesquels on attend beaucoup.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 l’\u00e9chelle territoriale, on s’interroge sur les datas<\/em> dont on a besoin. Nous avons par exemple 9 quartiers en r\u00e9novation urbaine, pour lesquels nous avons besoin de tr\u00e8s nombreuses donn\u00e9es afin de comprendre quelles sont les politiques publiques qu’il faudrait mener. On se rend compte que la course \u00e0 la data ne nous donne pas les r\u00e9ponses : une fois qu’on a suffisamment de donn\u00e9es, c’est par la m\u00e9diation, par la pr\u00e9sence, par l’humain, par la culture, qu’on va chercher les choses. Il ne faut donc pas courir apr\u00e8s la data<\/em> et il faut chercher l’utilit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Le \u00ab T \u00bb, pour \u00ab transparence \u00bb. Je le vois sur Waze : je ne sais pas quelles donn\u00e9es, ni quel algorithme ou syst\u00e8me de pens\u00e9e l\u2019application utilise. Nous avons besoin d’utiliser des outils transparents, afin de comprendre pourquoi la conclusion \u00e0 la question qu’on a pos\u00e9e est celle-ci. Cela me para\u00eet absolument fondamental. <\/p>\n\n\n\n S\u2019agissant de Waze, au-del\u00e0 de la dimension citoyenne qu’ils pourraient int\u00e9grer, je pense qu’on pourrait \u2014 m\u00eame si c’est une entreprise \u00e9videmment internationale \u2014 trouver une mani\u00e8re d\u2019en faire une filiale nationale. Cela pourrait devenir, au moins dans un premier temps, une entreprise \u00ab \u00e0 mission \u00bb, c’est-\u00e0-dire une entreprise ayant une finalit\u00e9 \u00e9conomique mais aussi une finalit\u00e9 sociale et environnementale.<\/p>\n\n\n\n Le \u00ab I \u00bb, pour \u00ab innovation \u00bb \u2014 je n’en dis pas plus, vous l’avez tr\u00e8s bien dit Martin Tisn\u00e9 \u2014 mais aussi pour \u00ab impact \u00bb et \u00ab impact sur l’emploi \u00bb. Cela me para\u00eet essentiel. Pour simplifier, l’IA peut avoir deux types d’impacts tr\u00e8s diff\u00e9rents : un cas dans lequel l’IA automatise un emploi, donc nous prive d’un emploi d’une certaine mani\u00e8re ; l\u2019autre cas, o\u00f9 l’IA accompagne un emploi dans les activit\u00e9s quotidiennes. <\/p>\n\n\n\n Je crois qu’on a besoin de privil\u00e9gier une IA qui accompagne des \u00eatres humains, des hommes et des femmes qui ont un emploi, plut\u00f4t que de les remplacer. J’ai un exemple sur cette question : \u00e0 l’\u00e9chelle de l’agglom\u00e9ration, nous traitons les d\u00e9chets m\u00e9nagers \u2014 c’est d\u2019ailleurs un travail passionnant. On s’est int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 l’IA et on a mis, sur un certain nombre de bennes \u00e0 ordures, des capteurs qui permettent, \u00e0 partir d’un logiciel d’intelligence artificielle, de nous dire combien il y a de produits en carton ou de bouteilles qui ne devraient pas \u00eatre dans les d\u00e9chets tout venant. Cela nous permet de mieux appr\u00e9hender la mani\u00e8re dont nos habitants g\u00e8rent aujourd’hui les d\u00e9chets.<\/p>\n\n\n\n Le \u00ab L \u00bb, pour \u00ab litt\u00e9ratie num\u00e9rique \u00bb. On utilise beaucoup ce terme quant \u00e0 la litt\u00e9ratie sportive et la litt\u00e9ratie alimentaire, mais cela marche aussi pour la litt\u00e9ratie num\u00e9rique. Il s\u2019agit de la capacit\u00e9 \u00e0 comprendre ce que l\u2019on utilise. <\/p>\n\n\n\n Sur ce point, j\u2019ai l’exemple du e-sport \u2014 dans lequel l’intelligence artificielle entre en compte. Aujourd’hui, 70 % des Fran\u00e7ais jouent au e-sport ou au gaming, et c\u2019est le cas de 98 % des jeunes. Nous devons faire en sorte de nous occuper de notre jeunesse, notamment sur le plan du num\u00e9rique, qui est incontournable. On est le premier territoire en France \u00e0 nous \u00eatre empar\u00e9 du e-sport \u2014 madame la ministre, vous \u00eates invit\u00e9e. <\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Clara Chappaz<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Nous ne sommes pas mauvais d\u2019ailleurs en e-sport ! Nous avons gagn\u00e9 une grande comp\u00e9tition ce weekend.\u00a0<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Michel Bisson<\/p>\n \n <\/div>\n <\/div>\n \n\n Je ne voulais pas le dire, mais oui ! <\/p>\n\n\n\n Nous n\u2019avons pas souhait\u00e9 simplement accompagner le fait num\u00e9rique, mais \u00eatre partie prenante et acteur du fait num\u00e9rique. <\/p>\n\n\n\n Pour le e-sport nous avons une strat\u00e9gie \u00e0 trois branches. La premi\u00e8re, la plus importante, c’est que nous avons invent\u00e9 une m\u00e9thode du \u00ab savoir e-jouer \u00bb \u2014 comme on apprend \u00e0 savoir faire du v\u00e9lo ou \u00e0 savoir nager. Il s\u2019agit simplement d’apprendre aux jeunes (au CM2 puis au coll\u00e8ge) tous les risques inh\u00e9rents \u00e0 une pratique du e-sport trop importante, c’est-\u00e0-dire le harc\u00e8lement, le repli sur soi et puis accessoirement l’ob\u00e9sit\u00e9 si l\u2019on reste trop s\u00e9dentaire. En m\u00eame temps, nous mettons en exergue toutes les comp\u00e9tences que l’on acquiert par le jeu, qui sont tr\u00e8s diff\u00e9rentes de ce que l\u2019on apprend \u00e0 l\u2019\u00e9cole. Ce sont des comp\u00e9tences d\u00e9ductives \u2014 quand on joue un jeu, on ne lit pas la notice avant d’y jouer, on apprend par l’\u00e9chec \u2014, de dext\u00e9rit\u00e9, mais aussi de strat\u00e9gie collective et de capacit\u00e9 \u00e0 d\u00e9cider. Tout cela est cartographi\u00e9 aujourd’hui de fa\u00e7on tr\u00e8s pr\u00e9cise. <\/p>\n\n\n\n Pour nos jeunes, nous avons besoin de politiques publiques d’\u00e9ducation, comme le savoir e-jouer, mais aussi de donner de l\u2019envie et de l’espoir. Sur ce point, c\u2019est l\u2019importance de la Karmine Corp, qui est la plus belle \u00e9quipe fran\u00e7aise, europ\u00e9enne, et mondiale dans peu de temps \u2014 dont le stade est Grand Paris Sud. Cela permet \u00e0 la fois d’entra\u00eener nos jeunes, et d’apprendre. <\/p>\n\n\n\n Nous devons aussi faire de la litt\u00e9ratie sur l\u2019IA. Nous devons accompagner sur le plan \u00e9ducatif la mani\u00e8re dont on utilise ces outils, avant que ce soient les limites de l’intime qui nous le rappellent. L\u2019usage des technologies pose en effet des questions en termes de sant\u00e9 (sur le plan physique aussi bien que mental), mais aussi en termes de libert\u00e9 individuelle et de d\u00e9mocratie.\u00a0<\/p>\n\n\n\n Je finis par le \u00ab E \u00bb, pour \u00ab \u00e9cologie \u00bb, notamment s\u2019agissant de l’empreinte carbone. Comme nous sommes extr\u00eamement sollicit\u00e9s pour l’installation de data centers<\/em>, y compris par le Pr\u00e9sident de la R\u00e9publique, nous y r\u00e9pondons. Nous sommes un des premiers territoires \u00e0 avoir \u00e9tabli une doctrine permettant de refuser ou accepter une implantation, qui comprend deux conditions \u00e9cologiques majeures sur l’\u00e9nergie et l’eau. <\/p>\n\n\n\n Nous demandons aussi, si je le dis poliment, \u00ab un partenariat avec le territoire \u00bb, si je le dis autrement, \u00ab des contreparties \u00bb \u2014 \u00e0 savoir, l\u2019installation d\u2019une \u00e9cole, d\u2019un incubateur, ou d\u2019entreprises. Nous voulons \u00e9videmment de la plus-value pour le territoire, qui d\u00e9passe tr\u00e8s largement le fait d\u2019y localiser un datacenter.<\/p>\n\n\n\n Voil\u00e0 donc l\u2019\u00ab intelligent approach \u00bb avec les cinq indispensables \u00ab UTILE \u00bb.<\/p>\n\n<\/div>\n\n\n Je crois que cela s’applaudit. Je pense que quelque part \u2014 je le dis devant Fran\u00e7ois Hartog<\/a>, le grand sp\u00e9cialiste de l’humanisme \u2014 vous donnez une r\u00e9ponse au Manifeste du mouvement techno-optimiste de Marc Andreessen. On pourrait peut-\u00eatre l’appeler le \u00ab manifeste de Lieusaint \u00bb ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n
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