{"id":97267,"date":"2021-01-12T08:59:43","date_gmt":"2021-01-12T07:59:43","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=97267"},"modified":"2021-01-12T08:59:47","modified_gmt":"2021-01-12T07:59:47","slug":"integration-economique-franco-italienne","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/01\/12\/integration-economique-franco-italienne\/","title":{"rendered":"Pour une nouvelle int\u00e9gration \u00e9conomique franco-italienne"},"content":{"rendered":"\n
Marcello De Cecco \u00e9tait un personnage unique tant pour sa curiosit\u00e9 que pour la diversit\u00e9 des ses int\u00e9r\u00eats. Il nous a quitt\u00e9s en 2016 <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. \u00c9conomiste et historien originaire de la r\u00e9gion des Abruzzes, \u00e0 l’instar du grand banquier humaniste Raffaele Mattioli, De Cecco sut combiner dans sa carri\u00e8re ouverture internationale et divulgation journalistique. Observateur attentif des d\u00e9s\u00e9quilibres de la zone euro et des ambigu\u00eft\u00e9s de la vague de privatisations italiennes dans les ann\u00e9es 1990, De Cecco est \u00e9galement \u00e0 l’origine de l’id\u00e9e que nous allons analyser et reprendre ici : l’int\u00e9gration \u00e9conomique franco-italienne.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est le titre d’un papier d\u00e9sormais oubli\u00e9 du chercheur italien paru dans Le Monde<\/em> en 1993 <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L\u2019article prend pour point de d\u00e9part le \u00ab s\u00e9isme \u00bb g\u00e9opolitique et mon\u00e9taire du d\u00e9but des ann\u00e9es 1990. \u00c0 la fin de la guerre froide, De Cecco discernait une tendance n\u00e9o-gaullienne chez les dirigeants allemands. L’Allemagne se pr\u00e9parait \u00e0 \u00ab affronter le grand large de la politique internationale \u00bb en investissant massivement dans ses r\u00e9gions de l’Est. La priorit\u00e9 pour la France et l’Italie \u00e9tait de comprendre le nouveau r\u00f4le jou\u00e9 par l’Allemagne. Selon De Cecco, \u00ab une Europe balkanis\u00e9e conv[enait] parfaitement \u00e0 la nouvelle Allemagne \u00bb : on pouvait atteindre le plus haut niveau d’int\u00e9gration \u00e9conomique \u00e0 partir de l’ancienne Allemagne de l’Est en formant un n\u0153ud strat\u00e9gique plus large au niveau de l\u2019Europe centrale et de l\u2019Est, d\u2019abord dans la sph\u00e8re g\u00e9o\u00e9conomique, puis dans d’autres domaines d’int\u00e9gration. L’ancien \u00e9quilibre int\u00e9grationniste, fond\u00e9 sur une Allemagne divis\u00e9e, se trouvait alors d\u00e9j\u00e0 d\u00e9pass\u00e9. La seule fa\u00e7on d’\u00e9quilibrer le nouveau g\u00e9ant, selon De Cecco : une \u00ab autre entit\u00e9 de dimensions comparables \u00e0 l’Allemagne. Cette nouvelle entit\u00e9 peut se former seulement \u00e0 partir d’une int\u00e9gration \u00e9conomique plus pouss\u00e9e entre l’Italie et la France. \u00bb Pourquoi ? \u00ab Du point de vue industriel, l’Italie est une Allemagne \u00e0 \u00e9chelle r\u00e9duite. Mais, l\u00e0 o\u00f9 elle est faible, l’industrie fran\u00e7aise est forte. \u00bb<\/p>\n\n\n\n La \u00ab nouvelle entit\u00e9 \u00e9conomique latine \u00bb n’est pas germanophobe mais elle pointe du doigt un probl\u00e8me in\u00e9vitable qui se pr\u00e9sente \u00e0 l\u2019int\u00e9gration europ\u00e9enne, lorsque celle-ci se trouve uniquement li\u00e9e \u00e0 une cha\u00eene de valeur g\u00e9o\u00e9conomique allemande en croissance.<\/p>Alessandro Aresu<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n En 1993, cette parit\u00e9 substantielle en termes de forces rendait le chemin \u00e0 suivre difficile, mais les int\u00e9grations d\u2019entreprises et les fusions semblaient alors encore possibles dans les secteurs de l’industrie automobile, de la chimie, de l’a\u00e9ronautique ou encore de la sid\u00e9rurgie. De Cecco mentionnait \u00e9galement le chemin qui avait d\u00e9j\u00e0 pu \u00eatre parcouru dans l’industrie alimentaire et dans l’\u00e9lectronique. Il accusait les Fran\u00e7ais de manquer de volont\u00e9 politique pour concr\u00e9tiser les projets industriels mentionn\u00e9s plus haut. Et il invitait les \u00ab orgueilleux cousins transalpins \u00bb \u00e0 abandonner les st\u00e9r\u00e9otypes offensants des mafiosi et des mangeurs de spaghetti italiens. Il \u00e9tait alors temps de comprendre qu’une int\u00e9gration approfondie avec une \u00e9conomie allemande plus grande et au centre de gravit\u00e9 \u00e9largi entra\u00eenerait pour la France une \u00e9rosion de sa propre \u00ab individualit\u00e9 \u00e9conomique \u00bb. D\u2019autre part, l’option italienne constituait la voie id\u00e9ale pour la puissance fran\u00e7aise, qui \u00e9tait capable de d\u00e9ployer \u00e9galement sa \u00ab capacit\u00e9 de construction et de gestion des infrastructures \u00bb au sein d\u2019un espace g\u00e9opolitique. Sur ce point, le don proph\u00e9tique de De Cecco nous ram\u00e8ne imm\u00e9diatement \u00e0 notre pr\u00e9sent : la \u00ab nouvelle entit\u00e9 \u00e9conomique latine<\/a> \u00bb n’est pas germanophobe mais elle pointe du doigt un probl\u00e8me in\u00e9vitable qui se pr\u00e9sente \u00e0 l\u2019int\u00e9gration europ\u00e9enne, lorsque celle-ci se trouve uniquement li\u00e9e \u00e0 une cha\u00eene de valeur g\u00e9o\u00e9conomique allemande en croissance. De Cecco avan\u00e7ait un argument politique : \u00ab Il n\u2019est pas possible de croire, en effet, que les Italiens et les Fran\u00e7ais se soumettront tranquillement \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9 de fermer de plus en plus d’usines dans les deux pays, qui seront, s’ils restent divis\u00e9s, \u00e9cras\u00e9s par la productivit\u00e9 de l’industrie allemande r\u00e9nov\u00e9e, renforc\u00e9e par les bas salaires des pays de l’Est, dans lesquels les entreprises allemandes sont d\u00e9j\u00e0 en train de transf\u00e9rer les productions. \u00bb L’int\u00e9gration franco-italienne pourrait dialoguer sur un pied d’\u00e9galit\u00e9 avec l’Allemagne, elle pourrait se consacrer \u00e0 la \u00ab liaison ferroviaire rapide Turin-Lyon, \u00e0 la gestion commune des ports de la M\u00e9diterran\u00e9e, qui aujourd’hui se font une concurrence ridicule, des accords entre les sid\u00e9rurgies de Tarante et de Fos, qui sont les plus modernes d’Europe, \u00e0 la constitution de grands holdings franco-italiens dans l’a\u00e9ronautique, la chimie, le p\u00e9trole et, avant tout, dans le secteur automobile. \u00bb C’est pourquoi De Cecco en appelait \u00e0 \u00ab la traditionnelle capacit\u00e9 visionnaire des dirigeants fran\u00e7ais \u00bb qui \u00ab ne peut rester fix\u00e9e sur l’axe Paris-Bonn \u00bb. <\/p>\n\n\n\n C’est pr\u00e9cis\u00e9ment l’actualit\u00e9 des questions industrielles soulev\u00e9es par De Cecco qui doit nous amener \u00e0 nous interroger sur notre pr\u00e9sent. Chez les autres acteurs mondiaux, les projets industriels et g\u00e9o\u00e9conomiques sont-ils encore ceux d’il y a trente ans ? \u00c0 la lecture de cet article visionnaire, l\u2019impression d\u2019avoir perdu du temps est oppressante. Une impression diff\u00e9rente de celle que l’on peut avoir aux \u00c9tats-Unis, en Chine, au Japon, en Cor\u00e9e du Sud, \u00e0 Ta\u00efwan : des endroits qui n’ont cess\u00e9 d’inventer l’avenir. Je ne pense pas que De Cecco connaissait en 1993 le texte d’Alexandre Koj\u00e8ve<\/a> sur l’empire latin, reparu en 1990 <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>, mais je ne peux pas l’exclure : en tout cas, sa proph\u00e9tie sur le sc\u00e9nario europ\u00e9en d’un \u00e9largissement de la sph\u00e8re \u00e9conomique allemande et centre-orientale s’est r\u00e9alis\u00e9e, alors qu’aucun \u00ab espace latin \u00bb n’est apparu. Je ne crois pas non plus que les \u00ab dirigeants fran\u00e7ais visionnaires \u00bb- acteurs politiques, industriels ou financiers -, aient lu le texte de De Cecco en organisant leurs \u00ab campagnes italiennes \u00bb. Mais cette bouteille \u00e0 la mer peut nous permettre d\u2019obtenir une photographie d\u2019un moment important pour nos nations, \u00e0 un tournant de l’histoire europ\u00e9enne. <\/p>\n\n\n\n L\u2019union entre la France et l\u2019Italie repr\u00e9sente aujourd’hui environ 26 % du PIB de l’Union, 22,4 % des emplois et 23,2 % des investissements dans la recherche et le d\u00e9veloppement. Le poids de l’Italie dans l’\u00e9conomie europ\u00e9enne a baiss\u00e9 au cours de la derni\u00e8re d\u00e9cennie, celui de la France est rest\u00e9 stable, celui de l’Allemagne a augment\u00e9. Le volume des \u00e9changes entre l’Italie et la France en 2019 \u00e9tait de 86 milliards d’euros. <\/p>\n\n\n\n Mais pour redonner un peu de vie \u00e0 ces chiffres, revenons \u00e0 notre histoire, et au grand Abruzzais de la finance italienne, Raffaele Mattioli, qui contribua notamment \u00e0 financer les \u00e9tudes \u00e0 Cambridge de Marcello De Cecco <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>, n\u00e9 en 1939. En 1939, le jeune banquier Enrico Cuccia \u00e9pouse la fille d\u2019Alberto Beneduce, cr\u00e9ateur de l\u2019IRI, dont le nom \u00e9tait – en r\u00e9alit\u00e9 – Idea Nuova Socialista. Mattioli offrit \u00e0 Cuccia une carte g\u00e9ante (environ trois m\u00e8tres sur deux m\u00e8tres et demi) du Paris du XVIIIe si\u00e8cle, du temps o\u00f9 Michel Etienne Turgot exer\u00e7ait en tant que Pr\u00e9v\u00f4t des marchands <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Cuccia gardait toujours le Plan de Paris dans son bureau de Mediobanca, la banque d’investissement du capitalisme italien, qui repr\u00e9sentait \u00e9galement un trait d’union avec le syst\u00e8me fran\u00e7ais, notamment gr\u00e2ce \u00e0 la grande amiti\u00e9 entre Cuccia lui-m\u00eame et Andr\u00e9 Meyer, le chef historique de Lazard aux \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n Les liens tiss\u00e9s entre les institutions financi\u00e8res comme les banques repr\u00e9sentent l’une des caract\u00e9ristiques \u00e0 long terme de la relation franco-italienne.<\/p>ALESSANDRO ARESU<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Mediobanca est un n\u0153ud financier : parmi les partenaires fran\u00e7ais, outre Lazard, il y a eu plus r\u00e9cemment des acteurs tels que Dassault, Groupama, Bollor\u00e9, la banque d’investissement italienne ayant acquis en 2019 le fran\u00e7ais Messier Maris. L\u2019histoire des banques italiennes a compt\u00e9 plusieurs autres exemples. Les liens tiss\u00e9s entre les institutions financi\u00e8res repr\u00e9sentent l’une des caract\u00e9ristiques \u00e0 long terme de la relation franco-italienne. On peut par exemple citer le financement des missions d\u2019int\u00e9r\u00eat g\u00e9n\u00e9ral, qui est toujours plus important \u00e0 notre \u00e9poque. En 1816, la cr\u00e9ation de la Caisse des d\u00e9p\u00f4ts et consignations fut l’\u0153uvre du comte Corvetto, un ministre des finances fran\u00e7ais n\u00e9 \u00e0 G\u00eanes. Le monde italien \u00e9tait alors divis\u00e9 et fragment\u00e9, compar\u00e9 aux opportunit\u00e9s offertes par la France. Sa \u00ab petite s\u0153ur \u00bb italienne, la Cassa Depositi e Prestiti, est n\u00e9e en 1850, avant l’unification de l’Italie. Rome s’est \u00e9galement tourn\u00e9e vers Paris sur ces questions ces derniers temps, lorsqu\u2019elle a essay\u00e9 d’int\u00e9grer les le\u00e7ons du mod\u00e8le Bpifrance dans le syst\u00e8me italien.<\/p>\n\n\n\n Aujourd’hui, nous vivons dans un contexte diff\u00e9rent de celui de Cuccia et Lazard, et de celui de De Cecco. Nous vivons dans l’ombre du conflit entre les \u00c9tats-Unis et la Chine, et nous voyons dans le capitalisme politique l’\u00e9largissement progressif de la s\u00e9curit\u00e9 nationale <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L’Allemagne a \u00e9volu\u00e9 dans sa gestion de cette crise, et ce par rapport \u00e0 la crise pr\u00e9c\u00e9dente qui a affaibli tous les Europ\u00e9ens. Mais la capacit\u00e9 \u00e0 r\u00e9aliser des projets europ\u00e9ens, sur notre continent, reste \u00e0 d\u00e9montrer. Nous devons relever de grands d\u00e9fis, comme ceux qu’Emmanuel Macron a expos\u00e9s dans son entretien au Grand Continent<\/em><\/a>.<\/em> En mati\u00e8re de sant\u00e9, de num\u00e9risation, de durabilit\u00e9, cette d\u00e9cennie fera des gagnants et des perdants et changera nos soci\u00e9t\u00e9s. Le fleuve d\u00e9cha\u00een\u00e9 de l’innovation risque de mettre les Europ\u00e9ens \u00e0 la d\u00e9rive, apr\u00e8s une d\u00e9cennie au cours de laquelle nous nous sommes endormis et avons rat\u00e9 des occasions.<\/p>\n\n\n\n Borsa-Euronext, FCA-PSA, Fincantieri-STX, Essilor-Luxottica-Mediobanca-Unicredit-Generali, Tim-Vivendi-Mediaset, Cr\u00e9dit Agricole-Creval, Leonardo-Thales, Stm : ce sont l\u00e0, entre autres, les matchs industriels et financiers auxquels participent la France et l’Italie.<\/p>\n\n\n\n L’Italie est le grand perdant de ces trente ann\u00e9es qui nous s\u00e9parent de Maastricht et du projet de De Cecco. C’est \u00e9vident. Nous, les Italiens, devons r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 notre faiblesse. Le ph\u00e9nom\u00e8ne des multinationales \u00ab de poche \u00bb, de ce qui est en tout cas notre capitalisme moyen, tel qu’il est d\u00e9crit dans les \u00e9tudes de Giuseppe Berta <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span> et de Dario Di Vico, doit faire face \u00e0 des \u00e9preuves sans pr\u00e9c\u00e9dent. La r\u00e9ticence financi\u00e8re et organisationnelle du moteur essentiel de notre syst\u00e8me \u00e9conomique que sont les entreprises moyennes \u00e0 capacit\u00e9 internationale n’est pas viable \u00e0 moyen terme. En outre, l’\u00c9tat italien actionnaire s’est retir\u00e9 de certains domaines (t\u00e9l\u00e9communications, autoroutes) o\u00f9 le secteur priv\u00e9 n’a pas obtenu de bons r\u00e9sultats. Dans cette phase, l’\u00c9tat, par le biais des instruments financiers et Fonds souverains, revient sur le devant de la sc\u00e8ne. Certains entrepreneurs italiens se tournent vers la France avec une strat\u00e9gie de longue date, \u00e0 commencer par Leonardo Del Vecchio, alors que l’implication financi\u00e8re et industrielle fran\u00e7aise dans notre pays est ind\u00e9niable.<\/p>\n\n\n\n Il est \u00e0 mon avis indispensable que nous pensions en termes de dimensions et d\u2019\u00e9chelle : dans notre monde actuel et dans le futur, nous ne pouvons quasiment rien faire sans une \u00e9chelle pertinente.<\/p>ALESSANDRO ARESU<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Il est \u00e0 mon avis indispensable que nous pensions en termes de dimensions et d\u2019\u00e9chelle : dans notre monde actuel et dans le futur, nous ne pouvons quasiment rien faire sans une \u00e9chelle pertinente. Le syst\u00e8me financier italien a \u00e9t\u00e9 incapable de tirer de r\u00e9els b\u00e9n\u00e9fices des enseignements d’Antoine Bernheim, bien que ce dernier ait \u00e9t\u00e9 pour de nombreuses ann\u00e9es \u00e0 la t\u00eate de Generali. C\u2019est son soutien \u00e0 Arnault et Bollor\u00e9 qui lui a valu \u00e0 juste titre le surnom de \u00ab parrain du capitalisme fran\u00e7ais \u00bb <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Or nous, les Italiens, n’avons pas eu de Thierry Breton national pour unifier nos services de syst\u00e8me d\u2019information. \u00c0 la fin des ann\u00e9es 1990, Telecom Italia \u00e9tait de loin la meilleure entreprise de t\u00e9l\u00e9communications en Europe. Un \u00ab auto-complot \u00bb italien l’a gravement affaiblie en modifiant les rapports de force. Mais les grandes entreprises de t\u00e9l\u00e9communications europ\u00e9ennes rencontrent les m\u00eames probl\u00e8mes de rentabilit\u00e9 si elles veulent \u00eatre comp\u00e9titives en mati\u00e8re de fronti\u00e8re technologique, et ces questions concernent \u00e9galement les Fran\u00e7ais.<\/p>\n\n\n\n L’Italie a perdu, mais la France n’a certainement pas \u00ab gagn\u00e9 \u00bb. La pand\u00e9mie a seulement confirm\u00e9 le fait que les deux pays ont des difficult\u00e9s communes. En l\u2019absence d’\u00e9quilibre des forces entre les deux pays, une strat\u00e9gie offensive a \u00e9merg\u00e9 ces derni\u00e8res ann\u00e9es, les Fran\u00e7ais ayant exerc\u00e9 davantage de pression sur l’Italie, \u00e0 travers une s\u00e9rie d’acquisitions et d’op\u00e9rations dans divers secteurs industriels. Mais cela ne s\u2019est pas fait sans r\u00e9sistance : tous les pays pratiquent une \u00ab course \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 nationale \u00bb, qui est et sera renforc\u00e9e par la pand\u00e9mie. Aucune strat\u00e9gie industrielle \u00e0 l’\u00e9chelle bilat\u00e9rale ou continentale ne peut fonctionner sans un tissu de confiance. Dans le cas contraire, la r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019int\u00e9gration l’emportera et les march\u00e9s europ\u00e9ens n’auront pas de gouvernement industriel autonome, ils ne seront que l’une des ar\u00e8nes strat\u00e9giques de la confrontation entre les \u00c9tats-Unis et la Chine. <\/p>\n\n\n\n Par ailleurs, nous devrons \u00e9galement tous nous occuper de l’Allemagne apr\u00e8s l\u2019\u00e8re Merkel<\/a>, une situation in\u00e9dite. Dans l’\u00e9volution de la construction europ\u00e9enne, il est \u00e0 mon avis impossible que, dans un futur durcissement de la position allemande, la France laisse l’Italie seule face \u00e0 son destin. Trop de liens unissent les deux pays. Les sentiments des Italiens pour la France oscillent entre complexe d’inf\u00e9riorit\u00e9 et agacement. C’est un vrai probl\u00e8me, auquel se rattache la conviction pour les Italiens que l’option fran\u00e7aise pourrait \u00eatre remise en cause par une improbable entr\u00e9e de l’Italie dans l’anglosph\u00e8re<\/a>. Sur le plan g\u00e9opolitique, la France a souvent agi en contraste subtil ou ouvert avec l’Italie, sans en tirer de r\u00e9els avantages. Il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 penser \u00e0 la guerre en Libye. La faute incombe \u00e0 la France, la d\u00e9faite incombe aux deux. Sur notre terrain de jeu, personne n’a les moyens de se comporter en \u00ab ma\u00eetre \u00bb : nous en sommes r\u00e9duits \u00e0 faire appel aux Emirats sur le terrain. Mais pouvons-nous vraiment continuer comme cela ? Non, d’autant plus que les d\u00e9saccords historiques entre nos entreprises dans le domaine \u00e9nerg\u00e9tique sont confront\u00e9s \u00e0 un s\u00e9isme technologique et financier. Ils doivent \u00e9galement affronter de nouveaux \u00ab champions \u00bb, dans de nouvelles ar\u00e8nes. <\/p>\n\n\n\n Sur quelles bases peut-on reconstruire \u00ab l’int\u00e9gration \u00e9conomique franco-italienne \u00bb ? Je ne reviendrai pas ici dans les d\u00e9tails de tous les dossiers industriels et financiers ouverts, mais j\u2019en dessinerai les grandes lignes. <\/p>\n\n\n\n Premier point : il nous faut parler franchement de nos contrastes, au lieu de revenir sur d\u2019anciens \u00ab dossiers \u00bb ou perdre du temps. L\u2019affaire Fincantieri-STX et la succession de p\u00e9rip\u00e9ties dans le secteur des t\u00e9l\u00e9communications devraient avant tout nous apprendre ceci : nous ne devons pas tarder \u00e0 mettre nos int\u00e9r\u00eats sur la table sans laisser \u00e0 la situation le temps de s\u2019envenimer. Autrement, nous ne ferions que remplir toujours plus les poches des avocats. Une forme de soutien \u00e9conomique indirect, certes, mais qui n\u2019est pas exactement ce dont nos \u00e9conomies ont besoin. <\/p>\n\n\n\n Il faut montrer \u00e0 une nouvelle g\u00e9n\u00e9ration que la dimension m\u00e9diterran\u00e9enne, n\u2019est pas une chim\u00e8re. Comme le dit souvent le ministre Giuseppe Provenzano, nous sommes une g\u00e9n\u00e9ration qui a grandi berc\u00e9e par la \u00ab promesse \u00bb d\u2019une union entre la M\u00e9diterran\u00e9e et l’Afrique qui n\u2019a produit aucun effet r\u00e9el.<\/p>ALESSANDRO ARESU<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Deuxi\u00e8me point : les groupes qui seront le r\u00e9sultat d’une nouvelle union franco-italienne ne peuvent pas \u00eatre uniquement dirig\u00e9s par des Fran\u00e7ais. Bien s\u00fbr, la France est une \u00e9conomie plus importante que l’Italie et dispose d’un syst\u00e8me institutionnel qui fonctionne mieux. Inutile de le nier. D’autre part, l’Italie a encore quelques points forts et ne peut \u00eatre \u00ab acquise \u00bb par le syst\u00e8me fran\u00e7ais, notamment parce que dans des secteurs strat\u00e9giques, il est techniquement impossible de le faire sans accord. S\u2019il en \u00e9tait autrement, les r\u00e9actions rendraient les relations dysfonctionnelles. Quand je parle de groupes, je parle aussi des domaines qui comptent vraiment : la haute technologie, l’\u00e9lectronique, l’ing\u00e9nierie des syst\u00e8mes, la d\u00e9fense et la s\u00e9curit\u00e9, les infrastructures, les finances. <\/p>\n\n\n\n Troisi\u00e8me point : il faut montrer \u00e0 une nouvelle g\u00e9n\u00e9ration que la dimension m\u00e9diterran\u00e9enne, n\u2019est pas une chim\u00e8re<\/a>. Comme le dit souvent le ministre Giuseppe Provenzano, nous sommes une g\u00e9n\u00e9ration qui a grandi berc\u00e9e par la \u00ab promesse \u00bb d\u2019une union entre la M\u00e9diterran\u00e9e et l’Afrique qui n\u2019a produit aucun effet r\u00e9el. L’option \u00ab latine \u00bb<\/a> de De Cecco ne peut avoir de sens que si, dans ces domaines logistiques, \u00e9conomiques et g\u00e9opolitiques, la collaboration italo-fran\u00e7aise porte ses fruits. Une collaboration qui peut aussi \u00eatre men\u00e9e dans le domaine de la finance durable, dans un processus qui a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 entam\u00e9 par la France avec Finance in Common<\/em>, qui pourra \u00eatre repris par le G20 sous la pr\u00e9sidence italienne. <\/p>\n\n\n\n Quatri\u00e8me point : il nous faut saisir par anticipation le s\u00e9isme dans la cha\u00eene de valeur allemande, dans ses connexions avec la fabrication italienne de composants et de robotique industrielle, qui est encore un secteur d’excellence. Il nous faut coordonner les investissements dans les nouvelles cha\u00eenes d’approvisionnement \u00e9lectrique et les technologies de pointe en relation avec les march\u00e9s europ\u00e9ens et les cha\u00eenes d’approvisionnement manufacturi\u00e8res, notamment par des relations plus \u00e9troites avec les universit\u00e9s, les \u00e9coles polytechniques et les centres de recherche. Ne disons plus jamais que nous devons cr\u00e9er une DARPA ou une BARDA europ\u00e9enne si nous ne sommes pas capables de le faire dans un d\u00e9lai d’un an, si nous ne sommes pas capables de retrouver notre ambition, le moteur qui nous amen\u00e9s \u00e0 fonder le CERN et l’Agence spatiale europ\u00e9enne et que nous avons perdu au fur et \u00e0 mesure des d\u00e9cennies. <\/p>\n\n\n\n Depuis 2018, la France et l’Italie d\u00e9battent du Trait\u00e9 du Quirinal. Tous ces \u00e9l\u00e9ments peuvent faire partie d’un nouveau pacte entre l’Italie et la France, dont on devrait discuter le plus rapidement possible, alors que nous sommes encore confront\u00e9s \u00e0 la temp\u00eate du coronavirus et de ses inconnues. Il nous faudra \u00eatre pr\u00eat au moins pour le mois d\u2019octobre 2023, quand nous f\u00eaterons le trenti\u00e8me anniversaire de la parution de l\u2019article de De Cecco.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Dans la temp\u00eate du coronavirus et alors que l’Europe s’appr\u00eate \u00e0 devoir composer avec une Allemagne post-Merkel, il est plus que jamais temps pour la France et l’Italie d’\u0153uvrer \u00e0 une plus grande int\u00e9gration \u00e9conomique. Selon Alessandro Aresu, il ne faut pas manquer ce rendez-vous.<\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":97305,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-angles.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1727],"tags":[],"geo":[543],"class_list":["post-97267","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-economie","staff-alessandro-aresu","geo-mediterranee"],"acf":[],"yoast_head":"\n